Question de M. GODEFROY Jean-Pierre (Manche - SOC) publiée le 14/10/2009

Question posée en séance publique le 13/10/2009

Concerne le thème : Les crises agricoles

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, à la suite de notre débat du 25 juin dernier sur la crise du lait, de votre audition du 22 septembre 2009 par le Sénat et du Conseil des ministres européens de l'agriculture du 5 octobre dernier, l'idée de régulation semble faire son chemin, ce qui n'était pas acquis.

Néanmoins, pourriez-vous nous indiquer quel type de régulation vous envisagez et dans quels délais vous espérez aboutir ? Quelle sera d'ailleurs la part de la régulation et celle de la contractualisation, sachant que les agriculteurs ne veulent pas de cette dernière ?

Pendant que ce processus se déroule, la France entend-elle demander le gel de l'augmentation de 1 % des quotas laitiers qui est prévue chaque année jusqu'en 2015 ? Pensez-vous pouvoir peser sur vos collègues européens dont les États n'utilisent pas la totalité de leurs quotas, ce que l'on appelle les « quotas noirs » ?

En attendant les décisions à venir d'ici au mois de juin prochain, environ un tiers des producteurs, soit 87 000 fermes laitières, se trouvent à la limite de la cessation de paiement. Ils ont subi une perte sèche de l'ordre de 18 000 euros nets depuis le début de l'année. Certains d'entre eux ont même un taux d'endettement supérieur à 40 % !

Monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour faire face à cette réalité, sachant que les premières décisions annoncées, notamment le recours aux banques pour obtenir des fonds de roulement, ne semblent pas donner satisfaction ?

Seriez-vous prêt, comme certains le suggèrent, à mettre en place une aide directe à la personne, garantie par l'État et remboursable ? Pensez-vous que les mesures actuelles soient suffisantes pour éviter la disparition de très nombreuses exploitations, qui aurait pour conséquence de faciliter ce que vous ne souhaitez pas, si j'en crois vos propres propos, à savoir l'émergence de fermes comptant de 2 000 à 5 000 têtes de bétail ?

Pour rebondir sur la question de mon collègue Fortassin, et en ce qui concerne la grande distribution, le prix du lait a augmenté de 17 % en 2008. Depuis le début de l'année, il n'a baissé que de 2 % dans les grandes surfaces, alors que le cours du lait acheté au producteur s'est complètement effondré.

M. Didier Guillaume. Eh oui !

M. Jean-Pierre Godefroy. Il y a sans doute des mesures à prendre, au lieu de simplement formuler des vœux !

Par ailleurs, vous devez prendre en compte le souhait exprimé en notre nom par notre collègue Didier Guillaume : il est indispensable qu'une mission d'information soit mise en place sur la transparence et la constitution des prix agricoles. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. François Fortassin applaudit également.)


Réponse du Ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche publiée le 14/10/2009

Réponse apportée en séance publique le 13/10/2009

M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Godefroy, je profiterai de votre question pour préciser ce que nous entendons par « l'indispensable régulation européenne du marché du lait ».

Cette régulation, je le répète avec beaucoup de force, doit préluder à celle de l'ensemble des marchés agricoles de l'Union européenne, mais aussi, je l'espère, à celle des marchés agricoles à l'échelle mondiale, qui reste un projet stratégique indispensable et que nous devons mettre en œuvre au bénéfice de tous les producteurs agricoles de la planète. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de le dire à mon homologue américain, voilà quelques jours, à Washington.

La régulation européenne présente trois aspects.

Premièrement, elle comporte un échelon national, avec des contrats justes et équilibrés, définis par la loi entre les producteurs et les industriels, et portant sur des volumes et des prix. C'est là le seul moyen de garantir des revenus stables et décents aux producteurs de lait, en France comme dans les autres pays européens.

Deuxièmement, elle se caractérise par la possibilité d'améliorer les instruments d'intervention européens existants. Ils ne sont plus adaptés aux situations de crise, aux aléas climatiques trop nombreux ou aux variations de prix trop importantes. Toutefois, je ne développerai qu'un seul exemple, celui du stockage privé, qui n'était possible en Europe que pendant quelques mois sur les douze que compte l'année. La France a demandé et obtenu qu'il soit autorisé en permanence, afin que nous puissions réagir aux variations des cours de manière immédiate, et non pas décalée sur une période trop brève.

Troisièmement, et sur ce point nous continuons à nous battre, parce qu'il n'est pas facile de progresser au même rythme avec l'ensemble de nos partenaires, la régulation consiste à établir une transparence…

M. le président. Plus que cinq secondes !

M. Bruno Le Maire, ministre. … et un système d'informations sur les volumes à l'échelle européenne, de façon à éviter les surproductions communautaires que nous avons connues il y a plusieurs années. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour la réplique.

M. François Patriat. Monsieur le ministre, votre analyse de la situation est réelle, et votre détermination le semble tout autant. Il reste qu'elles nous laissent beaucoup d'inquiétudes.

En effet, la situation que nous connaissons aujourd'hui est le fruit de décisions antérieures et de lois iniques qui, par exemple, ont mis à mal l'interprofession du lait, ou encore, comme ce fut le cas avec la LME, c'est-à-dire la loi dite « de modernisation de l'économie », ont provoqué les déséquilibres que l'on sait entre la distribution et la production !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr !

M. Didier Guillaume. Eh oui !

M. Daniel Raoul. Exactement !

M. François Patriat. La compassion dont font preuve nos collègues de la majorité aujourd'hui n'a d'égale que les propos de François Guillaume, qui écrivait naguère : « Il faut laisser aux paysans le droit de produire. Nous sommes contre les quantums. Nous sommes contre les quotas. » Cette politique a été suivie pendant des années, et nous en payons aujourd'hui les conséquences ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre, ne reprochez pas à M. Glavany d'avoir fait preuve de fermeté. Ce n'était pas une erreur. S'il a échoué, c'est parce qu'il n'était pas soutenu par nos partenaires européens, et vous avez d'ailleurs rappelé ce précédent avec beaucoup de mesure.

Les mesures que vous prenez aujourd'hui sont sans doute nécessaires, mais je crains qu'elles ne soient insuffisantes, car je connais la modestie des moyens mobilisés.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. François Patriat. Surtout, même si elles ont un effet immédiat, elles ne seront un succès à terme que si elles sont accompagnées de mesures de régulation, adoptées lors des négociations de l'OMC.

À cet égard, je pense au secteur de la viande, que personne n'a évoqué jusqu'à présent : monsieur le ministre, de grâce, ne signez pas à l'OMC un accord qui, s'il était approuvé,…

M. le président. C'est terminé !

M. François Patriat. … mettrait à mal, demain, toute la filière de la viande. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

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