Question de M. VESTRI René (Alpes-Maritimes - UMP) publiée le 15/10/2009
M. René Vestri attire l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur le rejet par la France de la proposition de la Commission européenne d'inscrire le thon rouge à l'Annexe 1 de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) et lui rappelle l'engagement du Président de la République, lors de son discours de clôture au Havre, de soutenir le classement de l'espèce à la CITES.
Il lui demande si la décision de la France de ne pas soutenir la proposition de l'Union européenne d'interdire la pêche au thon rouge est un abandon par le ministère du plan d'action en quinze points en référence aux travaux du Grenelle de la Mer, notamment des actions prévues pour la sauvegarde de la ressource halieutique et plus particulièrement du thon rouge en Méditerranée et quelle sera sa position lors de la prochaine réunion de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique en novembre prochain ?
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Réponse du Ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche publiée le 04/11/2009
Réponse apportée en séance publique le 03/11/2009
M. le président. La parole est à M. René Vestri, auteur de la question n° 657, adressée à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
M. René Vestri. Monsieur le ministre, au moment où la Commission européenne s'oriente vers un soutien à l'inscription du thon rouge à l'annexe 1 de la CITES, la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, ou Convention de Washington, visant à interdire le commerce international du thon rouge, les gouvernements de l'Union européenne, notamment la France, ont pourtant rejeté cette proposition dont les dispositions sont renforcées par les prescriptions du règlement communautaire du Conseil du 9 décembre 1996 et des règlements de la Commission européenne associés et dans lesquels est spécifiée une des dispositions relatives au contrôle des activités commerciales de l'article 8.
Évidemment, le rejet de cette proposition a suscité un certain nombre d'interrogations et de vives réactions tant en France que dans la plupart des pays européens, ce d'autant plus que lors de son discours au Havre le 16 juillet 2009, en conclusion du Grenelle de la mer, le Président Nicolas Sarkozy s'était prononcé pour le soutien de la France à l'inscription du thon rouge à l'annexe 1 de la CITES, c'est-à-dire pour l'interdiction dans le commerce international de cette espèce en péril.
À mon grand regret, je constate que nous avons encore une fois cédé au puissant lobby de l'industrie de la pêche. Or, d'après le rapport de la FAO de 2008, 52 % de stocks halieutiques sont déjà exploités pleinement, 19 % sont surexploités, 8 % sont épuisés et seulement 1 % est en voie de reconstitution.
Aussi, faute de poissons, toutes les pêcheries fermeront d'ici à quarante ans et laisseront sur la touche plusieurs millions de professionnels.
D'ailleurs, les scientifiques de la CICTA, la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique, ont estimé, à l'issue de la réunion de Madrid le 23 octobre dernier, que l'actuelle capacité de reproduction du thon rouge se situe à moins de 15 % de ce qu'elle était avant le début de la pêche, ce qui correspond aux critères de la convention des Nations unies sur le commerce des espèces menacées d'extinction.
Ces experts ont considéré que l'interdiction de commercialisation du thon rouge jusqu'en 2019 était le seul moyen d'assurer le renouvellement d'un stock suffisant pour que l'espèce ne soit plus considérée comme en voie d'extinction.
Monsieur le ministre, la décision de la France de ne pas soutenir la proposition de la Commission européenne d'interdire la pêche au thon rouge est-elle un abandon, par le ministère, du plan d'action en quinze points en référence aux travaux du Grenelle de la mer, notamment des actions prévues pour la sauvegarde de la ressource halieutique et plus particulièrement du thon rouge en Méditerranée ?
Quelle sera la position du Gouvernement lors de la prochaine réunion de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique prévue dans quelques jours ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, sur ce sujet important et sensible, il ne doit y avoir aucune ambiguïté.
Je suis, comme ministre de la pêche, particulièrement attentif à la question de la gestion durable des ressources halieutiques, car il y va de l'intérêt des pêcheurs. Je veille également, bien entendu, à ce que les positions que nous prenions ne soulèvent pas de difficultés économiques majeures pour les pêcheries françaises.
À cet égard, je souhaite apporter trois précisions.
Premièrement, la France ne s'est jamais opposée à la proposition de la Commission européenne d'inscrire le thon rouge à l'annexe I de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, la CITES, c'est-à-dire à celle qui répertorie les espèces pour lesquelles toute pêche est interdite. La raison en est simple : la Commission a retiré sa proposition en constatant qu'elle ne recueillerait pas une majorité d'États membres pour la soutenir. Lors du conseil des ministres européens de l'agriculture et de la pêche qui s'est tenu les 19 et 20 octobre derniers à Luxembourg, nous n'avons donc pas eu à prendre formellement position.
Deuxièmement, la France a toujours soutenu l'inscription du thon rouge à l'annexe II de la CITES, en vue de soumettre son commerce international au respect des avis scientifiques.
Telle est d'ailleurs la position que défend le Président de la République depuis plusieurs mois. Dans son important discours du Havre sur l'avenir des ressources halieutiques et de la mer, s'il a effectivement évoqué l'inscription du thon rouge à l'annexe de la CITES, il n'a pas mentionné l'annexe I. La précision est venue ensuite, après une réunion interministérielle : la demande d'inscription porte en effet sur l'annexe II.
Monsieur Vestri, cette proposition, respectueuse de l'avis des scientifiques, nous semble donc équilibrée et va dans le sens que vous-même souhaitez.
Troisièmement, un certain nombre de personnes ont récemment affirmé que les derniers avis scientifiques rendus sur le thon rouge justifiaient son inscription à l'annexe I. Or, les membres de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique, la CICTA, ont indiqué que cette affirmation ne reflétait ni leur propre avis ni celui des scientifiques travaillant en son sein. Fidèles à notre ligne de conduite, nous entendons privilégier l'avis de ces derniers.
Le sujet sera abordé dans le cadre de la réunion annuelle de la CICTA, qui se tiendra à partir de vendredi à Recife, au Brésil. La Commission européenne y défendra une proposition qui a fait l'objet d'un consensus parmi l'ensemble des États membres lors du conseil de Luxembourg. Convenant parfaitement à la France, elle porte sur trois points.
Il s'agit, tout d'abord, d'acter la révision pour 2010 du niveau du total admissible de capture le fameux TAC , afin de respecter les avis formulés par les scientifiques. Nous le savons déjà, cela conduira sans doute à ramener le TAC à un niveau inférieur à 15 000 tonnes, contre 18 500 tonnes aujourd'hui.
Il s'agit, ensuite, d'étudier des mesures de fermeture de pêche pendant les périodes et dans les zones de reproduction du thon rouge.
Il s'agit, enfin, d'engager la réduction de la capacité de la flotte de pêche du thon rouge. La France souhaite fermement que tous les États parties respectent strictement cet engagement, car il est de notoriété publique que tous n'ont pas conduit les mêmes efforts que nous dans ce domaine. Entre la France et d'autres pays que je ne citerai pas, les écarts en ce qui concerne les volumes de pêche vont de 1 à 10, voire de 1 à 20. Nous ne voulons donc plus être les seuls à agir.
Monsieur le sénateur, cette proposition, qui, je le répète, fait consensus dans l'Union européenne et sera défendue par la Commission à la conférence de Recife, permet, me semble-t-il, de répondre à vos inquiétudes et à vos interrogations légitimes sur le sujet et d'assurer la préservation de la ressource halieutique tout en respectant les avis des scientifiques formulés dans le cadre de la CICTA.
M. le président. La parole est à M. René Vestri.
M. René Vestri. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces précisions. Nous voilà entrés dans l'espérance !
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