Question de Mme LE TEXIER Raymonde (Val-d'Oise - SOC) publiée le 30/11/2007
Question posée en séance publique le 29/11/2007
Mme Raymonde Le Texier. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Si je rappelle ici que je suis élue de Villiers-le-Bel depuis trente ans, personne ne sera surpris par l'objet de ma question.
Monsieur le Premier ministre, vous êtes venu à plusieurs reprises à Villiers-le-Bel, ainsi que Mme Alliot-Marie. Vous avez vu une ville dévastée, des écoles, des commerces et une bibliothèque brûlés, les policiers et les pompiers pris pour cible. Vous avez rencontré deux familles qui pleurent leurs enfants.
Tandis que d'aucuns étaient sincèrement bouleversés par la mort de leurs deux amis, d'autres laissaient libre cours à leur haine et utilisaient ce drame pour justifier destructions et agressions. Le déchaînement de la violence a atteint un niveau inouï et plusieurs dizaines de policiers en ont été directement victimes. Nous condamnons tous cette brutalité sans nom.
Mais au-delà de ce constat, ce qui nous explose au visage est la conséquence d'un abandon. Dans nos quartiers vivent 6 millions de personnes, 10 % de la population, et c'est là que se cumulent toutes les difficultés et toutes les impasses de notre société. Ces quartiers sont depuis bien longtemps des ghettos où jamais ne se concrétisent les promesses de notre pacte républicain.
Certes cette semaine, pendant les émeutes, l'État était présent et le déploiement considérable des forces de police a été déterminant dans l'arrêt des violences. Mais au quotidien, la République a déserté, et ce constat n'est pas récent.
L'image des banlieues suscite le rejet alors même que c'est le désespoir et le sentiment d'être méprisé qui alimentent la colère, nourrissent la haine et attisent la violence.
Les émeutes de 2005 n'ont rien changé. Certains jeunes qui, depuis bien longtemps, n'avaient plus d'horizon n'ont maintenant plus de limite.
Pourtant, les maires de villes de banlieues ont depuis longtemps préconisé des solutions concrètes. Ici, au Sénat, droite et gauche rassemblées, nous avons travaillé dans le cadre d'une mission d'évaluation des politiques de la ville. Nous nous sommes retrouvés sur un diagnostic commun et sur des propositions d'action.
À l'époque, nous étions plusieurs à dire : « Ne croyez pas que novembre 2005 est derrière nous, il est toujours devant nous » parce que le niveau d'échec scolaire désespère les familles et fait fuir celles qui le peuvent, accentuant l'effet de ghetto. Parce que le niveau de chômage et la discrimination à l'embauche renforcent encore le sentiment de rejet. Parce que la concentration des familles les plus fragiles dans les mêmes lieux entraîne tout le monde vers le bas.
Monsieur le Premier ministre, il n'est pas utile aujourd'hui de parcourir à nouveau l'ensemble du territoire, comme si nous manquions d'informations et d'outils d'analyse. Le travail est déjà fait, le diagnostic est posé, les actions concrètes à mettre en oeuvre sont identifiées. Ne manquent que la volonté et les moyens.
M. le président. Poser votre question !
Mme Raymonde Le Texier. Je la pose, monsieur le président !
Afin de rétablir les fondements de la République et de dégager des perspectives d'espoir pour ces 6 millions d'habitants, êtes-vous prêt à écouter enfin les maires de ces communes ? (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la politique de la ville publiée le 30/11/2007
Réponse apportée en séance publique le 29/11/2007
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Cette semaine, comme vous l'avez rappelé, madame la sénatrice, des phénomènes de violences urbaines ont éclaté dans Villiers-le-Bel - commune que vous connaissez particulièrement - à la suite d'un dramatique accident de la route qui a causé la mort de deux jeunes adolescents.
M. Jean-Luc Mélenchon. Ça, on le sait !
M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas la peine de répéter la question !
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. Après avoir assisté à des actes de violences inouïs et condamnés par tous, la situation semble revenir à la normale grâce à l'important travail des forces de l'ordre, auxquelles je tiens, moi aussi, à rendre hommage.
