Question de Mme BRICQ Nicole (Seine-et-Marne - SOC) publiée le 19/10/2007
Question posée en séance publique le 18/10/2007
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre, et vous comprendrez pourquoi je tiens à l'identité du destinataire.
À la suite de la publication par la presse d'éléments du pré-rapport de l'Autorité des marchés financiers, EADS s'est retrouvée une nouvelle fois dans l'actualité le mercredi 3 octobre, avec une forte suspicion de délits d'initiés.
M. Jean-Marc Todeschini. Oh oui !
Mme Nicole Bricq. Si le Parlement n'a pas à interférer avec ce qui pourrait relever de poursuites judiciaires, son rôle est bien de comprendre ce qu'a été la gouvernance publique, l'État et son exécutif agissant comme acteur direct et indirect.
À cet effet, la commission des finances du Sénat a réagi avec célérité des le 5 octobre. Elle veut connaître et comprendre. L'actualité de ce dossier étant renouvelée quasi quotidiennement, la réactivité s'impose. Mais célérité et réactivité n'empêchent pas que nous soyons à la remorque de la presse. Les déclarations de M. Arnaud Lagardère, ce dimanche, et l'affirmation de ses contacts directs avec les plus hautes autorités de l'État constituent l'épisode le plus récent de ce mauvais feuilleton.
Il est à cet égard regrettable que la création d'une commission d'enquête nous ait été refusée par deux fois, l'une en novembre 2006 sur les difficultés industrielles d'EADS, l'autre le 9 octobre dernier concernant les responsabilités de l'État, alors même que le Président de la République - et la chronologie a son importance ! -, lors de son déplacement a Mâcon le 8 octobre, affirmait : « je veux savoir la vérité s'agissant de ce qui s'est passé au niveau de l'État » ; « s'il y a des gens qui ont fraudé chez EADS, il faut que la justice aille jusqu'au bout, qu'on connaisse la vérité et que ceux qui se sont comportés de façon malhonnête soient punis à due proportion de ce qu'ils ont fait. » ; « j'irai jusqu'au bout de l'enquête pour savoir quelles ont été les responsabilités de l'État à ce moment-là », ajoutait-il.
La commission d'enquête permettrait à l'ensemble du Sénat, opposition et majorité, d'être à égalité de connaissance, ce qui est l'intérêt de tous les acteurs publics compte tenu des dégâts moraux causés par cette affaire dans l'opinion.
M. Roland Courteau. C'est vrai !
Mme Nicole Bricq. Et cela d'autant que la dépénalisation du droit des affaires est aussi entrée dans l'actualité, Mme le garde des sceaux ayant en effet annoncé la création d'un groupe de travail sur cette question le 4 octobre dernier, soit le lendemain de la publication dans la presse du pré-rapport de l'AMF. Avouez que cette concomitance ajoute au trouble !
M. le président. Votre question !
Mme Nicole Bricq. Mme le ministre de la justice a précisé, dans le journal Le Monde daté du 16 octobre, que « naturellement, l'abus de bien sociaux et le délit d'initiés ne seront pas dépénalisés ». Pourquoi ce « naturellement » s'il n'y a pas de lien entre la réforme envisagée et le dossier EADS ? Il apparaît donc de plus en plus nécessaire que la lumière soit faite...
M. le président. Votre question !
Mme Nicole Bricq. ... et que le Gouvernement précise ce qu'il entend extraire de la sphère pénale. Il doit répondre aux interrogations de nos concitoyens sur cette concomitance, cette coïncidence des actes et des faits, afin de lever la suspicion dangereuse à l'encontre de l'action publique, particulièrement celle qui a trait à la responsabilité de l'État.
M. Charles Revet. Trois minutes quinze !
Mme Nicole Bricq. C'est pourquoi, je vous demande de préciser le champ que recouvrerait la dépénalisation du droit des affaires ainsi que la force de conviction dont vous comptez faire preuve en tant que chef de la majorité pour que celle-ci mette en place une commission d'enquête dans l'intérêt de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
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Réponse du Secrétariat d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur publiée le 19/10/2007
Réponse apportée en séance publique le 18/10/2007
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. Madame Bricq, vous souhaitez la transparence sur l'affaire EADS. Sachez que le Gouvernement joue bien la transparence. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Il joue gros !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Mme Christine Lagarde a été entendue par les commissions des finances de la Haute Assemblée et de l'Assemblée nationale. Elle a immédiatement demandé à l'Inspection générale des finances un rapport pour savoir si les services de l'État avaient ou non joué pleinement leur rôle. Ce rapport a été rendu public la semaine dernière.
M. Gérard Longuet. C'est vrai !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et la commission d'enquête ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Sa conclusion est la suivante : les services du ministère des finances ont parfaitement rempli leur rôle et ne peuvent aucunement être mis en cause.
M. Gérard Longuet. Oui !
M. Didier Boulaud. Et Matignon ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quand on n'a rien à cacher, on accepte une commission d'enquête !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Vous évoquez, madame le sénateur, d'éventuels délits d'initiés. Or le rôle de la justice est justement de déterminer si, oui ou non, de tels délits ont été commis.
Je regrette, permettez-moi de vous le dire, que, au moment où des succès commerciaux exceptionnels sont annoncés (Très bien ! sur les travées de l'UMP.- Rires sarcastiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.), au moment où le Premier ministre présente, à Marignane, un plan de soutien inégalé de la filière aéronautique (Nouveaux rires sur les mêmes travées.), vous n'ayez aucun mot pour ce qui fait la fierté de notre industrie aéronautique : cent quatre-vingt-cinq A 380, des commandes de près de quarante milliards d'euros ! J'imagine que c'est un simple oubli de votre part !
M. Didier Boulaud. Ce sont vos amis qui ont mis les mains dans la caisse !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Votre omission montre qu'il y a, d'un côté, ceux qui soutiennent cette entreprise et ses succès commerciaux et, d'un autre, ceux qui privilégient les dérives politiciennes ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Didier Boulaud. Il y a ceux qui bossent et ceux qui mettent les mains dans la caisse !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ceux qui se lèvent tôt à EADS vous regardent !
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