Question de Mme TASCA Catherine (Yvelines - SOC) publiée le 12/02/2009
Mme Catherine Tasca attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la situation très dégradée de la prison de Versailles et sur l'insuffisance de moyens dévolus à l'administration pénitentiaire pour effectuer les travaux les plus élémentaires de rénovation et d'entretien.
Elle souhaite l'interroger sur les intentions réelles du Gouvernement concernant cet établissement. Il importe en effet de savoir s'il a fait le choix de son abandon, auquel cas il n'est pas admissible d'y laisser des détenus dans ces conditions, ou s'il projette de le rénover et alors il y a urgence.
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Réponse du Ministère de la Justice publiée le 18/03/2009
Réponse apportée en séance publique le 17/03/2009
La parole est à Mme Catherine Tasca, auteur de la question n° 427, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Catherine Tasca. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'ai visité le 8 décembre dernier la maison d'arrêt de Versailles. Cet établissement accueille, pour moitié, des femmes détenues et, pour l'autre moitié, des hommes qui bénéficient d'un aménagement de peine au titre de la semi-liberté.
Je m'y étais déjà rendue il y a plusieurs années. Cette fois-ci, j'ai visité un établissement dans un très grand état de délabrement, totalement dénué des ressources nécessaires pour effectuer les travaux les plus élémentaires de rénovation et d'entretien.
La maison d'arrêt de Versailles est un bâtiment très ancien, dont la construction remonte à 1750, et les derniers travaux substantiels de mise en conformité et d'amélioration ont été effectués en 1985.
Lors de cette visite, j'ai vu un établissement dont le fonctionnement quotidien n'est rendu possible que par la conscience professionnelle des femmes et des hommes de l'administration pénitentiaire. Ils sont confrontés à un manque flagrant d'effectifs ; même l'encadrement supérieur y est très réduit. Cette situation n'est pas sans conséquence sur la sécurité des détenus et du personnel pénitentiaire, sur l'accomplissement efficace des parcours d'exécution des peines et sur la prise en charge sociale.
Beaucoup de détenus requièrent un suivi médical ou psychothérapeutique que l'état des locaux rend de plus en plus difficile malgré, là encore, l'engagement remarquable des praticiens.
Pouvez-vous me dire, madame la ministre, quelles sont les intentions réelles du Gouvernement concernant la maison d'arrêt de Versailles ?
Avez-vous fait le choix de l'abandon de cet établissement ? Si oui, il n'est pas admissible d'y laisser des détenus dans ces conditions ! Ou bien projetez-vous de le rénover ? Il y aurait alors vraiment extrême urgence !
La maison d'arrêt de Versailles a l'avantage d'être une petite structure avec une capacité d'accueil de 146 places. C'est le type d'établissement qu'il faut, chaque fois qu'il est possible, préférer aux usines pénitentiaires de 500 à 600 places. Les établissements de petite capacité sont, sans aucun doute, les plus à même de répondre à la mission première de la détention, qui est la réinsertion.
Le contrôleur général des prisons, M. Jean-Marie Delarue, détaillait dans un récent rapport la situation des prisons françaises : parcours d'exécution des peines sans contenu, cours de promenade livrées à la violence des détenus, défaut d'encadrement dans la détention. Son constat rejoignait ainsi celui du Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe.
Ces rapports alarmants successifs prescrivent des évolutions urgentes et de grande échelle pour nos prisons. Il faut absolument en tirer les enseignements et les traduire en actes.
Les suicides de détenus, qui sont la manifestation la plus douloureuse et la plus violente de l'état de nos prisons, vous imposent d'agir.
Au-delà du seul cas de la maison d'arrêt de Versailles pour laquelle j'attends, vous l'aurez compris, des réponses précises, c'est la politique pénitentiaire du Gouvernement qui est en cause. Quelles mesures concrètes comptez-vous prendre, à Versailles et ailleurs, pour que nos prisons cessent d'être des lieux de privation de dignité ?
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame le sénateur, vous avez bien voulu appeler mon attention sur la situation de la maison d'arrêt de Versailles. Vous évoquez l'état de cet établissement et l'insuffisance de moyens dévolus à l'administration pénitentiaire pour effectuer les travaux de rénovation et d'entretien. Vous souhaitez également connaître les intentions réelles du Gouvernement concernant l'avenir de cet établissement.
