Question de M. LOZACH Jean-Jacques (Creuse - SOC) publiée le 19/11/2009

M. Jean-Jacques Lozach attire l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur la situation de l'agriculture, et notamment sur les difficultés des éleveurs du Massif central.

Les agriculteurs subissent la crise la plus violente que le secteur, toutes productions confondues, ait connue depuis longtemps. La situation des campagnes est préoccupante, par exemple dans la Creuse. Le désespoir des éleveurs y est profond. Beaucoup ne peuvent plus vivre de leur métier. Ils font les frais des soubresauts des marchés et des relations déséquilibrées avec l'industrie agro-alimentaire et la grande distribution, grande bénéficiaire depuis 2007 des faveurs gouvernementales. Les charges des exploitants n'ont fait qu'augmenter. Les trésoreries sont à sec. L'avenir est sombre. Beaucoup de jeunes seront acculés à la cessation d'activité.

Le 27 octobre, le Président de la République a prononcé à Poligny un discours intitulé « un nouvel avenir pour notre agriculture ». Il a parlé d'un effort massif comparable à celui accompli en faveur de l'industrie automobile. Il est question d'hommes et de femmes touchés, pour la deuxième année consécutive, par une chute de près d'un quart de leurs revenus, chute qu'aucune autre catégorie de la population ne pourrait supporter comme eux. Les agriculteurs veulent une réponse structurelle à la situation. Or, le plan du Président de la République vise à mettre en œuvre immédiatement un milliard d'euros de prêts bonifiés et 650 millions pour des allègements fiscaux et sociaux et la prise en charge d'intérêts d'emprunts. « Au fond, quand on prête un milliard d'euros à la profession agricole, comme on l'a fait pour l'industrie automobile ou pour les PME, c'est que l'on a confiance en l'avenir de l'agriculture » a déclaré le Premier ministre. Conjoncturelles, ces mesures ne sont pas à même de restructurer durablement les trésoreries et de permettre aux entreprises agricoles d'investir dans l'avenir. La mobilisation générale auprès de nos partenaires européens pour une régulation européenne rénovée constitue un autre volet du plan présidentiel. Les prix doivent redevenir plus stables et plus rémunérateurs. Cependant, le Conseil européen des 29 et 30 octobre 2009, tant attendu sur le sujet, déçoit. Le document final se contente d'indiquer brièvement que « le Conseil européen salue les initiatives que la Commission a prises en vue de stabiliser le marché européen des produits laitiers, répondant ainsi à l'invitation qu'il lui avait adressé en juin 2009. Dans ce contexte, il prend note de la proposition de la Commission visant à atténuer les problèmes de liquidité les plus urgents que connaît ce secteur en débloquant 280 millions d'euros sur le budget de 2010. Le Conseil européen encourage le Conseil à continuer de rechercher activement des solutions aux problèmes auxquels est confronté le secteur laitier. Il note que la Commission a mis sur pied un groupe de haut niveau chargé de l'importante mission d'examiner les perspectives à moyen et à long terme. » !

Aussi, il l'interroge sur les deux volets, conjoncturels et structurels. Le Gouvernement a déclaré faire en sorte que les sommes annoncées parviennent le plus rapidement possible dans les exploitations. Il lui demande de faire le point sur la mise en œuvre dans la Creuse, pour ses éleveurs, des mesures de soutien aux trésoreries annoncées par le chef de l'État. Enfin, il lui demande d'indiquer les actions que la France mène avec ses partenaires en vue d'une refondation de la politique agricole commune vers plus de régulation des marchés et une rémunération décente des agriculteurs, afin qu'ils vivent du fruit de leur labeur, de prix rémunérateurs.

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Réponse du Ministère de l'outre-mer publiée le 27/01/2010

Réponse apportée en séance publique le 26/01/2010

M. Jean-Jacques Lozach. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur la situation de l'agriculture en général, et sur les difficultés des éleveurs du Massif central en particulier.

