Question de M. BODIN Yannick (Seine-et-Marne - SOC) publiée le 17/04/2008
M. Yannick Bodin attire l'attention de M. le secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative sur la question du devenir des jeunes footballeurs originaires du continent africain en centre de formation sur le territoire français et qui se retrouvent, pour la plupart, dans une situation administrative et financière inextricable lorsqu'ils ne sont pas engagés à terme dans des clubs, voire même, lorsqu'ils le sont.
Saisi par l'association Mani Football Forever d'Ivry-sur-Seine qui conseille et soutient de nombreux sportifs, il tient à appuyer leur démarche de mobilisation de l'opinion et de saisine des autorités françaises et africaines, concernant l'exploitation scandaleuse de ces sportifs, adultes, mais aussi mineurs.
L'annexe générale 3 de la charte du football professionnel fixe les « modalités d'application des dispositions applicables aux joueurs étrangers ». Y est stipulé que les sportifs non ressortissants d'un pays de l'Union européenne doivent justifier de leur présence régulière, et pour les majeurs, d'une autorisation de travail ou du moins d'un récépissé de demande de titre de séjour pourtant la mention « salarié » ou « sportif professionnel ».
Malheureusement dans la réalité, ces joueurs ont souvent des difficultés à obtenir leur régularisation, quand les clubs ne sont pas amenés à profiter de cette précarité administrative. Par ailleurs, ils sont rarement rémunérés au même niveau que leurs collègues. Et, lorsqu'ils ne signent pas, ils ne bénéficient pas non plus de formation alternative leur permettant d'être entraîneurs dans leur pays.
Aussi, il lui demande ce qu'il envisage d'une part, pour faire appliquer dans tous les clubs français la charte du football professionnel, et d'autre part, pour proposer des formations dans les métiers du sport ou autres, aux joueurs qui ne signent pas de contrat en club, dans une démarche de coopération.
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Réponse du Secrétariat d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associatve publiée le 21/05/2008
Réponse apportée en séance publique le 20/05/2008
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, auteur de la question n° 222, adressée à M. le secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative.
M. Yannick Bodin. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite attirer votre attention sur la question du devenir des jeunes footballeurs originaires du continent africain en centre de formation sur le territoire français et qui, à la sortie de ces centres, se retrouvent, pour la plupart, dans une situation d'exploitation économique, voire d' « esclavagisme moderne » , pour reprendre l'expression utilisée par Raymond Domenech le 9 mai dernier, à Ivry-sur-Seine.
Les clubs européens disposent de nombreux joueurs africains. Le football est un sport qui a toujours attiré les enfants du continent africain, mais leur recrutement a été longtemps effectué sans contrôle rigoureux. Cependant, en France, l'apprentissage de la profession de footballeur répond à des règles strictes fixées par le code du travail, la Fédération française de football et la Ligue de football professionnel.
Le règlement de la Fédération internationale de football association, la FIFA, concernant le statut et le transfert des joueurs pose le principe de l'interdiction de transfert international des footballeurs mineurs. Par ailleurs, le code du sport interdit toute forme de rétribution des agents des sportifs mineurs.
En outre, il existe de nombreux accords internationaux visant à protéger les enfants et à réglementer leur recrutement. Ainsi, par exemple, la Convention internationale des droits de l'enfant condamne leur exploitation économique.
Je pense également à la Déclaration de Bamako, de 2000, invitant les États en liaison avec les structures sportives nationales et internationales, à mettre en place une réglementation concernant l'interdiction des transactions commerciales sur les joueurs mineurs, l'organisation de la préformation dans les pays d'origine jusqu'à l'âge de seize ans, la prise en compte de la spécificité sportive dans la délivrance des visas par les consulats et la nécessité d'informer les clubs d'accueil sur leurs responsabilités juridiques et réglementaires liées au recrutement de jeunes joueurs étrangers.
