Question de M. DAUDIGNY Yves (Aisne - SOC) publiée le 07/05/2009

M. Yves Daudigny attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la très forte mobilisation des étudiants des instituts universitaires de formation des maîtres face au projet de réforme de la formation des futurs enseignants.

Plusieurs points de la réforme sont inquiétants.

Le système des IUFM, instauré par la loi d'orientation sur l'éducation n° 89-486 du 10 juillet 1989, peut mériter, certes d'être amélioré, mais a pour mérite d'offrir un cursus aux futurs enseignants fondé sur deux piliers : l'enseignement théorique des savoirs et l'apprentissage du métier d'enseignant grâce à une année au cours de laquelle les enseignants stagiaires alternent formation universitaire et formation professionnelle en situation, c'est-à-dire devant les élèves.

La dévolution de la formation des maîtres à l'université, avec le recentrage sur la formation théorique, ne garantit pas aux futurs enseignants un apprentissage de ces outils pédagogiques nécessaires à la transmission des savoirs.

Le recrutement à Bac+5 au niveau du Master 2 et la suppression de l'année de stage rémunérée après l'obtention du concours mettent fin à un recrutement socialement diversifié des futurs enseignants en mettant en œuvre une sélection financière.

Enfin, la « mastérisation » va détruire le maillage territorial que formait les IUFM à travers les départements en re-concentrant les formations au niveau des centres universitaires. Un exemple, l'IUFM de Laon dans l'Aisne, pour la rentrée 2009, est uniquement assuré de conserver la formation professionnelle de la dernière promotion de PE2 (dont l'effectif n'est toujours pas connu). La disparition de ce pôle universitaire fait craindre, dans un contexte déjà difficile, des conséquences économiques et sociales importantes pour la préfecture de l'Aisne.

C'est pourquoi, il lui demande de lui indiquer quelles mesures elle compte mettre en œuvre pour pérenniser l'IUFM de Laon et garantir le maintien d'un recrutement et d'une formation professionnelle assurant la qualité du système éducatif français.

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Réponse du Ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire publiée le 10/06/2009

Réponse apportée en séance publique le 09/06/2009

M. Yves Daudigny. Depuis plusieurs mois, la mobilisation au sein des instituts universitaires de formation des maîtres, les IUFM – par exemple à l'IUFM de Laon, dans l'Aisne –, témoigne de la très forte inquiétude des futurs enseignants et de leurs professeurs à l'égard du projet de réforme de la formation des métiers de l'enseignement.

Le système des IUFM peut, évidemment, être amélioré, mais il a aujourd'hui le mérite d'offrir aux futurs enseignants un cursus équilibré, fondé sur deux piliers : d'une part, l'enseignement théorique des savoirs et, d'autre part, l'apprentissage du métier d'enseignant grâce à une année au cours de laquelle les enseignants stagiaires alternent formation universitaire et formation professionnelle en situation, c'est-à-dire devant les élèves.

La réforme proposée aujourd'hui suscite quatre inquiétudes.

La suppression de l'année de formation en alternance, dite « année de stage », sous le statut de fonctionnaire stagiaire rémunéré permettra incontestablement de réaliser des économies pour le budget de l'État. Mais, parallèlement sera détruit un fonctionnement équilibré qui, associant formation théorique et formation professionnelle, a pour avantage de doter les futurs enseignants des connaissances théoriques nécessaires et des méthodes pédagogiques permettant la transmission de ces connaissances.

Une inquiétude existe quant à la première année de prise de fonction, qui reposerait sur une alternance entre deux tiers de temps en classe et un tiers en formation continue, alors que la proportion était jusqu'à présent inverse.

La deuxième inquiétude résulte du recrutement au niveau master 2. Quel sera le contenu de ces masters ? Existera-t-il un cadrage national garantissant une unité des formations sur l'ensemble du territoire ?

La troisième inquiétude que génère cette réforme n'est pas la moindre : la suppression de l'année de stage rémunéré n'emporte pas seulement la disparition d'une année de pratique pourtant nécessaire ; elle sonne le glas d'un système de recrutement démocratique, qui offrait aux jeunes de tous milieux la chance d'accéder à la fonction enseignante et, par voie de conséquence, à une promotion sociale et à un surcroît de dignité. Quels seront ceux qui pourront dorénavant s'offrir le sacrifice, ou plutôt le luxe, de trois années d'études supplémentaires ?

La quatrième inquiétude vise la disparition du maillage territorial que formaient les IUFM dans chaque département. Dans l'Aisne, l'IUFM comprend ainsi une soixantaine de formateurs – professeurs d'IUFM et maîtres formateurs – qui assurent la préparation au concours de 180 PE1, la formation professionnelle de 172 PE2 – professeurs des écoles stagiaires –, la formation continuée des nouveaux enseignants titulaires – 135 T1, 100 T2 – et des enseignants en poste dans le département, ce qui représente au total 4 668 journées-stagiaires pour l'année.

