Question de Mme BOUMEDIENE-THIERY Alima (Paris - SOC-R) publiée le 28/10/2009
Question posée en séance publique le 27/10/2009
Concerne le thème : L'immigration
M. le président. M. Pierre Bernard-Reymond ni aucun de ses collègues du groupe UMP ne souhaitant pas prendre la parole pour la réplique,
M. Daniel Raoul. Encore heureux : entre les deux intervenants, il y a eu une minute de dépassement !
M. le président.
nous avons donc la possibilité, mes chers collègues, d'entendre une huitième et dernière question.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre, mes collègues viennent de rappeler avec justesse le caractère profondément cynique et révoltant de la décision que vous avez prise de renvoyer trois Afghans vers un pays en guerre, les exposant ainsi à des risques certains pour leur vie. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Christian Cointat. Et les Anglais, que font-ils ? Et ils ont un gouvernement socialiste !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Je vais y venir, mon cher collègue, soyez patient !
Ce renvoi s'est fait au mépris des engagements internationaux de notre pays : convention européenne des droits de l'homme, charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Cette décision mérite que l'on se penche davantage sur la situation du droit d'asile en Europe, plus particulièrement au regard des instruments qui pourraient apporter une réponse digne, humaine et cohérente à cette situation catastrophique.
Or, comme hier la fermeture de Sangatte, l'évacuation de « la jungle » n'a rien réglé : à la recherche d'une protection, les migrants reviennent, et c'est normal. Je me demande d'ailleurs si, en fin de compte, ce n'était pas pour vous un simple coup médiatique, ou bien de la surenchère !
En ma qualité de corapporteur pour la commission des affaires européennes du paquet européen « Asile », je me suis rendue à Calais, où, avec mes collègues, j'ai entendu de nombreux intervenants. Nous avons formulé des propositions. Vous ne nous avez pas entendus.
Permettez-moi de vous rappeler qu'en 2001, lors de la crise des Balkans, l'Europe avait trouvé une solution : grâce à une directive permettant la protection temporaire, nous avions pu accueillir plus de 100 000 réfugiés de cette région. Cette directive obligeait les États à ne pas renvoyer les réfugiés qui fuyaient la guerre, tout comme la France devrait, aujourd'hui, s'engager à ne pas expulser des Afghans vers Kaboul, vers un pays en guerre.
Cette protection temporaire ne saurait être efficace si elle ne procédait pas d'une action commune des États européens agissant au titre de la solidarité européenne. On sait que la solution est européenne avant d'être française ! Ce que nous avons été capables de faire ensemble hier pour ceux qui fuyaient la guerre dans les Balkans, nous devons être capables de le faire aujourd'hui pour les Afghans.
Dès lors, allez-vous décider de régler de manière cohérente, concertée, globale et dans la dignité le sort des Afghans ou allez-vous continuer dans la voie du cynisme, du mensonge, en procédant à des expulsions contraires au droit européen et sans tenir le moindre compte des décisions de la Cour européenne des droits de l'homme ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. M. Jacques Mézard applaudit également.)
Réponse du Ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire publiée le 28/10/2009
Réponse apportée en séance publique le 27/10/2009
M. Éric Besson, ministre. Madame la sénatrice, pourquoi vous obstinez-vous à ne pas vouloir entendre que la Cour européenne des droits de l'homme, dont je n'ai pas eu le sentiment qu'elle était peu exigeante en matière de respect des droits de l'homme, a validé nos procédures ?
M. David Assouline. On n'arrête pas de les condamner !
M. Éric Besson, ministre. Pourquoi ne voulez-vous pas entendre que nous appliquons à la lettre les recommandations et les règles du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés ? Nous allons même plus loin que ces recommandations.
Tout à l'heure, je l'ai noté, vous n'avez finalement pas contesté le fait que la France ne reconduisait jamais à la frontière les mineurs étrangers isolés et, en cela, vous avez bien fait. (Mme Nicole Bricq s'exclame.) Mais savez-vous que nous allons plus loin que les recommandations du HCR ? Le HCR dit que l'on peut reconduire un mineur étranger isolé dans son pays d'origine à condition qu'il y bénéficie sur place d'un abri acceptable. La France va bien au-delà.
Par ailleurs, je le répète, les moyens que nous consacrons à l'asile sont extrêmement importants. Nous avons évoqué, voilà un instant, le budget du ministère de l'immigration, budget qui s'élève à environ 600 millions d'euros : la moitié est consacrée à l'asile. Nous allons ouvrir des budgets supplémentaires extrêmement importants pour les centres d'accueil des demandeurs d'asile, les CADA.
M. David Assouline. Il y a deux fois plus d'argent pour les reconduites à la frontière !
M. Éric Besson, ministre. La demande d'asile a augmenté de 20 % depuis le début de l'année 2009, comme en 2008, et l'octroi de l'asile, a, lui aussi, sachez-le, augmenté de 20 %.
Ce qui nous sépare peut-être, c'est que nous croyons, nous, à la nécessité de réguler les flux migratoires. La régulation des flux migratoires et l'intégration sont les deux faces d'une même médaille. Si nous voulons bien intégrer en France les étrangers en situation régulière, nous devons lutter contre l'immigration irrégulière. L'asile est une trop noble cause pour être détourné et nous assistons actuellement en Europe à des procédures qui visent à détourner le bel héritage qu'est l'asile. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour la réplique.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre, je ne reviendrai pas sur la Cour européenne, qui condamne assez régulièrement la France, ni sur le HCR et France Terre d'asile, qui ont lancé une demande pour une solution différente de la vôtre.
Lors du prochain Conseil européen des 29 et 30 octobre, la France, qui a pesé lourdement dans la mise en place du Pacte européen sur l'immigration et l'asile, pourrait alors peser de tout son poids pour la mise en uvre d'un instrument de protection européen spécifique. À situation spécifique, solution spécifique.
La directive de 2001 doit être réactivée d'urgence. Elle a permis d'accueillir les réfugiés des Balkans, elle doit permettre aujourd'hui d'accueillir les Afghans.
Si vous en avez la volonté, vous en avez les moyens. Chaque État membre pris individuellement ou l'ensemble des Etats membres pris collectivement ont le pouvoir et les outils permettant de reconnaître des protections temporaires ou humanitaires : c'est le texte de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Monsieur le ministre, relisez cette charte et, à long terme, construisons une politique européenne d'asile harmonisée, protectrice, respectueuse des droits humains, qui permette enfin d'instaurer un régime d'asile européen commun, solidaire et qui soit défini, pourquoi pas, de manière « concertée », puisque vous aimez ce terme ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
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