Question de M. LECERF Jean-René (Nord - UMP) publiée le 10/07/2009
Question posée en séance publique le 09/07/2009
La parole est à M. Jean-René Lecerf. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-René Lecerf. Ma question s'adresse à Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Madame la ministre, j'ai visité la semaine dernière l'une des prisons de notre République.
M. Thierry Repentin. Il découvre la vérité !
M. Jean-René Lecerf. Ayant demandé au hasard l'ouverture d'une cellule, je me suis retrouvé face à trois hommes d'une cinquantaine d'années, codétenus dans un espace de neuf mètres carrés, doté d'un coin toilette dépourvu de toute protection.
M. Didier Boulaud. Et sans eau chaude !
M. Jean-René Lecerf. Il faisait très chaud et ils n'avaient droit qu'à une douche tous les trois jours.
En outre, considérés comme délinquants sexuels et confrontés aux brimades et à la violence des autres détenus, ils ne quittaient plus leur cellule et avaient renoncé à toute promenade et à toute activité.
M. Guy Fischer. De peur d'être violés !
M. Jean-René Lecerf. Après quelques minutes de conversation, l'un d'eux a éclaté en sanglots, tandis qu'un autre m'a confié qu'il avait été violé lors d'une douche quelques semaines auparavant,...
M. Guy Fischer. Voilà!
M. Nicolas About. C'est scandaleux !
M. Jean-René Lecerf. ... ce que m'a confirmé la direction de la prison.
Permettez-moi de citer le Président de la République dans son récent discours devant le Congrès (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame) : « La détention est une épreuve dure, elle ne doit pas être dégradante. Comment espérer réinsérer dans la société ceux qu'on aura privés pendant des années de toute dignité ? »
M. Guy Fischer. Ce ne sont que des paroles !
M. Jean-René Lecerf. Madame la ministre, ne pensez-vous pas que la surpopulation carcérale anéantit tous les efforts accomplis par l'administration pénitentiaire pour faire de la prison une école de la réinsertion plutôt qu'une école de la récidive ?
M. Jacques Mahéas. Nous sommes d'accord !
M. Jean-René Lecerf. Lorsque sera achevé l'actuel programme de construction, nous disposerons de 64 000 places, ce qui nous permettra d'atteindre un ratio satisfaisant de 100 places de détention pour 100 000 habitants. Faut-il accroître encore au-delà les capacités de détention, au risque de devoir consacrer au seul recrutement des personnels de surveillance l'essentiel des moyens financiers disponibles ?
En tout état de cause, il faudra bien sûr poursuivre la rénovation des établissements pénitentiaires et parfois en construire de nouveaux, ne serait-ce que pour remplacer ceux que l'on aurait dû fermer depuis longtemps.
M. David Assouline. Bien sûr !
M. Jean-René Lecerf. Cependant, madame la ministre, ne croyez-vous pas qu'il est aujourd'hui urgent de voter définitivement le projet de loi pénitentiaire,...
M. Bernard Frimat. Absolument !
M. Jean-René Lecerf. ... de donner la priorité aux alternatives à l'incarcération, aux aménagements de peines, au développement du bracelet électronique...
M. Guy Fischer. C'est le bon sens, c'est bien !
M. Jean-René Lecerf. ... et donc à l'indispensable recrutement d'un grand nombre de conseillers d'insertion et de probation,...
Mme Michèle André. Tout à fait !
M. Jacques Mahéas. Enfin !
M. Jean-René Lecerf. ... sans lesquels nous ne pourrons mener à bien cette nouvelle politique ? (Applaudissements sur l'ensemble des travées.)
M. Didier Boulaud. À force d'enfermer, voilà le résultat !
M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État.
M. Didier Boulaud. Qu'a fait Dati ?
Réponse du Ministère de la justice publiée le 10/07/2009
Réponse apportée en séance publique le 09/07/2009
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur Lecerf, lorsqu'il m'a confié les fonctions de garde des sceaux, le Président de la République a rappelé l'importance qu'il attachait à la question pénitentiaire.
Vous avez raison, l'état de nos prisons est déplorable. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)
M. Paul Raoult. Indigne !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. C'est vrai d'un point de vue tant qualitatif que quantitatif.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela fait dix ans que vous êtes au pouvoir !
M. Guy Fischer. Ce n'est pas faute de disposer de rapports !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Pour remédier à cette situation, des réponses existent, elles sont multiples. Bien entendu, et c'est une priorité, il faut construire des établissements, notamment pour lutter contre la surpopulation carcérale.
Il faut également lutter contre la vétusté et procéder à des travaux de rénovation, afin que soit préservée la dignité humaine, y compris en détention.
M. Jacques Mahéas. Oui.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Il faut également un meilleur éventail des conditions d'enfermement pour tenir compte de la diversité de la population carcérale. Celle-ci est en effet composée à la fois de cas psychiatriques lourds, qui représentent près de 20 % de cette population,...
Mme Évelyne Didier. Oui !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. ... de cas psychiatriques plus légers, mais souffrant d'atteintes psychologiques graves, qui représentent près de 50 %, d'un certain nombre de jeunes et de primo-délinquants.
Il convient donc d'assurer une diversification des conditions d'enfermement.
Il y a aussi, vous l'avez dit, les peines substitutives.
M. Jacques Mahéas. Oui !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Celles-ci constituent un élément important, à la fois parce qu'elles peuvent être mises en uvre rapidement et parce qu'elles sont sans doute la réponse la plus adéquate à certains types de délinquance.
M. Jacques Mahéas. Tout à fait !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Pour éviter d'avoir à choisir entre l'enfermement, dont les conséquences sont souvent dramatiques pour la personne détenue, et la non-incarcération, la peine substitutive peut être une bonne réponse.
M. Guy Fischer. C'est évident !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Elle doit être considérée comme un élément complémentaire. (M. Jacques Mahéas s'exclame.) C'est la raison pour laquelle j'ai parlé tout à l'heure d'éventail des modes de réponse.
Ce qui est essentiel, c'est que la peine prononcée soit exécutée.
M. Alain Gournac. Oui !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Sinon, elle n'a pas le caractère d'exemplarité qui est souhaité.
M. Alain Gournac. Bien sûr !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Le projet de loi pénitentiaire a été adopté au mois de mars dernier par la Haute Assemblée.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En urgence, est-ce normal ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Je souhaite qu'il soit inscrit le plus rapidement possible à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, qui doit désormais l'examiner,...
M. Charles Revet. Très bien !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. ... pour apporter des réponses qui n'ont que trop tardé...
M. Paul Raoult. Oui, c'est le problème ! Cela a un peu trop tardé !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. ... à cette situation préoccupante, mais essentielle. Il nous faut en effet concilier deux préoccupations : la protection de nos concitoyens contre la délinquance, c'est une priorité, la protection de la dignité humaine et la capacité de réinsertion des détenus, car c'est capital pour l'avenir de notre société. (Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur plusieurs travées de l'Union centriste.)
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