Lorsque ces joueurs deviennent majeurs, la République a le devoir de régulariser leur situation, c'est-à-dire de leur délivrer au minimum un titre de séjour portant la mention « sportif ». Afin de bénéficier des réglementations en vigueur, les sportifs originaires des pays d'Afrique, Caraïbes et Pacifique, ACP, doivent être en situation régulière.
Malheureusement dans la réalité, ces joueurs ont souvent des difficultés à obtenir leur régularisation, quand les clubs ne sont pas amenés à profiter de leur précarité administrative !
De plus, ils sont rarement rémunérés au même niveau que leurs collègues. Et lorsqu'ils ne signent pas un contrat, ils ne bénéficient pas non plus de formation alternative.
S'il est du devoir de la République de régulariser les footballeurs sous contrat, de la même manière, les joueurs dont les contrats arrivent à échéance ne doivent pas devenir des clandestins malgré eux, abandonnés de tous et expulsés de notre territoire du jour au lendemain.
Aussi, je vous demande, monsieur le secrétaire d'État, les mesures que vous envisagez de prendre pour faire respecter dans les clubs français les réglementations nationales et internationales concernant les sportifs mineurs afin de prendre en compte la Déclaration de Bamako, de mettre un terme à ces pratiques fréquentes de mise en situation irrégulière de joueurs ou d'anciens joueurs de clubs français, de proposer des formations dans les métiers du sport, ou dans d'autres domaines, aux joueurs qui ne signent pas de contrat, dans une démarche de coopération avec les pays africains, et de permettre à ces joueurs d'effectuer un retour digne dans leur pays d'origine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le sénateur, la France s'est attachée à se doter d'une législation protectrice pour les jeunes sportifs qui évoluent dans les centres de formation des clubs professionnels français.
La loi du 28 décembre 1999, portant diverses mesures relatives à l'organisation d'activités physiques et sportives, a introduit, dans la loi du 16 juillet 1984 modifiée, un article 15-4 codifié à l'article L. 211-4 du code du sport prévoyant que les centres de formation des clubs sportifs professionnels sont soumis à un régime d'agrément du ministre chargé des sports, délivré sur proposition de la fédération délégataire concernée, après avis de la Commission nationale du sport de haut niveau. Ce dispositif d'agrément est destiné à garantir aux jeunes sportifs des conditions sérieuses et adaptées d'enseignement scolaire général ou professionnel, de formation sportive, de suivi médical, d'hébergement et de restauration.
Le code du sport fixe les conditions de délivrance et de retrait de l'agrément et prévoit que les centres de formation sollicitant un tel agrément doivent respecter un cahier des charges établi par chaque fédération sportive concernée. Ce cahier des charges doit préciser l'effectif maximal des jeunes du centre, les modalités de l'enseignement scolaire, de la pratique sportive, du suivi médical, les conditions d'hébergement, de restauration, la nature des installations sportives et, enfin, la qualification des personnels d'encadrement du centre.
Par ailleurs, la loi « sport » impose la conclusion d'une convention entre le jeune sportif bénéficiant d'une formation dispensée par un centre de formation.
Les centres de formation sont inspectés une fois par an par les directions régionales de la jeunesse et des sports et par les directions techniques nationales, qui vérifient les effectifs des centres de formation et la réalité du suivi scolaire et universitaire.
Concernant plus particulièrement la discipline du football, trente-deux clubs professionnels possèdent un centre de formation, pour un effectif global de 1 768 jeunes joueurs ; cent dix-huit joueurs sont de nationalité étrangère, soixante-cinq d'entre eux étant des « étrangers nés en France » et cinquante-trois, n'étant pas nés en France.
Le dispositif des centres de formation mis en place par la France assure donc une formation et une protection identique à tous les jeunes Français, mais aussi à tous les jeunes étrangers qui intègrent ces centres, sans distinction de leurs origines.
En outre, ce dispositif est totalement conforme au plan d'action mis en place à la suite de la Déclaration de Bamako, recommandant, notamment, la structuration des centres de formation et l'établissement pour chaque jeune d'une convention de formation.
