Question de M. BOTREL Yannick (Côtes-d'Armor - SOC) publiée le 17/09/2009

M. Yannick Botrel attire l'attention de M. le ministre chargé de l'industrie sur la situation particulièrement insupportable et très mal vécue par les salariés du site de production de RFS (Radio Frequency Systems), filiale d'Alcatel-Lucent. Cette entreprise de télécom est rentable, produit des bénéfices, les résultats de l'usine sont positifs et les carnets de commande sont pleins. En somme, elle n'est nullement affectée par la crise. Pourtant la direction a décidé de délocaliser la production et de supprimer cinquante-trois emplois. Cette décision a été prise alors même que RFS, dont Alcatel est l'actionnaire principal, aurait bénéficié l'an dernier d'une aide publique sous forme d'un crédit impôt-recherche d'un million d'euros.

Le site de production va disparaître alors que le bassin de Lannion est déjà rudement touché par les délocalisations, les restructurations et est en voie de desindustrialisation. Malgré les promesses du ministre chargé de l'industrie qui avait annoncé qu'Alcatel et ses filiales ne fermeraient pas de sites industriels de production en France, c'est un nouveau coup dur pour l'industrie dans les Côtes-d'Armor.

Il souhaite donc savoir quelles mesures il souhaite prendre pour maintenir le bassin d'emploi et pour répondre à l'incompréhension liée à cette décision en totale contradiction avec la situation économique de cette entreprise.

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Réponse du Ministère chargé de l'industrie publiée le 23/09/2009

Réponse apportée en séance publique le 22/09/2009

La parole est à M. Yannick Botrel, auteur de la question n° 622, adressée à M. le ministre chargé de l'industrie.

M. Yannick Botrel. Monsieur le ministre, la situation des salariés de RFS, Radio Frequency Systems, de Lannion est particulièrement préoccupante. Le site de production de cette filiale d'Alcatel-Lucent est menacé de délocalisation à très court terme, à savoir dès le mois prochain.

Il s'agit, certes, d'une délocalisation régionale. Pour autant les conséquences n'en sont pas moindres pour le personnel : 53 emplois supprimés et un site industriel une nouvelle fois définitivement rayé de la carte. Cette annonce s'inscrit dans le prolongement des premières initiatives d'Alcatel de démantèlement de ses activités sur le bassin de Lannion et donc de mise à mal de l'emploi.

Le constat s'établit aisément. La décision de fermeture définitive du site de RFS est en parfaite contradiction avec les objectifs annoncés par le groupe, la situation économique de l'entreprise et l'octroi de fonds publics qui lui ont été accordés au titre du crédit d'impôt recherche.

S'agissant des engagements du groupe Alcatel, valables pour sa filiale RFS qu'il détient à 100 %, les déclarations présentaient pourtant l'intérêt d'être claires : aucune fermeture de site et une diminution du recours à la sous-traitance.

On est loin du compte ; l'avenir de 53 familles est en question et le nouveau schéma de production prévoit d'externaliser la production !

Cette décision fait courir de gros risques sur les plans économique et social. Le personnel ouvrier de RFS se caractérise par une ancienneté importante au sein de l'entreprise avec en corollaire une moyenne d'âge relativement élevée. Le bassin d'emploi de Lannion, vous le savez, déjà soumis à de grosses perturbations, n'a pas la capacité de proposer une alternative en termes d'emplois similaires.

Cette situation rend par conséquent absolument illusoires les possibilités d'un retour à l'emploi sur place pour les salariés de RFS.

La solution ne réside donc pas dans l'élaboration d'un plan de sauvetage, mais elle est bien dans le renoncement à la fermeture du site, qui aujourd'hui présente un carnet de commandes bien rempli.

Monsieur le ministre, l'État serait dans son rôle en intervenant dans cette affaire. C'est une somme de 933 000 euros d'argent public qui a été versée à RFS au titre du crédit d'impôt recherche. À cet égard, des exigences peuvent être formulées par les pouvoirs publics, à charge pour l'entreprise de les respecter.

Les salariés de RFS à Lannion sont extrêmement déterminés à défendre leur emploi et ils ne sont en attente ni de reclassement ni d'indemnité.

Le site industriel de production, leur outil de travail, laisse apparaître de réelles perspectives d'activité, son résultat prévisionnel au titre de l'année 2010 pouvant s'élever à 1,4 million d'euros.

Monsieur le ministre, face à ces réalités, quelles mesures pouvez-vous prendre pour le maintien de la production de RFS à Lannion ? Quelle réponse pouvez-vous apporter aux inquiétudes légitimes du personnel et à l'incompréhension face à cette décision en totale contradiction avec la situation économique de l'entreprise ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Monsieur le sénateur, il ne faut pas se voiler la face ; le groupe Alcatel-Lucent est une grande entreprise française dans le domaine des télécommunications qui connaît aujourd'hui de réelles difficultés.

Le devoir du Gouvernement et des collectivités est de veiller à ce que demain Alcatel-Lucent, leader des télécommunications, puisse sortir renforcé de cette période qui l'a fragilisé.

Ces difficultés sont liées à la conjoncture économique actuelle et à la concurrence accrue des équipementiers télécoms installés dans les pays à bas coût.

C'est dans ce contexte que le groupe nous a annoncé fin juillet un nouveau plan de restructuration touchant près de 850 personnes.

Il nous faut aider Alcatel à se restructurer pour préparer la sortie de crise et lui permettre de conserver et d'affermir sa position de leader mondial dans le domaine des télécommunications. C'est une exigence nationale.

Nous devons par ailleurs affronter les difficultés engendrées au plan territorial, dans certains secteurs, comme le vôtre en Côtes-d'Armor.