Ne sommes-nous pas confrontés à la perspective de la disparition totale à Laon du pôle universitaire de formation des maîtres, avec toutes les conséquences sociales, économiques, culturelles et humaines qui en découleraient pour la ville et le territoire ? Je n'évoquerai pas en cet instant les interrogations du conseil général de l'Aisne, propriétaire des bâtiments, qui a investi plusieurs centaines de milliers d'euros depuis 1997.

Monsieur le ministre, bien des interrogations et des inquiétudes demeurent aujourd'hui. Quels éléments de réponse pouvez-vous nous apporter ? Il y va de l'avenir de l'école républicaine.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Monsieur le sénateur, je tiens tout à d'abord à vous présenter les excuses de Valérie Pécresse et Xavier Darcos, qui n'ont pu être présents ce matin.

Les IUFM sont des composantes universitaires. Ils font partie de l'université. Les compétences et la culture de la formation professionnelle des enseignants qu'ils concentrent et qui leurs sont particulières seront pleinement mobilisées dans le cadre de la réforme de la formation des maîtres, menée actuellement par Valérie Pécresse et Xavier Darcos.

L'université est un lieu de formation professionnelle. Préjuger qu'elle ne le serait pas va à l'encontre de sa vocation éprouvée dans les domaines de la médecine ou du droit, par exemple, que renforce encore sa troisième mission inscrite dans la loi de 2007.

Le recrutement des futurs enseignants au terme de cinq années d'études permet la construction d'un parcours de formation à la fois académique et professionnel. Tels sont les deux volets de la formation qu'il faut renforcer : à la fois les connaissances et les compétences.

Le nouveau modèle de formation est à bâtir. La commission Marois-Filâtre, lancée le 20 mai dernier, qui consulte largement l'ensemble des acteurs de la formation des maîtres, fera des propositions à Xavier Darcos et à Valérie Pécresse pour que les universités puissent proposer une offre de master pertinente au regard des enjeux d'une formation à la fois professionnelle et académique de grande qualité.

L'année de stage n'est pas supprimée ; elle est reportée d'un an. Xavier Darcos a prévu d'aménager la première année de fonctionnaire stagiaire pour permettre aux professeurs débutants d'être accompagnés dans leur entrée dans le métier, grâce à la fois à un compagnonnage assumé par un professeur expérimenté et à un temps de formation professionnelle complémentaire. Pour que cette entrée dans le métier se fasse de manière progressive, un temps de décharge de service d'un tiers est prévu.

Il n'y a pas de lien consubstantiel entre la réforme et la disparition éventuelle d'antennes départementales d'IUFM. Ces antennes seront des relais d'une formation de proximité, notamment dans le cadre des stages qui devront être effectués en master. Si les étudiants préparant les concours ne sont pas suffisamment nombreux pour légitimer l'existence de ces antennes, un dialogue devra s'établir entre universités et collectivités locales pour maintenir d'autres types de formations.

La ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, très attachée au maintien d'une carte universitaire équilibrée, sera très attentive à la pérennité des centres universitaires de proximité.

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Monsieur le ministre, je vous remercie des précisions que vous avez bien voulu m'apporter ce matin, au nom de vos collègues, mais elles ne permettent pas de lever les inquiétudes que j'ai exposées. J'aurais pu évoquer d'autres points, mais le temps qui m'était imparti ne m'en a pas laissé la possibilité.

À cet instant, je veux vous lire l'extrait d'un vœu voté à l'unanimité par le conseil général de l'Aisne, exprimant son inquiétude quant au devenir du site de Laon : « à la rentrée 2009, seule la formation professionnelle de la dernière promotion des étudiants ayant obtenu le concours cette année est assurée ». La disparition de cette école professionnelle, qui, comme je l'ai indiqué, comprend de nombreux formateurs et près de 400 étudiants, aurait des conséquences importantes pour la ville de Laon et le département.

En 1991, le conseil général de l'Aisne s'était engagé à conserver la propriété des bâtiments pour favoriser l'implantation d'une l'antenne de l'IUFM. Dès 1992, plus de 2 millions de francs ont été investis pour le fonctionnement et l'investissement. Entre 1997 et 2002, 1 137 000 euros ont été investis pour le réaménagement d'un bâtiment. Dans tes trois dernières années, plus de 380 000 euros ont été consacrés par le département à l'IUFM.

Aujourd'hui, les collectivités territoriales, la ville, le conseil général, sont de nouveau aux côtés de l'État, investissant près de 2,3 millions d'euros pour la construction d'un restaurant universitaire à proximité de ce site.

Quel avenir connaîtront ces équipements ? Ces inquiétudes s'ajoutent à celles qui sont relatives à la formation des futurs professeurs.

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