Question de M. BODIN Yannick (Seine-et-Marne - SOC) publiée le 27/06/2008
Question posée en séance publique le 26/06/2008
M. Yannick Bodin. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.
Monsieur le ministre, votre politique est un échec (Non ! sur les travées de l'UMP)
M. Josselin de Rohan. C'est faux !
M. Yannick Bodin.
par la modification de la carte scolaire et la suppression des heures de cours le samedi matin dans l'enseignement primaire.
Un rapport de deux inspecteurs généraux, que vous aviez gardé secret, vient de paraître dans la presse. On y apprend que le « libre choix » des parents d'envoyer leur enfant dans l'établissement qu'ils souhaitent profite surtout aux familles favorisées, et bien informées. Faire croire à tous les parents qu'ils peuvent choisir l'établissement de leur enfant est un leurre.
M. Jean-Luc Mélenchon. Ah ! enfin, c'est dit !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah ça, c'est vrai !
M. Yannick Bodin. Les boursiers, vous les aviez déclarés prioritaires. Les demandes ont été généralement faibles et souvent mal traitées. Selon le rapport, ils servent en fait à boucher les trous dans les lycées les plus demandés. Les établissements situés en centre-ville ne peuvent satisfaire toutes les demandes et sont surchargés. Les élèves refusés sont renvoyés dans leur établissement d'origine, lequel périclite en périphérie !
Les établissements sont mis en concurrence, y compris avec l'enseignement privé. Votre méthode d'assouplissement de la carte scolaire renforce la ghettoïsation des établissements dans les quartiers les plus défavorisés, avec le risque d'un regroupement communautaire et d'une stigmatisation accrue des élèves, dont les parents sont souvent issus de l'immigration.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est tout à fait ça !
M. Jean-François Voguet. Absolument !
M. Yannick Bodin. Dans les collèges de nos quartiers en difficulté, la mixité est en baisse.
Votre mesure accentue les inégalités territoriales et sociales, au lieu de les réduire. Les collectivités territoriales sont mises devant le fait accompli. Les transports scolaires sont désorganisés.
Une autre mesure est en train de semer la pagaille : la suppression des heures du samedi matin dans l'enseignement élémentaire.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C'est vrai !
M. Yannick Bodin. C'est le grand chambardement !
M. Paul Raoult. Effectivement !
M. Yannick Bodin. Les transports scolaires, les heures de gymnase et de piscine, la restauration, les emplois du temps des professeurs, les heures de soutien midi ou soir, la troisième heure de sport, la fin prévisible des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, ou RASED, les activités postscolaires et périscolaires : c'est la désagrégation de l'organisation de l'école,
M. Josselin de Rohan. Tout ce qui est excessif est insignifiant !
M. Guy Fischer. Pourtant il a raison !
M. Yannick Bodin.
pour les enseignants, les parents, les communes, et les enfants.
M. Paul Raoult. C'est vrai !
M. Jean-Pierre Sueur. C'est très grave ! Il faut du temps pour apprendre.
M. Yannick Bodin. Il s'agit d'une mesure inapplicable, qui est vouée à l'échec et qui disparaîtra à terme.
M. le président. Posez votre question, monsieur Bodin !
M. Jean-Pierre Sueur. Il faut prendre du temps pour expliquer, car il s'agit d'un problème très grave, monsieur le président !
M. Yannick Bodin. Bref, deux heures d'enseignement en moins par semaine pour tous les élèves !
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire de la carte scolaire et pour éviter la pagaille dans le primaire, afin d'offrir enfin à tous les élèves de France une réelle égalité des chances à l'école ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
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Réponse du Ministère de l'éducation nationale publiée le 27/06/2008
Réponse apportée en séance publique le 26/06/2008
M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le sénateur, je sais bien qu'il vaut mieux être homme à paradoxes et à préjugés, mais quand même !
Il est en effet paradoxal de dire que le fait d'offrir une nouvelle liberté aux familles de manière transparente (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC)...
M. David Assouline. Transparente ? Évitez ce genre d'argument !
M. Guy Fischer. Une liberté pour les riches !
M. Xavier Darcos, ministre.
crée une injustice plus grande que lorsque cette liberté n'existait que pour ceux qui, dans l'opacité et grâce à leurs relations personnelles, pouvaient échapper à la carte scolaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Josselin de Rohan. Bien sûr !
M. Xavier Darcos, ministre. Il est également paradoxal de dire que nous créons des ghettos quand, précisément, nous autorisons les familles à les quitter !
Mme Raymonde Le Texier. Ce n'est nullement paradoxal !
