Question de Mme TERRADE Odette (Val-de-Marne - CRC-SPG) publiée le 30/04/2009
Mme Odette Terrade attire l'attention de Mme la ministre du logement sur les conditions de vente de 34 000 logements appartenant à la société ICADE, filiale de la Caisse des dépôts et consignations.
Ces logements, du parc social de fait, construits avec des fonds publics, sont situés dans des villes de première et deuxième couronne de la région parisienne dans lesquelles la question du logement est particulièrement sensible. Ainsi en Val-de-Marne cinq communes : Sucy-en-Brie, Créteil, Maisons-Alfort, Chevilly-Larue et l'Haÿ-les-Roses totalisent 5 800 logements du parc d'ICADE. La plupart de ces appartements sont occupés par des familles aux revenus modestes, qui ne pourraient se loger dans le secteur privé. Pour ces locataires cette mise en vente spéculative engendre des inquiétudes fortes quant aux conditions futures de leur loyer.
De plus, cette vente massive risque de perturber, voir de remettre en cause l'équilibre de mixité sociale que de nombreuses villes ont atteint et sont en voie d'atteindre pour le logement dans leur commune.
Alors que la récente loi de mobilisation pour le logement prévoit le rachat de 30 000 logements à des promoteurs privés pour augmenter le nombre, insuffisant, de logements sociaux de notre pays, il est contradictoire de laisser vendre sans contrepartie 34 000 logements locatifs du parc social de fait !
Pour ces raisons, elle lui demande les mesures qu'elle compte mettre en œuvre pour que les conditions de cette vente garantissent le caractère pérenne du statut social de ces logements, que les loyers soient régulés et ouvrent le droit aux aides au logement. Quel dispositif de concertation elle envisage, afin que les élus des villes et territoires concernés par ces cessions immobilières de patrimoine locatif ne soient pas mis devant le fait accompli.
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Réponse du Ministère du logement publiée le 24/06/2009
Réponse apportée en séance publique le 23/06/2009
La parole est à Mme Odette Terrade, auteur de la question n° 545, adressée à Mme la ministre du logement.
Mme Odette Terrade. Madame la ministre, ma question sur les conditions de vente des logements appartenant à la société Immobilière Caisse des dépôts, Icade, filiale de la Caisse des dépôts et consignations, envisagée pour l'été 2009, est un sujet qui, ces derniers mois, a maintes fois été abordé par mes collègues parlementaires de tous bords politiques.
En effet, l'annonce faite par Icade au travers d'un communiqué de presse le 12 décembre dernier, sans concertation aucune, a suscité un vif émoi !
Cependant, à ce jour, après que M. le ministre du budget et vous-même, madame la ministre du logement, avez été interpellés par les maires et les associations des communes concernées, aucune réponse satisfaisante n'a été apportée par le Gouvernement.
La vente de 34 000 logements de ce parc social de fait, construits avec des fonds publics et situés principalement dans des villes de la région parisienne où la question du logement est particulièrement sensible, ressemble de plus en plus à une partie de ping-pong où chacun ne cesse de renvoyer la balle à l'autre et à un jeu de dupes, dont les locataires et les salariés, vendus avec les murs, feront les frais.
Faut-il le rappeler, ces logements initialement construits par la SCIC, filiale de la Caisse des dépôts et consignations, ont été financés avec de l'argent public. À l'époque, de nombreuses municipalités avaient d'ailleurs mis à disposition des terrains, au franc symbolique, ou offert des conditions particulières dans le but de réaliser du logement social ou du logement intermédiaire. Une grande partie de ces logements ont été conventionnés via des prêts d'État.
Alors que, lors de l'entrée en bourse de la société en 2006, ce parc de logements avait été évalué par l'Autorité des marchés financiers à 1,426 milliard d'euros, Icade affiche aujourd'hui son intention de vendre l'ensemble de son pôle logement au prix de 2,935 milliards d'euros. Comment une telle augmentation a-t-elle pu intervenir en si peu de temps, en pleine crise immobilière, et alors que le patrimoine de la société compte 10 000 logements de moins, vendus entre-temps ?
Alors que notre pays manque cruellement de logements pour faire face à la demande, que la récente loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, que vous avez fait voter, madame la ministre, prévoit le rachat de 30 000 logements à des promoteurs privés pour augmenter le nombre insuffisant de logements sociaux, comment accepter que les bailleurs sociaux, candidats au rachat de ces logements, payent une telle plus-value aux actionnaires privés d'Icade ?
À cette question s'ajoute celle d'un évident conflit d'intérêts pour la Caisse des dépôts et consignations, partie prenante de cette cession à tous les niveaux, à la fois comme vendeur, en tant que maison-mère d'Icade, et acquéreur, puisque la SNI, chef de file du consortium des bailleurs candidats au rachat, est également une filiale de la Caisse des dépôts et consignations. J'ajoute que la même CDC sera sans doute le principal prêteur des bailleurs candidats à la reprise de ce patrimoine.
Ainsi la Caisse des dépôts et consignations va-t-elle non seulement récupérer le produit de la cession au prix qu'elle se sera elle-même fixé, mais bénéficiera en sus d'intérêts sur les prêts octroyés ! Une telle situation a fait dire à certains de mes collègues, pourtant plus proches de votre sensibilité politique, madame la ministre, que nous serions face à un véritable scandale d'État !