En effet, les agriculteurs subissent la crise la plus violente que leur secteur, toutes productions confondues, ait connue depuis de très nombreuses années. La situation des campagnes est préoccupante, par exemple dans la Creuse. Le désespoir des éleveurs est profond et beaucoup d'entre eux ne peuvent plus vivre de leur métier ; en particulier, on constate que le nombre d'agriculteurs demandant à bénéficier du RSA s'accroît de manière très significative.

Les agriculteurs subissent les soubresauts des marchés et pâtissent de relations déséquilibrées avec l'industrie agro-alimentaire et la grande distribution, laquelle est depuis 2007 la grande bénéficiaire des faveurs gouvernementales. Les charges des exploitants n'ont fait qu'augmenter et les trésoreries sont à sec. L'avenir est sombre ; de nombreux jeunes seront acculés à la cessation d'activité.

Le 27 octobre dernier, le Président de la République a prononcé à Poligny un discours intitulé « Un nouvel avenir pour notre agriculture ». Il a alors évoqué un effort massif, comparable à celui qui a été accompli en faveur de l'industrie automobile. Or il est question ici d'hommes et de femmes touchés, pour la deuxième année consécutive, par une chute de leurs revenus de près d'un quart, situation qu'aucune autre catégorie de la population ne connaît actuellement.

Les agriculteurs veulent une réponse structurelle à leurs difficultés. Or le plan du Président de la République vise à accorder 1 milliard d'euros de prêts bonifiés, à consacrer 650 millions d'euros à des allégements fiscaux et sociaux et à prendre en charge des intérêts d'emprunts.

« Au fond, quand on prête un milliard d'euros à la profession agricole, comme on l'a fait pour l'industrie automobile ou pour les PME, c'est que l'on a confiance en l'avenir de l'agriculture », a déclaré récemment le Premier ministre.

Toutefois, ces mesures, étant conjoncturelles, ne sont pas à même de restructurer durablement les trésoreries et de permettre aux exploitants agricoles d'investir dans l'avenir. La mobilisation générale auprès de nos partenaires européens en vue d'une régulation rénovée constitue un autre volet du plan présidentiel, les prix devant redevenir plus stables et plus rémunérateurs.

Cependant, le Conseil européen des 29 et 30 octobre 2009, tant attendu sur ce sujet, a déçu. Le document final se contente d'apporter les brèves indications suivantes :

« Le Conseil européen salue les initiatives que la Commission a prises en vue de stabiliser le marché européen des produits laitiers, répondant ainsi à l'invitation qu'il lui avait adressé en juin 2009. Dans ce contexte, il prend note de la proposition de la Commission visant à atténuer les problèmes de liquidité les plus urgents que connaît ce secteur en débloquant 280 millions d'euros sur le budget de 2010.

« Le Conseil européen encourage le Conseil à continuer de rechercher activement des solutions aux problèmes auxquels est confronté le secteur laitier. Il note que la Commission a mis sur pied un groupe de haut niveau chargé de l'importante mission d'examiner les perspectives à moyen et à long terme. »

Par conséquent, madame la ministre, mon interrogation portera tant sur le volet conjoncturel que sur le volet structurel. Le Gouvernement a déclaré faire en sorte que les sommes annoncée parviennent le plus rapidement possible dans les exploitations. Pourriez-vous faire le point sur la mise en œuvre, au bénéfice des éleveurs de la Creuse, des mesures de soutien à la trésorerie annoncées par le chef de l'État ?

Enfin, vous serait-il possible de préciser quelles actions la France mène avec ses partenaires en vue d'une refondation de la politique agricole commune permettant d'assurer une plus grande régulation des marchés et une rémunération décente des agriculteurs, afin que ces derniers puissent vivre du fruit de leur labeur, grâce à des prix rémunérateurs ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser M. Bruno Le Maire, actuellement retenu à l'Assemblée nationale.

Vous avez raison de souligner que l'agriculture traverse la crise la plus grave de ces trente dernières années, marquée par une dégradation sans précédent du revenu des agriculteurs. La réponse du Gouvernement à cette crise a été immédiate.

