Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 16/07/2009
M. Jean Louis Masson attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés sur le fait que le risque de poursuites pour « prise illégale d'intérêts » représente, notamment pour les maires des petites communes rurales, une forte contrainte. L'article 432-12 du code pénal vise tout élu susceptible de « peser » dans un processus décisionnel débouchant sur la conclusion d'une affaire dans laquelle il détient un intérêt quelconque matériel ou moral. La Cour de cassation a développé une jurisprudence de plus en plus sévère sur la prise illégale d'intérêts. En l'état actuel, l'élu ne doit prendre aucune part (même de façon infime) dans un processus décisionnel concernant une « affaire » qui présente pour lui un quelconque intérêt. Selon un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 19 mai 1999 (Bull. n° 101), « La participation d'un conseiller d'une collectivité locale à un organe délibérant de celle-ci, lorsque la délibération porte sur une affaire dans laquelle il a intérêt, vaut surveillance ou administration de l'opération au sens de l'article 432-12 du code pénal ». L'élu ne peut évidemment participer au vote ni même donner procuration (Cass. Crim., 19 nov. 2003). L'élu qui ne donne qu'un simple avis peut même être poursuivi (Cass. Crim., 9 mars 2005). Dans un arrêt récent du 14 novembre 2007 (n° 07-82220), la chambre criminelle est allée plus loin : « La seule présence de l'élu à la séance de l'organe délibérant d'une collectivité territoriale dont l'une des délibérations porte sur une affaire dans laquelle il a un intérêt et à la préparation de laquelle il a participé, vaut surveillance ou administration ». La culpabilité est établie du seul fait de la réunion des éléments matériels du délit, qu'il y ait eu ou non de la part de l'intéressé, recherche d'un bénéfice (Cass. Crim., 4 nov. 2004) : un arrêt du 31 mai 2000 de la cour d'appel de Toulouse a puni un élu cumulant les fonctions de président du conseil d'administration d'une SEM (société d'économie mixte) exploitant de l'eau de source et de président du syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable qui a fait prendre par le syndicat intercommunal des délibérations favorables à la SEM afin de remédier aux problèmes de trésorerie de cette dernière. Face à ces contraintes, il lui demande s'il ne conviendrait pas de prévoir que, dans le cas des maires de communes de moins de 3 500 habitants, la bonne foi puisse être prise en compte.
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 13/05/2010
La bonne foi des maires des communes de moins de 3 500 habitants est déjà prise en compte par le code pénal. Le délit de prise illégale d'intérêt est en effet un délit intentionnel, exclusif de toute faute d'imprudence, et ce conformément à l'article 121-3 du code pénal. À ce titre, seul le maire qui aura sciemment accompli l'acte matériel du délit sera susceptible d'être puni. Par ailleurs, il convient de rappeler que le législateur a déjà remédié à l'excessive sévérité d'une application stricte de l'article 432-12 du code pénal, en autorisant les conseillers municipaux des communes de moins de 3 500 habitants à traiter avec leur commune dans certaines conditions et pour certaines opérations limitativement énumérées.
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