La vente elle-même soulève certaines questions. Évidemment, les maires des villes concernées souhaitent, en toute logique, que ces logements soient rachetés par des bailleurs sociaux, afin de conserver la vocation initiale de ces logements.
Céder aujourd'hui contre paiement dans de telles conditions le patrimoine d'Icade à des bailleurs sociaux revient à faire financer ces logements une deuxième fois par des fonds publics, puisqu'ils ont été construits à l'aide de financements adossés à des dispositifs publics garantissant un coût de construction modéré, sur des terrains parfois cédés par les communes, je l'ai dit, au franc symbolique.
Il paraît donc scandaleux que, après avoir largement amorti la construction de ses immeubles grâce à l'accumulation des loyers, dont certains ont subi des hausses inadmissibles alors qu'ils étaient versés par des locataires aux ressources modestes, Icade ait pu, au détour d'une introduction en bourse, privatiser son patrimoine, de manière à le revendre quelques années plus tard dans une opération purement spéculative et à un prix qui frise l'indécence.
J'ajoute qu'aucune démarche transparente de concertation n'a été engagée avec les élus.
Madame la ministre, quels éléments concrets et quelles réponses pouvez-vous apporter aux maires des communes d'Île-de-France possédant des logements Icade sur leurs territoires au sujet du droit de regard qu'ils demandent sur cette vente concernant directement la politique de l'habitat de leurs villes ?
Que compte faire votre ministère, ainsi que celui du budget, pour que les bailleurs sociaux puissent acquérir ces logements à un prix qui n'alimente pas le jeu d'une spéculation honteuse ? Quelle sera la destination de la plus-value réalisée ? Quelles garanties donnerez-vous aux salariés en matière d'emploi ?
Enfin, madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour que ce parc social de fait soit pérennisé et que les locataires actuels aient la garantie d'un maintien dans les lieux, assortie d'un loyer social, adapté à leur situation ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Boutin, ministre du logement. Madame Terrade, dans le cadre du recentrage de ses activités, la société Icade souhaite céder l'ensemble de son parc de 31 500 logements, dont plus de 90 % se situent en Île-de-France.
Un groupement constitué d'une vingtaine de bailleurs sociaux, mené par le groupe SNI, s'est porté candidat à l'acquisition de ces logements.
L'intérêt de cette acquisition en bloc serait naturellement de pérenniser la vocation sociale de ce patrimoine et donc d'accroître l'offre de logements sociaux en Île-de-France. Il s'agit de trouver une réponse globale conforme aux intérêts et aux attentes des locataires et des salariés et aux intérêts patrimoniaux d'Icade.
Cette opération entre dans le cadre juridique défini par le décret du 15 mai 2007, qui réglemente la cession à des bailleurs sociaux de logements appartenant à des filiales de la CDC, dont Icade, faisant ou ayant fait l'objet d'un conventionnement.
Cette réglementation permet d'éviter le déconventionnement de logements sociaux et de garantir une occupation sociale, tout en évitant une augmentation des loyers pour les locataires en place, ce qui rejoint vos préoccupations, madame le sénateur.
Les logements qui ont été conventionnés, au nombre de 18 500 pour le cas particulier d'Icade, peuvent être acquis à l'aide de prêts locatifs sociaux, les PLS. Le décret prévoit en outre qu'un tiers au moins des logements acquis devra être loué à des ménages dont les ressources sont inférieures aux plafonds de loyer des PLAI et qu'un tiers au plus des logements pourra être occupé par des ménages dont les ressources sont comprises entre les plafonds prévus pour les PLUS et les PLS.
Ces règles assurent indiscutablement le maintien de la vocation sociale de ces logements, tout en garantissant une mixité sociale.
Vous le savez, madame le sénateur, une procédure de concertation est prévue par le décret entre les bailleurs acquéreurs, les communes et l'État ou les collectivités territoriales, qui sont délégataires des aides à la pierre.
La concertation se traduit par une convention tripartite garantissant bien évidemment l'association de la commune au dispositif, afin d'assurer la cohérence de sa politique sociale en matière de logements.
Ainsi, chaque convention tripartite prévoit un loyer plafond, qui peut être inférieur au plafond maximum défini par les réglementations.
Le reste du parc d'Icade, soit 13 000 logements, se situe hors du champ d'application du décret. Il serait probablement acquis, si l'offre du groupement était retenue, essentiellement par des prêts réglementés à la Caisse des dépôts et consignations, PLAI, PLUS et PLS, ainsi que par le biais des autres financements publics liés au logement social, comme j'ai eu l'occasion de l'indiquer aux maires qui m'ont rendu visite.
Des conventions seraient alors établies, qui imposeraient le respect des conditions de ressources et de loyer liées à chaque type de prêts, en contrepartie du bénéfice de l'aide personnalisée au logement pour les locataires.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Madame la ministre, je vous remercie de ces explications concrètes et détaillées, dont j'ai pris bonne note. J'espère qu'elles seront suivies d'effet.
Vous le savez, les locataires et les salariés peuvent compter sur notre vigilance. À l'Assemblée nationale et au Sénat, notre groupe a demandé la création d'une commission d'enquête sur les conditions de cette cession. Selon nous, lorsqu'il s'agit d'argent public, toute la transparence doit être faite.
Mme Christine Boutin, ministre. Elle le sera !
Mme Odette Terrade. Nous continuerons d'être aux côtés de nos collègues élus locaux et des locataires de ce parc social, dont un grand nombre a déjà subi, de fait, des hausses de loyer importantes.
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