Le Président de la République a parlé d'un plan Marshall. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jacques Valade. Laissez la parler !
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. L'élaboration de ce plan traduit sa détermination, ainsi que de celle de tous les membres du Gouvernement, à changer la situation dans les banlieues.
M. Yannick Bodin. Zorro est arrivé !
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. Sa seule ambition, sa détermination, c'est, et je sais que cela vous agréera, de reconstruire la République au coeur de nos cités. Ce défi nous engage tous. Il nous oblige à revisiter nos pratiques, à améliorer notre gouvernance. C'est pourquoi, dès ma prise de fonctions, j'ai engagé une vaste concertation.
Certes, madame la sénatrice, il y a déjà eu des concertations.
M. Yannick Bodin. Depuis 30 ans !
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. Pour ma part, je considère qu'il faut aller là où les gens ne parlent pas, là où ils n'assistent pas aux concertations. C'est pour cette raison que, dès le 1er août, sur Skyblog, j'ai ouvert un blog, qui, il est vrai, a fait polémique,...
Mme Éliane Assassi. C'est ça la réponse dont ont besoin les gens des quartiers ?
M. Jean-Pierre Raffarin. Est-ce que l'on peut respecter la ministre !
Mme Éliane Assassi. Qu'elle nous respecte aussi !
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. ...mais qui a permis à une certaine jeunesse de prendre la parole, de libérer sa parole pour présenter des propositions en vue de l'élaboration du plan « Respect et égalité des chances ».
De la même manière, les réunions d'appartements ont permis à un très grand nombre de personnes qui ne participent pas aux concertations classiques, à des papas et à des mamans des quartiers difficiles, de libérer leur parole et de participer, eux aussi, à l'élaboration du plan « Respect et égalité des chances » en présentant des propositions concrètes ou en disant simplement que, dans leurs quartiers, il existe, malheureusement, un vrai problème, un vrai souci.
Outre l'emploi des jeunes, qui les touche particulièrement, ils sont inquiets devant l'insécurité et souhaitent avec force que la police soit présente dans les quartiers populaires.
Un sénateur socialiste. Pas celle-là !
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. Depuis le 1er septembre, j'ai demandé à tous les préfets d'organiser ces concertations territoriales. Dans chaque département, j'ai tenu à organiser des réunions d'appartements. L'attente, nous le savons tous, est considérable.
Madame la sénatrice, je partage votre constat d'une évolution encore trop timide dans nos quartiers. Les inégalités sociales et territoriales se sont accentuées au fil des années, comme le montrent toutes les statistiques.
Ces quartiers, où vivent plus de 6 millions de personnes, connaissent des difficultés structurelles qui demeurent fortes, au point d'alimenter les sentiments d'exclusion de leurs habitants. Mais je ne peux pas laisser dire que rien n'est fait.
M. le président. Veuillez conclure, madame la secrétaire d'État !
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. L'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, agit sur le cadre bâti. Depuis sa création, ce sont, concrètement, 9,8 milliards d'euros qui sont d'ores et déjà programmés sur 200 opérations dans les quartiers. Je rappelle que l'engagement total de l'État pour la période 2004-2012 est de 12 milliards d'euros.
En même temps que nous conduisons la rénovation urbaine, il nous faut oeuvrer à la rénovation sociale. Pour cela, le travail de l'ACSÉ, l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, est énorme.
M. le président. Il faut conclure, madame, je vous prie !
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. Elle bénéficiera donc, en 2008, de 794 millions d'euros de crédits de paiement.
M. le président. Madame, par respect pour les autres intervenants, je vais me voir obligé de couper votre micro ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. Je terminerai en évoquant l'élaboration du plan banlieues.
Nous travaillons principalement sur trois axes extrêmement importants : le désenclavement des quartiers ; l'éducation et les pôles de réussite, dont tout le monde attend beaucoup ; ainsi que, tout simplement, l'emploi des jeunes, un axe fort qui, justement, permettra de faire reculer le chômage des jeunes, notamment la déshérence de certains d'entre eux. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
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