Question de M. HUE Robert (Val-d'Oise - CRC) publiée le 25/10/2007
M. Robert Hue attire l'attention de Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports sur le refus de prêt bancaire auquel sont confrontés de nombreux malades malgré l'adoption de plusieurs conventions. Il lui demande de bien vouloir lui faire part de son sentiment sur le sujet.
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Réponse du Ministère de la santé, de la jeunesse et des sports publiée le 21/11/2007
Réponse apportée en séance publique le 20/11/2007
M. le président. La parole est à M. Robert Hue, auteur de la question n° 76, adressée à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.
M. Robert Hue. Madame la ministre, la signature, le 19 septembre 2001, de la convention dite « Belorgey » était censée faciliter l'accès à l'assurance des personnes présentant « un risque aggravé concernant leur état de santé », qui ne devaient donc plus se voir opposer un refus de crédit ou des tarifs prohibitifs.
Trois années de discussions avaient été nécessaires pour que cette convention voie le jour, mobilisant autour de Jean-Michel Belorgey, conseiller d'État, les associations de malades, les professionnels de l'assurance, ainsi que les ministères de la santé et des finances.
Or cette convention n'a pas été appliquée. Pour régler ce problème, de nouvelles dispositions sont entrées en vigueur, le 8 janvier 2007 : la convention dite AERAS, ou « S'assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé », qui annule et remplace la convention Belorgey.
Ces nouvelles dispositions comportent, je dois le reconnaître, de réelles avancées, mais elles restent nettement insuffisantes. En effet, certaines compagnies bancaires ou sociétés de crédit semblent ignorer les dispositions adoptées et omettent d'en parler à leurs clients, ou alors se contentent de proposer une garantie décès dans des dossiers qui, pourtant, sont particulièrement délicats.
Il est inadmissible que des personnes soient aujourd'hui exclues du marché de l'immobilier et interdites d'acquisition sous prétexte qu'elles sont ou ont été malades, parce qu'elles sont considérées comme un risque pour les banques et les compagnies d'assurance.
Or plus de 9 000 personnes se voient ainsi chaque année refuser l'accès au crédit immobilier - l'assureur refuse de les garantir, souvent sans même motiver sa décision -, ou bien doivent subir des surprimes effrayantes. Ainsi, et je vous livre le témoignage de l'un de mes administrés, pour un simple souffle au coeur, la surprime appliquée au prêt peut dépasser 9 600 euros sur vingt ans !
Tout cela est extrêmement choquant.
Par ailleurs, les compagnies d'assurance ne prennent pas en compte de manière satisfaisante les progrès thérapeutiques accomplis au cours de ces dernières années ; en effet, nous le savons, certaines maladies, autrefois mortelles, deviennent aujourd'hui chroniques, ce qui est heureux.
Le précédent Président de la République, Jacques Chirac, avait pris un engagement, à l'époque où ces conventions étaient en discussion, déclarant : « La vie, avec ou après le cancer, c'est aussi pouvoir faire des projets et les mener à bien ».
Cependant, au début du mois, dans cet hémicycle, le secrétaire d'État chargé des sports, M. Laporte, annonçait que l'application de certaines dispositions de la loi exigeait une évaluation, qui serait rendue le 1er juillet 2008.
Madame la ministre, que vont faire en attendant les gens qui souhaitent emprunter aujourd'hui ? Comment voulez-vous que j'explique aux personnes qui viennent me demander de l'aide, comme il en vient sans doute aussi dans vos permanences, mes chers collègues, qu'elles devront attendre juillet 2008 pour que la loi, votée pourtant en janvier 2007, soit enfin appliquée ? C'est une aberration !
Pour toutes ces raisons, madame la ministre, je souhaite savoir ce que le Gouvernement a l'intention de faire pour que les malades et leur famille ne subissent plus une situation que l'on peut qualifier de double peine. En d'autres termes, quelles dispositions comptez-vous prendre afin que la convention AERAS soit respectée et améliorée ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur, merci, tout d'abord, de votre question, qui porte sur un sujet sur lequel, au-delà de nos divergences politiques, nous nous sommes souvent retrouvés.
Comme vous l'avez souligné, de nombreuses personnes malades, en rémission complète ou même guéries, se voient fréquemment opposer un refus lorsqu'elles sollicitent un prêt à la consommation, un prêt immobilier ou un prêt professionnel, faute d'être couvertes par le contrat d'assurance garantissant les risques décès et invalidité que demandent les établissements de crédit.
Ce refus est ressenti par ces personnes comme une double peine - je reprends tout à fait à mon compte l'expression que vous avez employée, monsieur le sénateur -, qui les empêche de se reconstruire et de refaire leur existence.