Enfin, ce dispositif de protection des jeunes sportifs mineurs est complété par les dispositions de l'article L. 222-5 du code du sport, qui visent à interdire les rémunérations des agents sportifs à l'occasion des contrats signés par un sportif mineur avec des clubs.
À l'issue de leur formation, les jeunes joueurs étrangers quittant les centres de formation vers vingt ans sont confrontés, au même titre que les Français, aux problèmes de recrutement par les clubs professionnels et de reconversion, sachant que les besoins du football professionnel ont été évalués, par saison, à soixante-quinze joueurs sortant des centres de formation.
De même que les travailleurs étrangers dans d'autres secteurs d'activités peuvent être employés de façon irrégulière sur le territoire français, il peut malheureusement arriver qu'un sportif étranger, quelle que soit sa discipline, soit employé par un club de façon irrégulière, malgré une licence délivrée par une fédération française.
Paradoxalement, de telles situations se rencontrent surtout dans des compétitions de niveau amateur et rarement dans le cas des contrats professionnels, qui font tous l'objet d'une homologation par les ligues professionnelles.
À l'évidence, ces situations ne devraient pas se produire. À l'échelon européen, la France soutient le point 2.3 du Livre blanc sur le sport, qui préconise de « favoriser le rôle du sport dans l'éducation et la formation » et souligne « l'importance de faire face très tôt à la nécessité de prévoir une formation s'inscrivant dans la perspective d'une double carrière pour les jeunes sportifs et sportives, ainsi que des centres de formation locaux de qualité afin de préserver leurs intérêts moraux, éducatifs et professionnels ».
La France a fortement soutenu l'initiative de la Commission européenne qui a entamé une étude sur la formation des jeunes sportifs et sportives en Europe, étude dont les résultats pourront orienter les politiques et programmes susmentionnés.
De même, à l'occasion de la présidence française de l'Union européenne, le France proposera d'instaurer une règle fixant un nombre minimum de joueurs formés au niveau local par équipe de club, dès lors que l'objectif légitime vise à encourager et à protéger la formation et l'épanouissement des sportifs.
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État. Vous nous avez dit ce qui devrait se pratiquer en théorie. Or, moi, je vous ai interrogé sur les bavures.
Vous savez que, à l'heure actuelle, un certain nombre d'anciens professionnels ou de joueurs amateurs, qui ont été « recrutés » sur le continent africain pour venir jouer au football en France, se retrouvent, à l'issue de leur formation ou pseudo-formation, ou en l'absence de contrat, dans une situation de clandestins malgré eux !
Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d'État, dans le cadre de la solidarité gouvernementale, de vous tourner vers votre collègue ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire,
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Yannick Bodin.
pour examiner conjointement le cas de ces joueurs, ou anciens joueurs, qui, à la suite d'une rupture de contrat, sont renvoyés de leur club, sans formation, afin qu'ils ne fassent pas l'objet d'une mesure d'expulsion.
La République française, qui est allée les chercher, a des responsabilités à leur égard !
M. Roland Courteau. Très bien ! !
M. Yannick Bodin. Telle est la raison pour laquelle je souhaite que vous vous rapprochiez de M. Hortefeux, de façon à apporter des réponses humaines et dignes à leurs demandes. Il importe de régulariser leur situation afin de leur permettre de rester sur le territoire français, voire de leur accorder une formation à l'issue de laquelle ils pourront rentrer dans leur pays d'origine en toute dignité, ce qui est très important pour eux.
C'est surtout sur cet aspect que je voulais insister. Certes, nous connaissons tous la loi, mais il importe de lutter contre les bavures et, je le répète, de respecter la dignité de ces jeunes. Alors que nous les avons amenés en France, que nous les avons fait rêver, ils peuvent se retrouver du jour au lendemain dans des situations inextricables et être considérés comme des clandestins. C'est une situation tout à fait anormale !
MM. René-Pierre Signé et Roland Courteau. Très bien !
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