La maison d'arrêt de Versailles, construite en 1750, est située en centre-ville. En 1981, des travaux de rénovation furent entrepris pour aménager une maison d'arrêt de femmes d'une capacité de 87 places et un centre de semi-liberté de 79 places.
L'établissement fait régulièrement l'objet de travaux d'entretien et de maintenance au titre des crédits de fonctionnement déconcentrés. Ainsi, depuis 1996, ont été effectués des travaux d'aménagement des locaux médicaux de l'unité de consultations et de soins ambulatoires à hauteur de 36 000 euros , de mise aux normes des cellules disciplinaires pour un montant de 37 000 euros et de cloisonnement des sanitaires ils se sont élevés à 23 100 euros.
Je vous informe que le Gouvernement entend poursuivre cette démarche de rénovation et d'entretien des établissements les plus vétustes, démarche qui a d'ailleurs été accélérée par le biais du plan de relance.
À ce titre, le projet de loi de finances rectificative pour 2009 prévoit une enveloppe de 30 millions d'euros destinée à la réalisation de travaux dans l'objectif d'améliorer les conditions de travail des personnels mais aussi les conditions de détention.
Une partie de ces crédits permettra d'effectuer un certain nombre de travaux sur le site de la maison d'arrêt de Versailles, notamment un diagnostic technique du bâtiment, pour un montant de 25 000 euros, un câblage informatique de la salle d'entretien de l'ANPE, pour un montant de 2 000 euros, et des travaux d'installations relatives à la sécurité incendie, pour un montant de 18 000 euros.
Ces travaux permettront d'améliorer les conditions de vie des détenus et de travail des personnels pénitentiaires de la maison d'arrêt de Versailles.
Il est vrai toutefois que ces travaux d'entretien ne permettront pas de modifier la structure de cet établissement.
Or je sais que les locaux communs aux détenues dans la maison d'arrêt pour femmes sont de petites tailles, que les ateliers ne permettent pas de développer des activités de formation et que les parloirs sont peu adaptés, aussi bien en termes d'accueil des familles que de déroulement des visites ou des contrôles à pratiquer.
Nous retrouvons d'ailleurs là le débat que nous avons eu lors de l'examen du projet de loi pénitentiaire sur les établissements les plus vétustes, où nous devons rattraper le retard pris en matière de travaux de rénovation faute d'avoir investi dans la rénovation pendant de nombreuses années.
Cet établissement est par ailleurs organisé en dortoirs. Une solution sera apportée à cette situation effectivement peu satisfaisante puisque nous avons pour objectif de fermer tous les établissements qui comportent des dortoirs lorsque la construction d'un nouvel établissement permettra la fermeture de la maison d'arrêt de Versailles.
Le projet de construction est à l'étude. Cependant, cet établissement n'étant pas le seul concerné, nous sommes en train de procéder à des arbitrages pour déterminer les priorités. La décision sera prise au plus tard à la fin du deuxième semestre de 2009.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Madame le garde des sceaux, il y a dans votre réponse des éléments qui peuvent nous donner quelques espoirs puisque vous évoquez le dégagement dans le collectif budgétaire d'une enveloppe pour des travaux allant au-delà de l'entretien dans plusieurs établissements particulièrement vétustes.
Je dois vous dire tout de même que vos services ne vous informent pas exactement sur ce qui a été fait dans les années passées, car je connais bien l'établissement de Versailles et j'ai constaté moi-même que l'entretien minimum n'a pas été assuré. C'est au point que certaines parties du bâtiment présentent une dangerosité et je pense notamment aux blocs de la façade qui menacent de s'abattre dans la cour.
Pour ce qui est du passé, j'ai donc le regret, madame le garde des sceaux, de devoir insister sur le fait que le travail n'a pas été fait.
Je voudrais que vous soyez attentive à deux aspects de la situation à laquelle est confrontée mais elle n'est pas la seule la maison d'arrêt de Versailles.
