Question de M. COLLOMBAT Pierre-Yves (Var - SOC) publiée le 05/10/2007

Question posée en séance publique le 04/10/2007

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le Premier ministre, EADS est certainement l'un des plus beaux fleurons de la technologie et de l'industrie européenne et française. Cette entreprise traverse, depuis mai 2005, une zone de turbulences, avec pour conséquences un plan de suppression de 10 000 emplois et une chute de 35 %, en moyenne, du titre.

Seule l'oligarchie qui sait et qui dirige en est sortie indemne, faisant fructifier ses stock-options et retirant ses billes à temps.

MM. René-Pierre Signé et Didier Boulaud. Eh oui !

M. Pierre-Yves Collombat. Au premier rang figurent l'ex-coprésident d'EADS, Noël Forgeard, et les dirigeants des groupes Lagardère et Daimler.

Entre mai 2005 et juin 2006, 1 200 petits futés...

M. René-Pierre Signé. Pas beau !

M. Pierre-Yves Collombat. ...auront vendu 10 millions de titres EADS, empochant ainsi 90 millions d'euros de plus-values.

M. René-Pierre Signé. Pas beau ! Pas beau !

M. Pierre-Yves Collombat. L'Autorité des marchés financiers, l'AMF, a ouvert une enquête, qui vient de déboucher sur une note transmise au parquet de Paris. Selon Le Figaro, cette enquête conclut à un délit d'initiés massif, commis avant que les difficultés d'Airbus ne soient rendues publiques, provoquant l'effondrement du titre.

On apprend aussi que, fin 2005, le ministre des finances, Thierry Breton, avait été informé de la situation par l'Agence des participations de l'État, l'APE, qui gère les participations publiques dans EADS. Ladite agence lui avait alors conseillé de se désengager au plus vite, ce qui n'a pas été fait.

Monsieur le Premier ministre, trouvez-vous normal de confier la stratégie industrielle de la France à des boursicoteurs, publics ou privés ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Évidemment qu'il trouve cela normal !

M. Pierre-Yves Collombat. N'est-il pas temps de réaliser que l'État n'est pas une entreprise privée, et qu'il ne peut ni faire faillite ni avoir pour objectif la valorisation de son patrimoine ? Ce sera ma première question.

Trouvez-vous normal, ensuite, qu'un ministre des finances de la République puisse se laver les mains de manoeuvres portant aussi gravement atteinte à nos intérêts industriels collectifs et n'ouvre pas d'enquête une fois ces agissements connus, comme l'avaient demandé les groupes socialistes du Sénat et de l'Assemblée nationale ?

M. Didier Boulaud. Exactement !

M. Pierre-Yves Collombat. Thierry Breton dit « qu'il n'avait ni à autoriser ni à empêcher » la vente des actions des groupes Lagardère et Daimler. Quant aux représentants de ces groupes, ils affirment que « la procédure a été transparente ».

L'enquête dira ce qu'il en est. Mais si c'est vrai, c'est encore plus grave ! Cela signifierait que l'on peut en France, en toute légalité et sous le regard impassible de l'État, mettre en pièce notre industrie.

Hier soir, tard dans la nuit, le Gouvernement et sa majorité ont traqué les fraudeurs à l'immigration jusque dans l'ADN des enfants. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Ne pensez-vous pas qu'il serait au moins aussi urgent de vous préoccuper des émigrés de la finance,...

M. René-Pierre Signé. Oui !

M. Pierre-Yves Collombat. ...qui menacent notre identité industrielle et nos emplois ? (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 05/10/2007

Réponse apportée en séance publique le 04/10/2007

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les faits reprochés à certains dirigeants d'EADS sont très graves.

M. Charles Gautier. Oui !

M. François Fillon, Premier ministre. C'est justement pour cette raison que nous devons faire preuve de retenue dans nos commentaires (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) et respecter les procédures judiciaires.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Expliquez cela aux salariés !

M. François Fillon, Premier ministre. Une enquête de l'Autorité des marchés financiers est en cours. Celle-ci a d'ailleurs fait savoir, hier, que ses conclusions étaient loin d'être acquises et qu'elles seraient connues au début de l'année 2008. La justice est donc saisie.

Par ailleurs, nous sommes dans un État de droit. (Oui ! sur les travées du groupe socialiste.) Dans ce type d'État, il est d'usage d'attendre les conclusions de la justice avant de commenter la culpabilité de tel ou tel. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Sinon, ce n'est plus un État de droit. Ici, au Sénat, cet argument devrait être compris par chacun !

Il va de soi que l'État ne s'est prêté en aucune façon à une quelconque manoeuvre supposée, dont l'enquête prouvera ou non l'existence, concernant la liquidation d'actions par des porteurs privés.

L'État ne s'y est pas prêté pour une raison simple, monsieur le sénateur : il existait un curieux pacte d'actionnaires, négocié sous une autre majorité (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.),...

M. Charles Revet. Eh oui !

M. François Fillon, Premier ministre. ...qui privait les États français et allemand de tout droit d'intervention dans les affaires EADS ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

C'est justement parce que nous avons été choqués par ce pacte d'actionnaires (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), et pour qu'une telle situation ne se reproduise plus,...

M. Charles Revet. Voilà du travail sérieux !

M. François Fillon, Premier ministre. ...que le Président de la République, Mme Merkel et Mme Lagarde ont modifié, cet été, la gouvernance d'EADS.

M. Yannick Bodin. Rien à voir !

M. François Fillon, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, qu'elle soit fondée ou non, cette affaire, qui est d'ordre privé (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.), ne doit pas conduire à jeter l'opprobre sur une grande entreprise européenne stratégique.

Elle ne doit pas conduire à faire oublier qu'EADS, après avoir connu une crise de croissance, est désormais une entreprise en plein succès, enregistrant des commandes qui la hissent au niveau de son concurrent américain.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Expliquez cela aux salariés !

M. Jacques Mahéas. Au moins 10 000 emplois supprimés !

M. Didier Boulaud. Nous ne vous lâcherons pas, monsieur le Premier ministre !

M. François Fillon, Premier ministre. Le succès de l'A380 et de l'A350 montre que l'entreprise EADS est sur la bonne voie et qu'elle sort de cette crise de croissance. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud. Ce sont des patrons voyous !

M. François Fillon, Premier ministre. Cette entreprise doit être accompagnée par les pouvoirs publics sur la voie d'un succès qui devrait faire la fierté de la France et de l'Europe ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF. -Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est la langue de bois de l'État !

M. Didier Boulaud. Des voyous !

M. le président. Monsieur le Premier ministre, la commission des finances du Sénat procédera prochainement à une série d'auditions concernant cette affaire. Monsieur le président de la commission des finances, pouvez-vous nous confirmer cette information ?

M. Jacques Mahéas. Une commission d'enquête !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Effectivement, monsieur le président, nous avons décidé d'entendre un certain nombre de responsables afin de dissiper tous les soupçons. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP. -Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

MM. Didier Boulaud et Roland Courteau. Il faut une commission d'enquête !

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