Question de M. BODIN Yannick (Seine-et-Marne - SOC) publiée le 22/10/2009
M. Yannick Bodin attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur le "Programme Bachelier" mis en place par Acadomia.
Le 16 septembre dernier, la société Acadomia, numéro un français du soutien scolaire privé, a lancé son opération « Devenez bachelier ou soyez remboursé ». Contre le paiement d'une somme allant de 2 000 à 3 000 € par an, les familles disposent de cours dans une ou deux matières pour leur enfant, élève en classe de terminale, avec la garantie qu'il obtienne le baccalauréat. Dans le cas contraire, Acadomia s'engage à rembourser les parents.
Pour justifier cette offre commerciale, le président directeur général d'Acadomia a indiqué se défendre contre la concurrence de l'éducation nationale. En effet, il a déclaré « Il fallait bien qu'on réagisse à la dérive de l'éducation nationale qui va maintenant vers le service en développant des formes de soutien scolaire gratuit. L'État a une obligation de moyens ; nous, notre valeur ajoutée, c'est la garantie des résultats. »
Évidemment, une fois de plus, les familles les plus défavorisées sont exclues de cette offre puisque seules les familles aisées pourront se permettre d'investir une telle somme pour l'éducation de leurs enfants qui, pour la plupart, n'en n'ont d'ailleurs pas besoin pour faire partie des 85 % de lycéens qui obtiennent le baccalauréat. La réduction d'impôt accordée aux foyers fiscaux ayant recours à ce type de service augmente encore ce déséquilibre social.
Ayant noté sa réaction à l'annonce du lancement de ce programme et sa déclaration contre une marchandisation du bac, il lui demande donc maintenant quelles mesures le Gouvernement compte prendre pour empêcher ce type de commerce et pour empêcher l'intervention des officines mercantiles qui traitent le savoir comme une marchandise.
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Réponse du Secrétaire d'État aux aînés publiée le 18/11/2009
Réponse apportée en séance publique le 17/11/2009
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, auteur de la question n° 665, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Yannick Bodin. Ma question concerne les entreprises de soutien scolaire privé et tout spécialement l'entreprise Acadomia.
Le 16 septembre dernier, une des plus importantes sociétés dispensant, sous forme de prestations payantes, du soutien scolaire privé en France, Acadomia, a lancé son opération : « Devenez bachelier ou soyez remboursé ».
Ce programme, inédit dans notre pays, consiste pour les familles, contre le paiement d'une somme allant de 2 000 à 3 000 euros par an, à disposer de cours dans une ou deux matières pour leur enfant, élève en classe de terminale, avec la garantie qu'il obtienne le baccalauréat en juin prochain. Dans le cas contraire, la société s'engage à rembourser les parents.
Pour justifier cette offre commerciale, le P-DG de cette entreprise a indiqué se défendre contre la concurrence de l'éducation nationale. En effet, il a déclaré : « Il fallait bien qu'on réagisse à la dérive de l'éducation nationale qui va maintenant vers le service en développant des formes de soutien scolaire gratuit. L'État a une obligation de moyens ; nous, notre valeur ajoutée, c'est la garantie des résultats. »
Vous apprécierez, monsieur le président, vous qui avez enseigné quelques années !
Ce que l'entreprise ne dit pas, c'est qu'elle bénéficie d'importantes aides de l'État, environ 320 millions d'euros, à travers le crédit d'impôt, les abattements de charges sociales, une TVA à taux réduit. En effet, les entreprises de soutien scolaire privé ont été incluses dans les services à la personne dans le plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo. Et on comprend mieux pourquoi quand on sait que ce plan devait développer 500 000 emplois en trois ans et qu'à ce jour il n'en a créé que la moitié. Ce n'est pourtant pas très logique puisque ces entreprises n'emploient, par nature, que des étudiants ou des enseignants déjà en poste, d'ailleurs souvent sélectionnés et recrutés sans grande rigueur.
Évidemment, une fois de plus, les familles défavorisées sont exclues de cette offre puisque seules les familles aisées pourront se permettre d'investir une telle somme pour l'éducation de leurs enfants, des enfants qui, pour la plupart, n'en ont d'ailleurs pas besoin pour faire partie des 85 % de lycéens qui obtiennent le baccalauréat. La réduction d'impôt accordée aux foyers fiscaux ayant recours à ce type de service augmente encore ce déséquilibre social.