M. Xavier Darcos, ministre. Un ghetto qui s'ouvre est-il toujours un ghetto ? Le ghetto n'est-il pas plus grand lorsqu'on est replié sur soi et assigné à résidence dans son quartier ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Raymonde Le Texier. Ce n'est pas vrai, monsieur le ministre, il n'y a que les familles favorisées qui en sortent ; lisez le rapport !
M. Xavier Darcos, ministre. Il est encore paradoxal, monsieur Bodin, de nous dire que le système est injuste dès lors que les Français l'approuvent et qu'ils s'en servent !
Il est aussi paradoxal de dire que nous faisons perdre des moyens aux établissements qui perdent des élèves ! Comment cela se passait-il avant ? Les établissements perdaient aussi des élèves, bien évidemment, en raison du détournement de la carte scolaire qu'un certain nombre de personnes pouvait obtenir !
M. David Assouline. Comment empêcher cela ?
M. Xavier Darcos, ministre. Dans ce cas-là, à la rentrée, l'établissement perdait des moyens par soustraction d'élèves qu'il n'avait plus !
M. Paul Raoult. Ce n'est pas très convaincant !
M. Xavier Darcos, ministre. Au contraire, aujourd'hui, nous agissons dans la clarté, dans la transparence, et selon des critères que nous avons choisis.
M. David Assouline. Vous avez accentué le problème !
M. Xavier Darcos, ministre. Des familles demandent en effet une nouvelle liberté, mais nous maintenons strictement les moyens aux établissements qui perdent des élèves et nous leur donnons ainsi les moyens de concourir. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. Mme Anne-Marie Payet applaudit également. Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Efficacité, transparence, justice !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle transparence ?
M. Xavier Darcos, ministre. Vous faites allusion à un rapport que je connais bien, figurez-vous, de deux inspecteurs. Comme par hasard, d'ailleurs, l'un des deux auteurs de ce rapport va publier bientôt un Que sais-je ? sur la question.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On nous prend pour des idiots !
M. Xavier Darcos, ministre. Ce n'est d'ailleurs peut-être pas un hasard si, subitement, cette fuite a été organisée... (Exclamations indignées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est cela transparence !
M. Robert Bret. Eh oui, c'est la transparence !
M. Paul Raoult. C'est incroyable la transparence !
M. Xavier Darcos, ministre. Ce rapport portait sur la situation au 1er octobre. Comment peut-on décrire la situation de l'évolution de la carte scolaire alors qu'on analyse dans un instantané au 1er octobre une décision prise quelques semaines avant ? Donnons-nous un peu de temps pour voir comment les choses se passent.
M. David Assouline. C'est incroyable !
M. Xavier Darcos, ministre. Nous avons pris toutes les précautions et nous avons choisi des critères.
M. Jean-Pierre Sueur. La suppression des deux heures ?
M. Xavier Darcos, ministre. Toutes les familles pourront demander une dérogation. Lorsque ces dérogations seront trop nombreuses dans un établissement, les seuls critères seront sociaux. (Oh ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Sueur. Et la suppression des deux heures !
M. Xavier Darcos, ministre. Est-on boursier ? Est-on boursier au mérite ? Est-on handicapé ? Est-on dans une fratrie ?
Bref, il y a, me semble-t-il, de la transparence et de la justice, infiniment plus qu'avant.
Mme Raymonde Le Texier. Pour ceux qui sont pistonnés ! C'est horrible d'entendre cela !
M. David Assouline. Ce n'est pas la vérité !
M. Jean-Pierre Sueur. Et les deux heures en moins d'enseignement !
M. Xavier Darcos, ministre. Puis-je dire un mot aussi du samedi matin, puisque vous êtes si soucieux à ce sujet ?
Je vous rappelle qu'avant même que ne soit prise la décision de supprimer les cours du samedi matin, 27 % des classes de France ne travaillaient déjà plus ! Or je n'ai pas observé qu'un élève sur quatre soit particulièrement traumatisé par le fait de retrouver sa famille le vendredi soir !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !
M. Xavier Darcos, ministre. J'ajoute, enfin, qu'il est un peu étonnant de dire que nous faisons moins à l'école au moment où nous mettons en place l'accompagnement éducatif, le soutien scolaire généralisé,
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comment ça et avec qui ?
M. Xavier Darcos, ministre.
ce que personne n'avait fait avant. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Adrien Gouteyron. Excellent ! Au moins il sait de quoi il parle !
M. Paul Raoult. Ce n'est pas convaincant !
M. Robert Bret. C'est laborieux !
M. le président. Un peu de silence, mes chers collègues !
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