Question de M. BODIN Yannick (Seine-et-Marne - SOC) publiée le 08/02/2008
Question posée en séance publique le 07/02/2008
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, dont je regrette l'absence.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elle est dans le XIIe arrondissement !
M. Jean-Marc Pastor. Elle est en campagne !
M. Yannick Bodin. Le 1er février dernier s'est produit un événement social sans précédent dans notre pays : 80 % des magasins de la grande distribution ont été touchés par un mouvement de grève des personnels.
Oui, cet événement est sans précédent. Précarisés et bravant des pressions patronales inadmissibles,...
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est vrai !
M. Yannick Bodin. ...de nombreux employés ont participé, pour la première fois, à des manifestations, dans une profession souvent peu syndiquée et dispersée dans des milliers de points de vente.
La situation des employés des grandes surfaces, en grande majorité des femmes, est scandaleuse.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Avec des salaires de 1 100 euros par mois !
M. Yannick Bodin. Tous subissent des temps partiels contraints.
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est vrai !
M. Yannick Bodin. Environ 37 % de ces femmes en sont victimes. Les heures supplémentaires n'existent pas, les conditions de travail restent parmi les plus pénibles, les horaires sont sans cesse décalés. Bien pis, on fait peser la menace du travail le dimanche.
À cela s'ajoutent des salaires au niveau du SMIC, et même très souvent inférieurs. Le salaire d'un temps partiel avoisine les 770 euros nets, soit près de 50 euros de moins que le seuil de pauvreté ! Ce faible pouvoir d'achat crée des situations de précarité, parfois même de détresse, lorsqu'il s'agit de mères qui élèvent seules leurs enfants. Enfin, les retraites, même après quarante annuités de cotisations, n'atteignent que rarement le montant du minimum vieillesse.
Si les caisses de l'État sont vides, celles des sociétés de la grande distribution ne le sont pas !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui ! Elles sont pleines !
M. Yannick Bodin. Les profits battent chaque année de nouveaux records. C'est pourquoi il serait temps de penser au pouvoir d'achat des employés des grandes surfaces.
Selon les organisations syndicales, 80 % à 90 % des salariés à temps partiel veulent passer à temps complet. On les comprend !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui ! Travailler plus pour gagner plus : ils ont très bien entendu !
M. Yannick Bodin. La durée moyenne du travail est de 27 heures par semaine.
Que compte faire Mme la ministre pour permettre à toutes celles et à tous ceux qui le veulent de travailler à temps plein ? Que compte-t-elle faire pour permettre une augmentation des revenus de ces personnels ?
Les organisations syndicales souhaitent que tout soit remis à plat : les salaires, les conditions de travail, le temps de travail, les retraites, la protection sociale, la formation...
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Bodin !
M. Robert Bret. C'est important, monsieur le président !
M. Yannick Bodin. Il y va du respect et de la justice que réclament des hommes et des femmes qui exercent une des professions les plus pénibles dans notre pays aujourd'hui, avec des conditions de vie qui ne sont pas dignes de la France du XXIe siècle.
M. Dominique Braye. Mais il ne finit pas ?
M. Yannick Bodin. Le Gouvernement est-il prêt à faire en sorte qu'une discussion s'engage et aboutisse ? Les caissières des supermarchés vous écoutent ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Pour une fois, ce n'est pas une mauvaise question !
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Réponse du Ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité publiée le 08/02/2008
Réponse apportée en séance publique le 07/02/2008
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Monsieur le sénateur, sur le dossier de la grande distribution, le Gouvernement a fixé deux priorités, qui, toutes deux, concernent les personnels.
La première priorité porte sur les négociations salariales. Je souhaite que celles-ci aboutissent le plus rapidement possible.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ah oui !
M. Xavier Bertrand, ministre. Certaines dispositions qui ont été votées dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 permettent aujourd'hui de donner un contenu à ces négociations salariales, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs. En tout état de cause, les conditions semblent aujourd'hui réunies pour que ces négociations aboutissent.
M. Guy Fischer. Lesquelles ?
M. Xavier Bertrand, ministre. La seconde priorité concerne les conditions de travail, notamment le temps partiel contraint et éclaté, sujet que j'ai évoqué moi-même pour la première fois avec les organisations syndicales à la fin de l'année dernière, à l'issue de la conférence sociale tripartite : égalité professionnelle et salariale hommes-femmes.
Parler de l'égalité salariale, c'est faire enfin respecter un principe qui existe depuis 1972 et qui peut se résumer ainsi : à travail égal, salaire égal. Nous savons que ce n'est pas le cas dans nombre de situations.
Je vous l'ai déjà annoncé, mesdames, messieurs les sénateurs : le Gouvernement présentera au Parlement un texte pour que les entreprises qui, d'ici à deux ans, n'auront pas conclu d'accord de rattrapage salarial soient contraintes de verser des sanctions financières plus importantes que l'écart qu'elles auraient dû combler.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Demain, on rase gratis !
M. Xavier Bertrand, ministre. « Enfin ! », direz-vous avec raison. Oui, nous allons enfin changer de politique.
Cela étant, sur la question de la grande distribution, nous sommes conscients qu'aujourd'hui de nombreuses salariées ne touchent pas le SMIC, parce qu'elles font moins d'heures que si elles travaillaient à temps complet. Pourtant, elles connaissent les mêmes contraintes : transport et, bien souvent aussi, gardes d'enfant.
Sur ce sujet, les partenaires sociaux m'ont demandé de mener une action d'ensemble, de façon à pouvoir favoriser le passage du temps partiel au temps complet. J'ai donné mon accord et nous accomplirons ce travail. De la même façon, au cours de cette année - c'est l'engagement qu'ont pris deux grandes enseignes de la grande distribution -, des actions exemplaires seront entreprises afin de favoriser le passage du temps partiel au temps complet. Cela s'inscrit non seulement dans une logique de pouvoir d'achat, mais aussi dans une démarche d'amélioration de la qualité de vie et de véritable conciliation de la vie familiale avec la vie professionnelle.
Voilà de quelle façon j'avais présenté la situation à la fin de l'année dernière. Voilà de quelle façon nous continuons à travailler avec tous les acteurs de ce dossier pour faire en sorte que, quand un mouvement social se déclenche, quel qu'il soit, chacun soit vraiment attentif et, surtout, soit porteur de solutions. C'est ce que le Gouvernement entend faire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
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