Concernant le site de RFS, Radio Frequency Systems, de Lannion, je tiens à ajouter trois remarques en réponse à vos questions, dont je ne conteste en aucun cas la légitimité, bien au contraire.

Tout d'abord, le site de Lannion ne fermera pas, je m'y engage. J'ai d'ailleurs rencontré le président d'Alcatel il y a quelques jours afin de faire l'état des lieux général des différentes implantations en France.

Si malheureusement 53 emplois devraient être supprimés dans la production et les fonctions support, en revanche – et c'est bien normal puisque, comme vous l'avez indiqué, l'État a apporté une contribution en matière de crédit d'impôt recherche qu'il convient de rappeler en toutes circonstances –, les activités de R&D, recherche et développement, seront conservées sur le site, qui compte aujourd'hui près de 80 personnes.

Cette activité ne fermera pas. D'ailleurs, je tiens à le signaler, c'est très probablement parce que l'entreprise a reçu des financements au titre du crédit d'impôt recherche qu'elle a décidé de conserver les activités de R&D.

Cela me permet d'ajouter une parenthèse : dans notre droit, recevoir un financement au titre du crédit d'impôt recherche n'oblige en rien une entreprise à ne pas fermer. Nous avons rencontré des difficultés – elles ont d'ailleurs émaillé l'actualité de l'été – avec les entreprises détenues par des capitaux étrangers qui ne tenaient aucun compte de l'aide apportée par l'État français en ce qui concerne le crédit d'impôt recherche.

Le groupe Alcatel-Lucent a le mérite d'en tenir totalement compte.

Ensuite, si l'impact est lourd sur ce site, des emplois devraient en revanche être créés sur un autre site français de RFS, à Trignac en Loire-Atlantique. Dans notre dialogue sur la restructuration pour maintenir Alcatel à un haut niveau en tant que grande entreprise de télécommunications, nous veillons à assurer une restructuration à l'échelon national et non en termes de délocalisation à l'extérieur de nos frontières.

Enfin, je serai particulièrement attentif à ce qu'Alcatel-Lucent travaille à des mesures de reclassement et à des dispositifs d'accompagnement, sur le site de RFS de Lannion ou, plus largement, sur l'ensemble des sites concernés par le plan de restructuration de juillet 2009.

Monsieur Botrel, j'ai eu une réunion il y a quelques jours avec des parlementaires autour du président du conseil général des Côtes-d'Armor. J'ai reçu par ailleurs une délégation des syndicats de l'entreprise Chaffoteaux et Maury qui est aussi confrontée à des difficultés dans les Côtes-d'Armor et je recevrai prochainement sa direction.

Je ne veux pas que les Côtes-d'Armor, par cette succession d'annonces de RFS, d'un côté, et de Chaffoteaux et Maury, de l'autre, puissent connaître des difficultés majeures. C'est pourquoi je veille à préserver tout emploi qui peut l'être. Quand tel n'est pas le cas, nous nous efforçons de mettre en place des plans de sauvegarde de l'emploi auxquels les entreprises apportent la contribution la plus large possible en faveur des salariés et en matière de revitalisation.

J'envisage, notamment pour les Côtes-d'Armor et pour ce bassin d'emploi, la mise en place d'un fonds de revitalisation dans un pot commun afin de proposer l'implantation d'autres activités. Ainsi, dans le cadre de plans de formation et de reclassement, lorsqu'un salarié est touché, nous devons lui garantir dans le plus bref délai de pouvoir passer du métier qu'il a pratiqué jusqu'à ce jour à un nouveau métier.

Partout où nous avons procédé ainsi ces dernières semaines et ces derniers mois, sur des délais de huit à dix mois, nous avons toujours apporté des solutions aux salariés. Nous ne devons laisser personne sur le bord du chemin.

Je vous recevrai volontiers, monsieur Botrel, pour évoquer la situation particulière de RFS de Lannion et je resterai très attentif à tout ce que vous m'avez signalé. Enfin, je vous le confirme, les activités de la R&D seront préservées.

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel.

M. Yannick Botrel. Monsieur le ministre, votre réponse est paradoxale.

D'une part, vous connaissez très bien la situation des Côtes-d'Armor, puisque vous avez cité le cas de Chaffoteaux qui est en grande difficulté et celui du site de RFS de Lannion. Vous prenez ainsi la mesure de la situation économique du bassin d'emploi du Tregor et de Saint-Brieuc.

De l'autre, vous confirmez la position du groupe Alcatel-Lucent, à savoir la suppression des 53 emplois sur le bassin de Lannion, et le maintien de la R&D, comme ce groupe l'a déjà annoncé.

Comme je l'ai indiqué dans ma présentation de la situation, les 53 emplois concernent des salariés qui travaillent depuis de nombreuses années dans l'entreprise. La situation locale n'est pas facile, pour les raisons que vous avez données, et il ne sera pas aisé de les reclasser.

Par ailleurs, je ne suis pas non plus persuadé que la restructuration prévue, même si elle a un caractère régional, soit réellement pertinente. Certes, il n'y a pas une grande distance entre Lannion et Trignac, mais les deux villes sont suffisamment éloignées l'une de l'autre pour que les salariés concernés soient dans l'impossibilité de quitter la première, où ils ont construit leur vie, fondé une famille et où leurs conjoints travaillent sur place.

Cela étant, monsieur le secrétaire d'État, je prends acte de votre engagement de suivre avec attention l'évolution de la situation du site de production de RFS de Lannion. Sur la base des propositions que vous venez de formuler, nous ne manquerons pas de vous solliciter de nouveau pour que cette affaire soit suivie au plus près, car vous comprendrez bien que la disparition de ces cinquante-trois emplois est pour nous inacceptable.

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