Question de Mme ESCOFFIER Anne-Marie (Aveyron - RDSE) publiée le 12/11/2009
Mme Anne-Marie Escoffier attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur l'opportunité d'inscrire le droit au respect de la vie privée dans notre Constitution.
En effet, un récent rapport d'information du Sénat intitulé "La vie privée à l'heure des mémoires numériques" souligne que le droit à la vie privée valeur fondamentale de nos sociétés démocratiques n'en est pas moins confronté, depuis quelques années, à l'apparition de nouvelles "mémoires numériques", conséquence de nombreuses évolutions ayant pour effet principal ou incident de collecter des données permettant de suivre un individu dans l'espace et le temps, à savoir la recherche d'une sécurité collective toujours plus infaillible, l'accélération des progrès technologiques et la tendance à l'exposition de soi et d'autrui sur internet, au travers notamment des réseaux sociaux.
Il ne lui a certes pas échappé que le comité présidé par Mme Simone Veil a observé que le droit au respect de la vie privée comme celui de la protection des données à caractère personnel étaient d'ores et déjà consacrés tant par la jurisprudence du Conseil constitutionnel que par les engagements internationaux de la France, au premier rang desquels la Convention européenne des droits de l'homme, et que c'est principalement pour cette raison que ledit comité a choisi de ne pas recommander la consécration du respect de la vie privée dans le Préambule de la Constitution.
Néanmoins, il lui est demandé si l'inscription de cette notion dans le cœur de notre texte constitutionnel n'aurait pas valeur de symbole fort à l'heure où le droit à la vie privée est de plus en plus malmené par les évolutions profondes de notre société évoquées plus haut.
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 14/01/2010
Plusieurs engagements internationaux auxquels la France est partie proclament le droit au respect de la vie privée. C'est le cas de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 17.1 du pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 et de l'article 7 de la charte européenne des droits fondamentaux du 7 décembre 2000. En vertu de ces textes, nul ne peut faire l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée. De surcroît, depuis 1995, le droit au respect de la vie privée est un principe à valeur constitutionnelle. Le Conseil constitutionnel a, en effet, consacré ce droit en considérant que la liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen implique le respect de la vie privée. En outre, le Conseil constitutionnel donne à ce principe une acception très large, y rattachant notamment la protection des données à caractère personnel. Ainsi, il a jugé que la législation relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés contient des dispositions protectrices de la liberté individuelle et que y déroger pourrait être de nature à porter atteinte à la « liberté individuelle », qui est constitutionnellement protégée. Dès lors, comme l'a effectivement indiqué le comité de réflexion sur le préambule de la Constitution, présidé par Mme Simone Veil, la réaffirmation expresse, dans la Constitution, du droit au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles serait dépourvue de portée pratique, au regard des impératifs auxquels est d'ores et déjà soumis le législateur par le double effet de la jurisprudence constitutionnelle et des traités internationaux. En revanche, il appartient au législateur d'adapter le dispositif juridique de protection des données à caractère personnel à l'évolution des technologies modernes. Le Gouvernement entend, naturellement, prendre toute sa part dans cette démarche.
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