Question de M. LAURENT Daniel (Charente-Maritime - UMP) publiée le 10/12/2009
M. Daniel Laurent attire l'attention de M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État sur la fiscalité des vins de liqueur à AOC.
En France, les produits issus de la vigne sont soumis à une fiscalité variable selon le mode d'élaboration. Les produits dits intermédiaires, comme le Pineau des Charentes, le Floc de Gascogne, le Macvin du Jura, sont soumis à une fiscalité différenciée. En revanche, les produits industriels concurrents sur ce marché des apéritifs, élaborés sans contraintes d'origine ou de production, ont su faire évoluer la fiscalité en leur faveur, en modifiant leur procédé technique. Depuis 2003, certains d'entre eux sont taxés comme un vin, soit 63 fois moins que le Pineau. Pour compenser partiellement ce déséquilibre une aide à la promotion de 1 million d'euros par an est octroyée. Enfin, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a mis en œuvre un principe d'indexation systématique des produits soumis à accises. En 2009, les accises ont augmenté de 1,50 %, et pour 2010 elles devraient augmenter de 2.80 %, conformément à l'arrêté du 19 octobre 2009, fixant pour 2010 les tarifs des droits d'accises sur les alcools et les boissons alcooliques. En conséquence, il lui demande quelles mesures il compte mettre en œuvre pour mettre fin à cette inégalité fiscale qui pénalise la compétitivité de ces produits.
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Réponse du Haut commissariat aux solidarités actives contre la pauvreté, haut commissariat à la jeunesse publiée le 20/01/2010
Réponse apportée en séance publique le 19/01/2010
M. Daniel Laurent. Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, ma question porte, une nouvelle fois, sur la fiscalité des vins de liqueur soumis à appellation d'origine contrôlée, AOC.
En effet, à la suite du décès d'un élu de ma commune, je n'ai pu intervenir lors de l'examen de la mission « Agriculture » du projet de loi de finances, le 3 décembre, mais notre éminent collègue Gérard César a bien voulu relayer nos préoccupations auprès de M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. M. Le Maire ayant alors indiqué qu'il avait demandé à ses services d'analyser, en lien avec ceux du ministère du budget, les conditions d'un éventuel rééquilibrage de la fiscalité, il m'est apparu judicieux de déposer cette question.
En France, les produits issus de la vigne sont soumis à une fiscalité variable selon leur mode d'élaboration. Les produits dits intermédiaires, comme le Pineau des Charentes, le Floc de Gascogne, le Macvin du Jura, sans oublier le Pommeau de Normandie, cher à M. le président du Sénat et à mes collègues des régions concernées, sont soumis à une fiscalité différenciée.
En revanche, les produits industriels concurrents sur ce marché des apéritifs, élaborés sans contraintes d'origine ou de production, ont su faire évoluer la fiscalité en leur faveur, en modifiant leur procédé technique, ce qui est impossible pour le Pineau. Depuis 2003, certains d'entre eux sont taxés comme un vin, soit soixante-trois fois moins que le Pineau. Le résultat est que, depuis trois ans, les ventes totales de Pineau ont baissé de plus de 15 %.
La loi de financement de la sécurité sociale de 2009 a mis en uvre un principe d'indexation systématique des produits soumis à accises, contre lequel je me suis élevé avec de nombreux collègues, mais en vain.
Ainsi, en 2009, les accises ont augmenté de 1,50 % et, pour 2010, elles devraient croître de 2,80 %, comme l'a confirmé l'arrêté du 19 octobre 2009, fixant pour 2010 les tarifs des droits d'accises sur les alcools et les boissons alcooliques.
La seule hausse pour 2010 des droits d'accises sur les produits intermédiaires équivaut au double de la taxation totale de ces apéritifs concurrents. Vous comprenez dès lors l'ire de nos viticulteurs ! Depuis de nombreuses années, mon collègue et ami Michel Doublet nous battons à leurs côtés pour interpeller les pouvoirs publics sur l'iniquité de cette fiscalité. On ne compte plus les questions écrites, orales, les courriers aux ministres, les rendez-vous ministériels, dont le prochain est programmé en février au ministère de l'agriculture.
En 2004, lorsque Dominique Bussereau était secrétaire au budget et à la réforme budgétaire, la profession avait réussi à obtenir des aides annuelles aux vins de liqueur, preuve que la demande de la profession est légitime. Depuis, nous n'avons plus avancé. Je sais que M. le président du Sénat est à nos côtés pour défendre ce dossier, et nous lui en savons gré.
Nous sommes en train de perdre toute crédibilité, et la profession s'exaspère. Une réunion générale qui s'est tenue le 15 janvier a rassemblé près de deux cents viticulteurs et négociants. Tous se sont élevés avec fermeté contre le niveau de la taxation frappant leur produit, aggravé par l'application de l'indexation.