J'ai noté avec intérêt la réaction de M. le ministre de l'éducation nationale à l'annonce du lancement de ce programme et sa déclaration : « Je suis choqué que l'on puisse marchandiser le baccalauréat ; le baccalauréat n'est pas à vendre. »
Je suis de son avis, voilà pourquoi je lui pose la question suivante : quelles mesures comptez-vous prendre pour empêcher ce type de commerce, c'est-à-dire les officines mercantiles qui traitent le savoir comme une marchandise ? Comment comptez-vous passer des déclarations aux actes ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés. Monsieur le sénateur, comme pour tous les Républicains, l'école ne saurait être une marchandise. Le savoir n'est pas à vendre, il se transmet et se conquiert par le travail et la persévérance.
Luc Chatel condamne d'autant plus cette approche de la réussite qu'elle prétend la réserver à ceux-là seuls qui ont les moyens de l'acheter.
Cette approche est choquante, car elle conduit parfois des familles modestes à des sacrifices importants et repose sur une opposition fondamentale à l'égalité des chances, qui est le principe premier et la fin dernière de l'école de la République.
L'école doit être son propre recours. Elle doit l'être pour que chaque élève, où qu'il soit, d'où qu'il vienne, puisse y trouver l'aide et le soutien dont il a besoin pour réussir.
C'est le sens de l'ensemble des réformes mises en oeuvre depuis l'élection du Président de la République.
À l'école élémentaire, le ministère de l'éducation nationale propose dans toutes les classes et pour tous les élèves qui rencontrent des difficultés, deux heures d'aide personnalisée par semaine. Il s'agit d'apporter des réponses immédiates aux difficultés avant qu'elles ne s'enracinent.
En outre, des stages de remise à niveau sont organisés pendant les vacances de printemps et pendant l'été pour les élèves de CM1 et de CM2. Cet été, près de 138 000 écoliers du public et du privé s'y sont inscrits, encadrés par environ 26 000 professeurs des écoles.
Le ministère de l'éducation nationale a aussi mis en place dans les écoles de l'éducation prioritaire et dans tous les collèges un accompagnement éducatif entre seize heures et dix-huit heures, pour aider les élèves dans leur travail personnel, proposer des activités artistiques et sportives ou bien encore faciliter la pratique orale des langues.
Aujourd'hui, l'accompagnement éducatif concerne plus d'un collégien sur trois, et souvent même un sur deux dans certaines zones rurales ou quartiers défavorisés. En tout, plus d'un million d'élèves en ont bénéficié l'an dernier.
N'oublions pas enfin les dispositifs de réussite scolaire mis en place pendant les vacances pour les élèves des 200 lycées qui concentrent le plus de difficultés. La réforme du lycée nous permet de poursuivre dans cette voie grâce à la création d'un accompagnement personnalisé pour tous.
J'ajoute, monsieur le sénateur, que tous ces services sont, bien entendu, gratuits pour les familles.
Voilà l'ambition du ministère de l'éducation nationale, voilà notre conception de l'égalité des chances et de la réussite : la réussite de chacun, pas celle de quelques-uns !
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. Madame la secrétaire d'État, assurez-moi qu'il n'y a pas d'erreur. C'est bien à ma question que vous répondez ? Je vous ai interrogé sur le programme bachelier proposé par Acadomia. Vous n'en avez pas dit un mot.
Je vous remercie de m'avoir résumé la politique du ministre de l'éducation nationale. J'étais au courant. M. Chatel est venu la semaine dernière la présenter devant la commission dans laquelle je siège. Si nous étions à l'école, je vous dirais, madame, que vous êtes hors sujet.
Si vous voulez bien être mon porte-parole, transmettez ma question au ministre et je la poserai une autre fois parce que, malheureusement, aujourd'hui, vous vous êtes déplacée pour rien !
M. le président. Monsieur Bodin, vous avez raison de poser cette question, adressée à M. Chatel. Il faudra la lui soumettre à nouveau. Mme la secrétaire d'État n'a fait que vous transmettre la réponse qui était préparée par le ministre. Ne vous en prenez donc pas à elle !
M. Yannick Bodin. Dans ce cas, je m'en vais ! (M. Yannick Bodin quitte l'hémicycle.)
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