Tout d'abord, un plan d'urgence a été annoncé le 27 octobre dernier par le Président de la République. D'une ampleur exceptionnelle, il prévoit l'octroi de 1 milliard d'euros de prêts et une aide de l'État de 650 millions d'euros. Aujourd'hui, plus de 25 000 agriculteurs ont déjà bénéficié de 500 millions d'euros de prêts aidés. Dans le département dont vous êtes l'élu, monsieur le sénateur, ce sont d'ores et déjà 4,7 millions d'euros de prêts de trésorerie qui ont été accordés aux agriculteurs qui rencontrent le plus de difficultés. Dans quelques semaines, l'allégement des charges sociales interviendra avec les appels de cotisations : 50 millions d'euros seront aussi mobilisés.

Vous l'avez bien compris, l'ambition de ce plan est de ne laisser aucun agriculteur sur le bord du chemin : la palette de mesures est large et permettra de répondre à toutes les situations. C'est d'ailleurs dans cet esprit que le Premier ministre a nommé, aux côtés de Bruno Le Maire, Nicolas Forissier en tant que médiateur national pour le plan d'urgence en faveur de l'agriculture. À ce titre, il suit toutes les demandes des agriculteurs en difficulté.

Monsieur le sénateur, vous avez également raison d'affirmer que l'agriculture et les jeunes agriculteurs ont besoin de perspectives.

Aussi, pour répondre plus spécifiquement à la situation des jeunes agriculteurs, des efforts importants ont été consentis pour soulager la trésorerie des producteurs. Depuis le mois de juin 2009, 60 millions d'euros ont été affectés à des aides en trésorerie pour les jeunes agriculteurs et les récents investisseurs, qui ont en outre bénéficié, en septembre 2009, du déblocage par les banques de 250 millions d'euros pour des prêts de trésorerie à des taux préférentiels et dont le remboursement ne commencera qu'en 2011. Enfin, 70 % du montant des aides directes attribuées aux agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune ont pu être versées dès le 16 octobre, au lieu du 1er décembre.

Par ailleurs, le Gouvernement apporte une réponse structurelle et de plus long terme à travers le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche qui vient d'être déposé sur le bureau du Parlement. Il s'agit de garantir une plus grande stabilité du revenu des agriculteurs, qui a baissé de 20 % en 2008 et de 30 % en 2009. Plusieurs dispositions du projet de loi ont cet objet, notamment le renforcement de l'organisation économique des agriculteurs, avec la reconnaissance du rôle des interprofessions dans la gestion des filières, l'obligation de contractualisation entre l'agriculteur et son premier acheteur, l'amélioration de la couverture des aléas climatiques, sanitaires et environnementaux, complétant l'élargissement de la dotation pour aléas aux risques économiques que le Parlement a introduit dans la loi de finances, enfin l'extension du champ de compétence de l'Observatoire des prix et des marges à l'ensemble des produits agricoles.

Enfin, les perspectives de notre agriculture s'inscrivent nécessairement dans un cadre communautaire. La refondation de la politique agricole commune passe par la mise en œuvre d'une régulation européenne de l'agriculture, que Bruno Le Maire a déjà engagée avec l'Allemagne dans le secteur du lait, en rassemblant vingt et un États membres pour défendre auprès de la Commission européenne le principe d'une nouvelle régulation. De même, un groupe à haut niveau a été chargé de proposer des perspectives à moyen terme. Ce groupe, qui se réunit chaque mois, rendra ses conclusions au plus tard au mois de juin 2010.

Monsieur le sénateur, vous pouvez compter sur l'engagement du Gouvernement pour que la régulation européenne s'étende à l'ensemble des secteurs agricoles.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.

M. Jean-Jacques Lozach. Madame la ministre, je vous remercie de la précision de votre réponse. Cependant, étant donné la gravité de la situation et l'urgence d'y remédier, je ne suis pas convaincu qu'elle soit à la hauteur. En effet, nous sommes aujourd'hui confrontés à une véritable désespérance sociale dans les campagnes, la crise que traverse le monde agricole, et en particulier l'élevage, qu'il s'agisse des filières ovine, bovine ou porcine, étant absolument sans précédent.

En attendant la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche et la réforme de la politique agricole commune en 2013, il importerait d'apporter des réponses plus appropriées et plus fortes à la chute brutale des revenus agricoles.

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