Sur le plan des locaux d'abord, je dois vous dire que le local dédié à l'accueil des familles et qui devrait notamment permettre, s'agissant d'une prison de femmes, le maintien du lien mère-enfant est absolument indigne. Vous le constaterez si vous avez l'occasion de le visiter, cela sert le cur de voir ces tout jeunes enfants dans un espace d'à peine plus de six ou huit mètres carrés, dont l'état est lamentable et le mobilier tout aussi lamentable : les conditions, qu'il serait normal de trouver dans une prison française, pour que le contact passe avec leur mère ne sont absolument pas assurées !
L'entretien des locaux a été notoirement insuffisant et j'espère, madame le garde des sceaux, que les crédits que vous annoncez permettront de remédier à cette situation.
Je veux insister ensuite sur le problème des personnels.
Depuis des années, la prison de Versailles souffre d'une insuffisance de l'encadrement et du sous-effectif. Il y a constamment des postes non pourvus et il faut actuellement recourir à deux membres du personnel de l'établissement de Bois-d'Arcy pour compenser un peu le manque d'effectifs !
L'autre défaut dans la gestion des personnels, c'est l'importance de ce que l'on appelle le turn-over : les changements constants et très rapides des personnels rendent quasi impossible la politique de suivi des détenus.
C'est un aspect du problème que je vous demande d'examiner aussi. Il faut donc compléter les effectifs, mais également essayer de les stabiliser.
À ce sujet, madame le garde des sceaux, je vous ai d'ailleurs adressé tout récemment un courrier dans lequel je me suis fait le relai d'une demande des détenus concernant le maintien d'une surveillante qui, semble-t-il, a su faire progresser de façon sensible la qualité des relations entre détenus et personnels pénitentiaires.
J'insiste sur ces deux dimensions, car, si vous aviez l'occasion d'y aller, la prison de Versailles ne vous rendrait pas fière de l'état de nos prisons !
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Madame Tasca, croyez vous le savez d'ailleurs que j'accorde une priorité particulière aux travaux dans les établissements pénitentiaires.
S'agissant des sommes que j'ai citées, je peux vous assurer qu'elles ont été engagées et que les travaux correspondants ont été faits. Je peux parfois ne pas être informée sur l'utilisation des crédits mais, avant de vous répondre, j'ai vérifié si les travaux avaient été réalisés : ils ont été bien faits et les crédits que je vous ai indiqués leur ont été destinés.
La difficulté, vous le savez, tient à ce que dans les établissements vétustes les crédits étaient souvent utilisés et la maison d'arrêt de Versailles n'est pas le seul cas à traiter à des travaux de simple mise aux normes, parce que, pendant très longtemps, on ne s'est pas attaqué à la vraie rénovation, à la vraie réhabilitation, voire à la construction d'établissements pénitentiaires. Le dernier programme d'ampleur date de 1987. Ensuite, les programmes ont été parcellaires.
J'ajoute, sans aucune intention polémique, que, entre 1997 et 2002, 4 % des places ont été fermées et qu'il n'y a eu aucune construction.
Je vous rejoins, madame Tasca, sur la nécessité de fermer les places insalubres où les conditions sont, en effet, épouvantables, mais, pour autant, faut-il s'abstenir de construire des places de prison ?
Pour ma part, je n'en fais pas un débat idéologique. Il est important que les prisonniers soient détenus dans des conditions dignes et, à cette fin, que nous construisions aussi des établissements pénitentiaires, ce que, malheureusement, nous n'avons pas fait pendant trop longtemps. Alors, nous sommes obligés de rattraper le retard.
S'agissant des personnels, vous connaissez les règles de la fonction publique, on ne peut les empêcher de demander des mutations et on ne peut pas davantage instaurer des traitements privilégiés pour une certaine catégorie d'entre eux.
Enfin, vous m'avez en effet saisie d'un courrier ; je vous ai répondu ma réponse doit être partie ou, en tout cas, partira dès aujourd'hui que la personne que vous évoquiez pouvait tout à fait demander à être maintenue à la maison d'arrêt de Versailles : la commission administrative paritaire étudiera sa demande de maintien dans l'établissement, si elle le souhaite.
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