Question de M. FISCHER Guy (Rhône - CRC-SPG) publiée le 18/09/2009

Question posée en séance publique le 17/09/2009

M. Guy Fischer. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Madame la ministre, vingt-trois salariés de France Télécom ont mis fin à leurs jours. (Murmures sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !

M. Guy Fischer. Ces décès s'inscrivent dans une ample vague de suicides, notamment chez Renault, PSA, IBM, dont le lien avec le mal-être au travail, causé par la course au profit et à la financiarisation de l'économie, a été bien souvent occulté.

Cet insupportable gâchis humain doit cesser.

Mme Jacqueline Panis. D'accord !

M. Guy Fischer. Il faut briser le mur du silence. Seule une souffrance extrême au travail peut pousser des hommes et des femmes à commettre ainsi l'irréparable. Il n'est pas acceptable de s'en tenir à la thèse bien commode des « drames personnels ».

M. Lombard, président-directeur général de France Télécom, a dépassé les bornes en évoquant une « mode du suicide ».

Mme Raymonde Le Texier. Oui !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est une honte !

M. Robert Hue. Devant le ministre !

M. Jacques Mahéas. Qui n'a pas réagi !

M. Guy Fischer. Il ne s'agit pas d'un lapsus : c'est bien l'inhumanité du capitalisme qui transparaît dans de tels propos.

Face à ce désastre économique et social, les propositions du Gouvernement ne nous satisfont pas. Ce ne sont pas les numéros verts, les cellules d'écoute et autres observatoires du stress qui feront disparaître la violence au travail. Au contraire, ces dispositifs sont des écrans de fumée qui tentent de masquer la réalité : celle des entreprises transformées en machines à broyer les êtres humains. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Cette violence au travail est démultipliée par le choix de la privatisation, par la priorité donnée à la logique financière sur l'intérêt général.

Mme Jacqueline Panis. La question !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Taisez-vous ! Vous avez quelque chose à dire ?

Mme Éliane Assassi. Un peu de décence !

M. Guy Fischer. Cette violence, c'est la loi des actionnaires qui écrase les salariés, qui méprise les usagers. Ce qui compte pour M. Lombard, c'est l'augmentation du cours de l'action France Télécom, certainement pas la santé de ses employés.

Il est plus que temps d'en finir avec cette recherche du profit maximal et son cortège de restructurations, de plans sociaux. Il faut dire « stop ! » à ces dirigeants qui s'enrichissent de manière indécente, érigent le harcèlement moral en règle de management et réduisent les syndicalistes au silence.

M. Alain Gournac. La question !

M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue !

M. Guy Fischer. J'y viens.

Mme Jacqueline Panis. Ah ! Tout de même !

M. Alain Gournac. Enfin !

M. Guy Fischer. Pour mettre un terme à cette spirale infernale, une intervention ferme de l'État, premier actionnaire de France Télécom, s'impose de toute urgence. Il faut bien sûr renforcer la réponse sociale, mais avant tout, madame la ministre, stopper la restructuration libérale, mettre un terme à la folie financière qui brise les hommes. Et cela, c'est votre responsabilité !

Un an après le début de la crise financière (Exclamations sur les travées de l'UMP),…

M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le président, le temps de parole est épuisé !

M. le président. Monsieur Fischer, je vous demande de conclure !

M. Guy Fischer. … il n'est que temps de rappeler que l'économie doit servir le développement humain. Il faut remettre de grandes entreprises comme France Télécom ou GDF-Suez au service de la nation, de l'épanouissement de leurs salariés.

M. Alain Gournac. La question !

M. Guy Fischer. Nous refuserons que La Poste et ses agents suivent cette voie désastreuse que vous entendez leur imposer à leur tour. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)


Réponse du Ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi publiée le 18/09/2009

Réponse apportée en séance publique le 17/09/2009

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur Fischer, personne ne doit exploiter ces drames personnels, qui appartiennent aux familles plongées dans la souffrance. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jacques Mahéas. Ouvrez les yeux !

Mme Christine Lagarde, ministre. Devant la récurrence de ce phénomène au cours des dernières semaines, nous avons agi.

Dès que nous avons été informés des événements, Xavier Darcos et moi-même avons demandé une réunion exceptionnelle du conseil d'administration de France Télécom, consacrée principalement à la situation du personnel de l'entreprise.

Lors de la tenue de ce conseil d'administration, mardi après-midi, le représentant de l'État a fait connaître à la direction de France Télécom qu'il était impératif de mettre en place un plan d'urgence afin de répondre à la situation, en prenant plus spécialement en compte deux aspects. Il a ainsi souligné que l'ensemble du personnel de France Télécom était concerné, en particulier les agents des échelons intermédiaires : cela a été clairement mis en évidence. Il a également insisté sur la nécessité de mettre en place une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences beaucoup plus efficace et individualisée.

En effet, comme l'a relevé tout à l'heure M. Assouline, le personnel de France Télécom, qui a fait des efforts considérables depuis 2002, et même avant, pour tout simplement s'adapter aux évolutions technologiques de ce secteur d'activité, est souvent plongé dans une grande incertitude, portant sur l'évolution individuelle des salariés et celle des postes de travail, ainsi que sur la localisation de ces derniers. C'est une réalité.

Je tiens, à cet instant, à rendre hommage à tous les salariés de France Télécom qui ont accompli cet énorme effort au cours des dernières années, en particulier depuis 2002, date à laquelle, souvenez-vous, le groupe se trouvait dans une situation financière catastrophique. Il aurait alors pu connaître le même sort que British Telecom, par exemple, qui a été obligé de céder une partie de son activité, notamment la téléphonie mobile, pour se retrancher sur la téléphonie fixe. Au lieu de cela, France Télécom est devenu le troisième opérateur de télécommunications en Europe, a réussi à s'implanter dans trente pays et est aujourd'hui un véritable compétiteur sur la scène internationale.

M. David Assouline. À quel prix !

Mme Christine Lagarde, ministre. Cela a été possible grâce à la contribution de chacun. La gestion des ressources humaines doit évidemment être centrée sur les femmes et les hommes qui concourent à ce succès. C'est ce que nous avons demandé au conseil d'administration de faire en urgence : il devra en rendre compte au ministre compétent, M. Darcos.

Au nom de l'État actionnaire, j'écrirai dans les prochains jours à tous les présidents des sociétés dans lesquelles l'État détient des participations pour leur demander de prendre le même type de mesures, en particulier de mettre en place une gestion prévisionnelle beaucoup plus fine du personnel. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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