Question de Mme BONNEFOY Nicole (Charente - SOC) publiée le 12/03/2009
Mme Nicole Bonnefoy attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur les conséquences inquiétantes et dramatiques du projet gouvernemental de supprimer 44 tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS), d'ici avril 2010, soit plus d'un sur trois, dans le cadre de la future réforme de la carte judiciaire.
En effet, le TASS a compétence pour trancher les différents contentieux concernant tous les régimes, que ce soit le régime général, agricole ou encore les régimes spéciaux. Le TASS a pour fonction de traiter des litiges dans de nombreux domaines (amiante, accidents du travail, fautes inexcusables de l'employeur, maladies professionnelles, retraites, prestations, cotisations). Il offre à tous les usagers la possibilité légale de contester les décisions de la sécurité sociale. Le TASS est donc une juridiction de proximité par excellence. Il peut être saisi sans avocat et, lors de l'audience, la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés est autorisée par la loi à assister les personnes handicapées, malades, invalides et accidentées du travail. On peut donc se rendre compte de l'importance de ces tribunaux.
Pourtant, un projet gouvernemental prévoirait la suppression de 44 TASS à travers toute la France.
Pour la Région Poitou-Charentes, seraient concernés par la mesure les TASS de La Rochelle, de Saintes, d'Angoulême et de Niort. Ils disparaîtraient au profit d'un seul et unique TASS : celui de Poitiers.
Or, Il convient de rappeler que les justiciables qui fréquentent les TASS sont des assurés sociaux qui présentent le plus souvent une mobilité réduite du fait du handicap ou de la maladie. Ils ont souvent également de faibles ressources. Dès lors, la disparition des trois tribunaux des affaires de sécurité sociale, avec la contrainte de faire parfois plus de 150 km de trajet pour aller jusqu'à Poitiers, sera bien souvent une difficulté insurmontable à l'accès à la justice et au droit de ces justiciables dont les ressources ne leur permettent pas, dans bien des cas, de supporter le coût d'un ou de plusieurs déplacements. De facto, ce projet va donc exclure une partie de la population, la plus fragile, de ce droit légitime! C'est un recul important du principe d'égalité face à la justice.
De plus, si tout est centralisé à Poitiers, le TASS prendra du retard pour rendre un jugement. Ce sont les assurés sociaux qui vont en pâtir. Ils devront attendre plusieurs mois, voire plusieurs années, pour obtenir une décision. Les adhérents victimes d'une faute inexcusable de l'employeur, d'une rechute contestée par la Caisse primaire d'assurance maladie ou d'une maladie qu'ils souhaitent voir reconnue en maladie professionnelle, devront attendre plus longtemps pour faire valoir leurs droits et ne se rendront plus forcément au tribunal lors de l'audience alors que leur argumentation peut être utile si la juridiction souhaite leur poser des questions concernant leur affaire.
C'est pourquoi, elle lui demande quels sont les projets précis du Gouvernement concernant la suppression de TASS. Si la décision de supprimer 44 TASS est confirmée, elle souhaite savoir quelles réponses elle entend donner aux inquiétudes, ci dessus résumées, des membres de la FNATH et des milliers d'avocats et de magistrats. Enfin, elle lui demande si une concertation au niveau national, sur ce sujet, avec les différentes personnes concernées dont la FNATH, est prévue.
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Réponse du Ministère de la Justice publiée le 09/04/2009
La garde des sceaux, ministre de la justice, a l'honneur d'apporter les précisions suivantes à l'honorable parlementaire qui a appelé son attention sur le projet de réforme de la carte des tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS). Ces tribunaux, actuellement au nombre de 115, sont chargés de régler les litiges d'application de la législation de la sécurité sociale. Chacun de ces TASS est présidé par un magistrat de l'ordre judiciaire, entouré de deux assesseurs élus et assisté d'un secrétariat composé d'agents administratifs placés sous l'autorité du ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Ils constituent à ce titre une juridiction sociale. Afin d'obtenir une meilleure affectation des moyens et d'améliorer la qualité du service public, un projet de réforme, élaboré par le ministère du travail, en concertation avec les ministères de la justice et de l'agriculture à partir du mois d'octobre 2008, envisage de rassembler, au sein de TASS de taille plus importante, les TASS saisis de moins de 550 requêtes nouvelles en moyenne annuelle, dont le nombre est estimé à ce jour à 44. Ce regroupement serait réalisé à un moment où, grâce à la récente simplification des procédures administratives, la diminution du nombre de requêtes émanant d'institutions publiques va réduire sensiblement la charge de travail des TASS, avec un effet positif sur les délais de jugement. Enfin, le projet prévoit que les agents des administrations sociales qui assurent en majorité le secrétariat des TASS et qui pourraient être concernés par cette réorganisation seraient affectés dans les directions régionales ou départementales du secteur social, sans mobilité géographique obligatoire. Sur instruction des directeurs des cabinets des ministres du travail et de la justice, ce projet fait actuellement l'objet d'une large consultation locale, menée, d'une part, par les préfets de région et, d'autre part, par les premiers présidents et procureurs généraux de cours d'appel. Il s'agit tout d'abord de vérifier l'adéquation des propositions envisagées au regard des réalités locales, notamment en matière d'accessibilité pour les justiciables. De plus, la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATFI), dont les représentants sont les assesseurs des présidents de TASS, a été reçue le 27 février dernier au ministère du travail. Afin que la consultation soit la plus large et complète possible, il a été décidé de prolonger la période de concertation jusqu'au 3 avril prochain, en demandant notamment aux préfets de région de porter une attention spécifique à la consultation des parlementaires et des élus locaux. À l'issue de cette consultation approfondie, la situation de chaque TASS susceptible d'être concerné par la réorganisation fera l'objet d'un examen attentif. Il ne s'agit donc ni d'un projet définitivement acté ni d'une réforme visant à remettre en cause l'existence et la spécificité des TASS.
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