En outre, lorsque ces personnes obtiennent une proposition d'assurance, elles ne sont pas toujours en mesure d'acquitter les surprimes demandées, dont le montant est parfois très élevé. Vous avez cité la somme de 9 600 euros sur un contrat de vingt ans : les chiffres observés sont effectivement de cet ordre de grandeur.
Ces situations, difficilement vécues par ceux de nos concitoyens qui ont surmonté parfois depuis longtemps déjà la maladie et qui ont souvent repris le cours normal de leur vie, constituent une entrave à la réinsertion.
Monsieur le sénateur, vous avez souligné les progrès permis par la convention AERAS, signée le 6 juillet 2006 par le ministre de l'économie et des finances, le ministre de la santé et des solidarités, les fédérations professionnelles de la banque, de l'assurance et de la mutualité ainsi que les associations de malades et de consommateurs.
Cette convention met en place un dispositif global visant à faciliter l'accès à l'emprunt et à l'assurance des personnes présentant un risque aggravé de santé. Comme vous l'avez noté, elle comporte des avancées par rapport à la précédente convention, à savoir davantage de transparence dans les décisions de refus, la prise en compte de la couverture du risque invalidité et la création d'un mécanisme de prise en charge des surprimes en faveur des emprunteurs, sous condition de ressources.
La convention AERAS, dont les stipulations ont été consacrées par la loi du 31 janvier 2007, est entrée en vigueur au début de cette année, très exactement le 6 janvier 2007.
Depuis cette date, les instances prévues par la convention ont été installées - elles fonctionnent sans difficulté - et des actions de communication ont été lancées par l'ensemble des parties signataires afin de faire connaître la convention.
L'État, pour sa part, a créé un site internet qui totalise plus de 90 000 connexions depuis le mois de janvier 2007.
De leur côté, les établissements de crédit et les entreprises d'assurance ont mis en place le mécanisme de mutualisation des surprimes.
Enfin, vous le savez, la loi du 31 janvier 2007 prévoit une évaluation des conditions d'application de la convention AERAS au plus tard le 1er juillet 2008.
Monsieur le sénateur, je suis très attachée à la mise en oeuvre concrète, sur le terrain, des dispositions de cette convention.
J'ai donc demandé qu'un groupe de travail soit constitué afin d'élaborer, avec l'ensemble des parties signataires, les indicateurs permettant d'évaluer objectivement le respect des engagements pris ou le caractère éventuellement insuffisant des mesures arrêtées dans le cadre de cette convention.
Cette évaluation de la convention AERAS constitue pour moi une phase essentielle, qui doit permettre aux pouvoirs publics de tirer toutes les conséquences de l'application de ce texte et de chercher, le cas échéant, des solutions de rechange.
Néanmoins, je suis extrêmement sensible aux précisions que vous m'avez apportées s'agissant de la mauvaise volonté dont font preuve certains établissements, en violation de la loi. Croyez bien que, sans attendre le résultat des travaux du groupe de travail, ni le terme de la période probatoire, je saurai rappeler aux partenaires concernés leurs obligations légales.
Nous le devons aux malades et anciens malades qui se heurtent à ces difficultés.
M. André Trillard. Bravo, madame la ministre !
M. le président. La parole est à M. Robert Hue.
M. Robert Hue. Madame la ministre, vous abondez dans mon sens, ce qui n'a rien d'étrange puisque, chacun l'aura constaté, nous avons la même appréciation de ce problème.
Je note que le groupe de travail que vous avez mis en place avant même l'évaluation de la convention AERAS devrait permettre d'améliorer le dispositif, et je vous en remercie, madame la ministre, mais je regrette que cette évaluation, comme vous l'avez confirmé, ne soit disponible qu'en juillet 2008, certes, conformément à la loi, mais tout de même bien tardivement...
Je n'ajouterai rien sur la double peine que subissent les personnes concernées, notamment dans une période où l'accès au crédit immobilier est particulièrement difficile, ce qui pèse lourd, d'ailleurs, dans la situation sociale actuelle.
Le délai constaté dans la mise en oeuvre concrète de cette loi peut écarter bien des gens du marché immobilier. Nous connaissons la conjoncture et nous savons que la crise qui sévit actuellement aux États-Unis peut avoir des conséquences en France, notamment un relèvement des taux, ce qui réduirait d'autant l'accès des ménages à l'emprunt. Aussi, des milliers de gens qui auraient pu bénéficier d'un prêt risquent de ne pas pouvoir donner suite à leur projet immobilier et se trouver dans une situation difficile.
Je vous remercie donc, madame la ministre, d'accélérer sensiblement la mise en oeuvre de ce dispositif.
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