Question de M. RICHERT Philippe (Bas-Rhin - UMP) publiée le 10/04/2008
M. Philippe Richert attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les pratiques de ventes déguisées en donation entre tiers qui n'ont aucun lien de famille.
Pour exemple, à Lohr, petit village d'Alsace, un agriculteur a fait une donation gratuite de terrains agricoles, constructibles pour besoins agricoles, à un agriculteur résidant à plus de 20 kilomètres et qu'il ne connaissait pas. L'agriculteur voisin, qui aurait souhaité acheter ces terres pour agrandir son domaine, s'est trouvé évidemment lésé !
Ces pratiques, qui jouent sur une lacune de la législation française, permettent de contourner les contrôles de la SAFER puisque, juridiquement, celle-ci n'est pas habilitée à interférer dans une procédure privée de la nature d'une donation ou d'un partage et se font au détriment de jeunes agriculteurs qui s'installent ou d'exploitants voisins qui pourraient être confortés par l'attribution de ces mêmes terrains. Or, au vu de la géographie et de la topographie des parcelles en question, la SAFER, si elle avait pu user de son droit de préemption, aurait certainement pu rétrocéder lesdites parcelles à l'intéressé !
Cette procédure est légitime s'il s'agit d'une cession gratuite au sein de la famille, mais chacun imagine comment cela a pu se passer dans le cas présent et il n'y a eu aucune intervention de la part des services fiscaux. La SAFER est tout à fait d'accord pour reconnaître que la législation doit être modifiée.
Il le remercie de bien vouloir lui indiquer quelles mesures sont envisagées afin de parer à cette situation, semble-t-il répandue, et de donner aux collectivités les moyens d'exercer le droit de préemption sur les biens concernés.
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Réponse du Secrétariat d'État chargé de l'aménagement du territoire publiée le 07/05/2008
Réponse apportée en séance publique le 06/05/2008
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, en remplacement de M. Philippe Richert, auteur de la question n° 206, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, je vous remercie, au nom de mon collègue Philippe Richert, de m'autoriser à poser cette question à laquelle il tient beaucoup et qui porte sur la réglementation des donations à titre gratuit de parcelles agricoles. Certes, je suis aujourd'hui élue de la région parisienne, mais j'ai travaillé pendant plus de trente ans dans les organismes agricoles et je suis donc très au fait des problèmes liés aux sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, les SAFER.
En l'état actuel du droit, le code rural octroie aux SAFER un droit de préemption à l'occasion d'aliénations à titre onéreux de biens immobiliers à utilisation agricole. Ce droit de préemption peut s'exercer grâce à une obligation de déclaration préalable auprès de la SAFER par le vendeur.
Si l'aliénation est à titre gratuit, par donation ou par partage, aucune déclaration préalable n'est nécessaire. La SAFER n'a donc aucune prise sur l'opération, ce qui n'est pas scandaleux en soi, puisque ces donations se font généralement entre membres d'une même famille.
Or, dans la circonscription de mon collègue Philippe Richert, plus précisément dans le village de Lohr, cette faculté a été détournée de son but. Ainsi, un agriculteur a fait don de terrains agricoles, qui plus est déclarés constructibles, à un agriculteur résidant et exploitant à vingt kilomètres de là, avec lequel, semble-t-il, il n'entretient aucun lien. Vous imaginez sans peine, monsieur le secrétaire d'État, la réaction de la SAFER, mais aussi celle du jeune agriculteur voisin, qui aurait pu agrandir son domaine grâce aux parcelles agricoles en cause !
Cette pratique n'est pas du tout illégale ; elle trouve simplement son fondement dans les lacunes de notre législation, qui ne précise pas que le champ d'intervention de la SAFER s'arrête lorsqu'il s'agit de cession gratuite au sein d'une même famille.
Dans le cas d'espèce, la géographie et la topographie des parcelles incriminées auraient entraîné sans aucun doute l'exercice du droit de préemption par la SAFER. Il s'agit donc bien d'un détournement volontaire et très étudié de la loi, auquel il faut remédier rapidement.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, au nom de mon collègue Philippe Richert, je souhaite que vous indiquiez quelles sont les mesures envisagées pour parer à cette situation et donner aux collectivités les moyens d'exercer un droit de préemption sur les biens concernés.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire. Madame le sénateur, permettez-moi de vous présenter les excuses de mon collègue Michel Barnier, qui, inaugurant ce matin un salon de l'agriculture en Aquitaine, m'a chargé de répondre à votre question.
Le droit de préemption conféré aux SAFER ne peut être exercé qu'à l'occasion d'aliénations à titre onéreux de biens immobiliers à utilisation agricole. Il ne peut donc intervenir que lorsqu'un propriétaire, ayant décidé de mettre en vente son bien, terrain, exploitation, siège d'exploitation ou bâtiment d'exploitation vendu isolément, maintient sa décision de vendre.
Tout propriétaire a effectivement la possibilité de retirer son bien de la vente lorsque la SAFER, assortissant sa préemption d'une révision de prix, présente une contre-offre de prix inférieure. Certaines aliénations faisant l'objet d'une exemption au droit de préemption des SAFER, limitativement prévues par les dispositions de l'article R. 143-9 du code rural, doivent leur être notifiées à titre déclaratif, aux fins d'information. Les transmissions par donation n'entrent pas dans le champ de ce dispositif.
Si des donations viennent à être opérées entre personnes sans liens de famille, et même s'il est permis de supposer qu'elles n'ont pas lieu de façon totalement désintéressée, la SAFER ne peut pas intervenir, sauf si elle prouve qu'il s'agit bien de donations fictives et de ventes déguisées, destinées à éluder intentionnellement son droit de préemption.
Pour l'heure, il n'est pas envisagé de modifier le droit de préemption des SAFER sur ce point précis, qui touche directement le droit de propriété.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Il m'est difficile de répondre à M. le secrétaire d'État, car la question émane de mon collègue Philippe Richert. Cependant, à sa place, en ma qualité de parlementaire, je déposerais un amendement ou une proposition de loi tendant à modifier la disposition en cause. Mon collègue avisera.
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