Question de M. DOLIGÉ Éric (Loiret - UMP) publiée le 09/10/2009
Question posée en séance publique le 08/10/2009
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Éric Doligé. Ma question s'adresse à Mme le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Je souhaite tout d'abord, madame le ministre, vous faire part de ma profonde indignation.
Voilà dix jours qu'a éclaté l'affaire Polanski, cette personnalité poursuivie depuis trente ans pour un viol reconnu sur une enfant de treize ans. Son arrestation a été qualifiée d'« épouvantable » par certains.
Mme Catherine Tasca. C'est l'extrême-droite !
M. Éric Doligé. Je voudrais dire à l'auteur de cette appréciation que, ce qui est épouvantable, c'est le viol de la petite fille, et non l'arrestation du violeur ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Voilà une semaine, nous avons découvert, à la une de tous les médias, l'abominable meurtre de Marie-Christine Hodeau, jeune femme de quarante-deux ans, qui a été inhumée hier.
Madame le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, en cet instant, de vous lire quelques courts extraits de l'interview du père de la petite fille violée en 2000 par le meurtrier récidiviste : « En 2000, ma fille qui avait treize ans a subi un enlèvement, une agression sauvage. Il l'a attrapée, l'a chargée nue dans sa voiture, avec du scotch aux poignets et aux chevilles, comme du bétail, il l'a emmenée dans un bois, il l'a violée, a remis ça [
] il voulait la tuer, il n'y a pas de doute, il lui a dit, il avait un couteau à la main. Il l'a frappée si fort [et] nous n'avons eu aucune aide à ce moment-là. [
] Au procès, il n'a pas été poursuivi pour tentative d'homicide alors que ma fille n'a pas arrêté de le dire. [
] On avait pensé pouvoir tourner la page après le procès [
] et voilà qu'au bout de cinq ou six ans, on lâche ce gars, et ce qui est le plus aberrant, c'est que rien n'empêche cette personne de venir s'installer à deux pâtés de maisons de chez nous. »
Chacun mesure ici le drame vécu par cette petite fille et ses parents.
M. Roland du Luart. Il est révélateur de la faillite de notre société.
M. Éric Doligé. Jamais la presse, cela mérite d'être noté, ne mentionne le nom du coupable. Et que dire de certaines déclarations, très médiatisées, issues du microcosme parisien ? Elles donnent la mesure de l'intérêt que l'on porte aux assassins et récidivistes, qui, rappelons-le, à chaque fois qu'ils agissent, sont dans la légalité. Je vous les livre pêle-mêle : « Pour procéder à la castration chimique, il faut le consentement écrit et renouvelé du justiciable. » les victimes apprécieront
; « Les juges d'application des peines font un métier difficile » ; « Il avait purgé sa peine. » ; « Il est normal que le coupable ait une deuxième chance. » ; « C'est contraire à la déontologie médicale et à la convention des droits de l'homme. »
Pour résumer, le coupable a pour lui la justice, la médecine, les droits de l'Homme. Et la victime, qui s'en soucie ?
L'agresseur retourne vivre près du domicile de sa victime : est-ce normal ? Le coupable a été plus écouté que la victime : est-ce dans l'ordre des choses ?
À ce jour, 8 500 condamnés pour crime ou délit sexuel sont en prison. En l'état de notre droit, les statistiques conduisent à estimer que 20 % des condamnés récidiveront,
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue !
M. Éric Doligé.
soit 1 700 crimes et viols potentiels.
Mme Raymonde Le Texier. Oh !
M. Éric Doligé. Madame le ministre, notre arsenal juridique est-il suffisant ? Dans l'affirmative, y a-t-il des dysfonctionnements ? Dans la négative, que proposez-vous ?
Le Président de la République a toujours mis en avant la protection de la victime. Dans l'affaire de Marie-Christine Hodeau et dans celle de la jeune fille violée, les victimes ont-elles été la préoccupation première de notre société ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'Union centriste.)
M. René-Pierre Signé. C'est une charge contre le Président de la République !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et contre la ministre de la justice !
Réponse du Ministère de la justice publiée le 09/10/2009
Réponse apportée en séance publique le 08/10/2009
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur Doligé, la mort de Marie-Christine Hodeau est un drame qui souligne que nous avons encore des progrès à faire
M. René-Pierre Signé. Beaucoup !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.
pour protéger la société contre les agissements de certains individus.
Il s'agit, notamment, d'améliorer le suivi médical et psychiatrique nombre de cas relèvent en effet de la psychiatrie pendant et après l'incarcération, mais aussi une fois la peine purgée, comme c'était le cas en l'espèce.
Au cours de ces dernières années, mesdames, messieurs les sénateurs, des progrès ont été réalisés sur le plan législatif, auxquels vous avez grandement contribué. Je pense en particulier à la loi relative à la rétention de sûreté, votée en 2008, qui concerne les criminels présentant les risques de récidive les plus importants. Elle a conduit à la création des centres socio-médico-judiciaires de sûreté, destinés à accueillir ces personnes tant qu'elles représentent un danger grave pour la société, même après avoir purgé leur peine : le premier de ces centres a ouvert à Fresnes.
Il est aussi des condamnés qui, sans être récidivistes ni avoir encouru les peines les plus lourdes, présentent des risques de récidive. Pour prendre en compte ces dangers, qui n'ont pas le même degré de gravité que les précédents, un projet de loi avait été élaboré.
M. Didier Boulaud. Un de plus !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Mais l'encombrement parlementaire n'a pas permis son examen. Il vous sera soumis dans les semaines à venir, sous une nouvelle mouture.
M. Didier Boulaud. Vous êtes les champions des projets de loi !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. À l'origine, ce texte permettait de garantir le suivi de ces personnes.
M. René-Pierre Signé. Les résultats ne sont pas au rendez-vous !
M. Didier Boulaud. À chaque fois qu'il y a une caméra, il y a une loi !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Je l'ai complété par des dispositions relatives au traitement hormonal destiné à prévenir la récidive en matière de criminalité sexuelle.
Je rappelle que la « castration chimique », comme cela est communément appelé, est déjà autorisée par la loi, mais dans des conditions très particulières, notamment pendant la détention ou la période probatoire. La personne doit être volontaire, mais, si elle ne s'y soumet pas, elle n'aura pas droit aux remises de peine et pourra même voir reporter son éventuelle libération conditionnelle.
L'idée est de permettre l'extension de ce dispositif, sur la base, bien entendu, d'une décision de justice, afin d'assurer un suivi, même une fois la peine purgée, si cela apparaît nécessaire, en y attachant une sanction le retour en prison dans le cas où le traitement ne serait pas suivi.
En l'espèce, il est regrettable que la cour d'assises n'ait pas assorti sa décision d'une mention préconisant le suivi après la fin de la peine. Cela aurait permis d'empêcher l'assassin de Marie-Christine Hodeau de retourner vivre près de sa précédente victime.
J'ai d'ores et déjà donné des instructions aux procureurs de la République pour que l'interdiction d'une réinstallation à proximité de la victime précédente soit systématiquement requise dans ce type de situation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'Union centriste.)
M. René-Pierre Signé. La castration chimique peut être interrompue quand le condamné le souhaitera : il n'aura qu'à arrêter le traitement !
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