À l'unanimité, ils ont décidé, dans un premier temps, de reprendre le mouvement collectif de paiement partiel des droits, suspendu en 2004. Ainsi, les opérateurs régleront aux douanes les 45 euros correspondant au minimum communautaire de taxation des produits intermédiaires, et le solde des sommes dues sera déposé auprès de la Confédération nationale des producteurs de vins et de liqueurs.
Après vingt-cinq ans de démarches et de lutte, la détermination de la filière est entière. D'autres actions plus dures sont envisagées, en complément de ce mouvement.
J'ai bien conscience que le poids économique du Pineau des Charentes n'est rien à côté de celui des géants industriels, mais vous comprendrez aisément que cet état de fait ne peut perdurer. Il devient impérieux de clore cette affaire, d'y apporter une réponse immédiate.
Je sais que, depuis quelques semaines, une attention particulière est consacrée à ce dossier. Gageons qu'elle aboutisse enfin à des mesures concrètes !
Je souhaite savoir ce qu'envisage M. le ministre du budget pour mettre fin à cette inégalité fiscale qui pénalise la compétitivité de ces produits.
M. le président. La parole est à M. le haut-commissaire.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser M. Éric Woerth qui doit aujourd'hui rencontrer son homologue allemand, à Berlin. Faute de pouvoir vous répondre directement, comme il l'aurait souhaité, il m'a demandé de vous transmettre les données suivantes.
Les différences de taxation que vous avez soulignées résultent de définitions issues de la réglementation communautaire, laquelle prévoit spécifiquement un cadre pour la fiscalité des boissons alcooliques.
La structure de la fiscalité des boissons alcooliques issues de la vigne repose en effet sur une différence de taxation selon que l'alcool provient de la fermentation ou qu'il a été obtenu par distillation. Les boissons contenant de l'alcool provenant à la fois de la fermentation et de la distillation sont qualifiées de « produits intermédiaires ».
Les produits tels que le Floc de Gascogne ou le Pineau des Charentes, élaborés par mutage de moûts à l'alcool distillé provenant respectivement de l'Armagnac ou du Cognac et titrant environ 18 degrés sont contraints à des processus précis de fabrication découlant de traditions anciennes et formalisés par un cahier des charges fondant leur appellation d'origine. Ils répondent à la définition fiscale des produits intermédiaires et sont taxés à 223, 29 euros par hectolitre.
Certains produits industriels, non tenus aux exigences spécifiques des appellations d'origine, ont vu leur processus de fabrication modifié. Cette astuce leur a permis de bénéficier d'une fiscalité moins élevée. Il s'agit de boissons fermentées dont le taux d'alcool est augmenté par concentration partielle par le froid ou par d'autres procédés techniques qui provoquent la concentration de l'alcool par élimination de l'eau.
Ces boissons conservent toutes les qualités organoleptiques des produits fermentés de base, mais, titrant moins de 15 degrés et ne faisant pas l'objet d'un ajout d'alcool distillé, elles sont fiscalement assimilées à des vins et taxées seulement à 3, 55 euros par hectolitre. En l'état actuel de la réglementation communautaire, le classement fiscal de ces produits ne peut pas être remis en cause.
Conscient de la distorsion de concurrence provoquée par cette différence de classement fiscal, le Gouvernement a saisi la Commission européenne afin que la question soit abordée dans le cadre du comité des accises. Doit notamment être étudiée la possibilité d'assimiler les procédés de concentration de l'alcool à une distillation. Cela permettrait de réserver la fiscalité du vin aux seuls produits dont l'alcool provient exclusivement d'une fermentation et dont la teneur n'a pas été augmentée par des pratiques destinées à concentrer l'alcool.
Parallèlement à cette action, l'administration continue de privilégier le dialogue avec la profession, en particulier avec les producteurs de Pineau des Charentes, dont les représentants ont été reçus le 6 janvier dernier à la Direction générale des douanes et droits indirects. Les professionnels seront naturellement tenus informés de l'avancement des travaux menés au sein des instances communautaires.
Enfin, en ce qui concerne les effets de l'indexation des droits d'accises sur les prix à la consommation, il a été proposé aux représentants de la profession d'étudier la possibilité de plafonner l'impact monétaire de cette indexation sur les boissons les plus fortement taxées. Une telle évolution, si elle était souhaitée, nécessiterait cependant une adaptation de la loi, à l'issue d'une concertation interministérielle associant notamment les ministères en charge de l'agriculture, d'une part, et de la santé, d'autre part.
M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent.
M. Daniel Laurent. Le plafonnement est une piste très intéressante. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit une indexation qui n'était pas souhaitée. C'est donc sur ce point qu'il faut intervenir et c'est sur ce sujet que nous avons sollicité le Gouvernement.
Les viticulteurs concernés sont tous las de cette situation qui dure depuis de nombreuses années. Cela touche un pan de la production viticole nationale et il est impératif de se montrer actif sur cette question.
Monsieur le haut-commissaire, je vous remercie de la réponse que vous m'avez apportée au nom de M. Woerth. J'espère qu'elle sera suivie d'actions concrètes.
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