Question de Mme BLONDIN Maryvonne (Finistère - SOC) publiée le 17/12/2009
Mme Maryvonne Blondin interroge M. le ministre de la culture et de la communication sur la préparation d'un projet de loi relatif aux langues régionales dont le Président de la République avait fait une promesse de campagne en 2007.
Elle signale que ce projet est d'autant plus urgent que la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires a été adoptée en 1992. Ce texte a vocation à protéger les langues régionales ou minoritaires de l'Europe de l'oubli ou la désuétude afin de maintenir et développer les traditions et la richesse culturelle du continent.
La France possède nombre de richesses linguistiques, au rang desquelles figure le breton. Les collectivités territoriales de Bretagne se mobilisent fortement pour défendre ce patrimoine en accompagnant l'enseignement public bilingue, en subventionnant des signalétiques bilingues ou en encourageant des pratiques artistiques populaires en lien avec la culture et la langue bretonnes.
Derrière ces mesures locales se profile l'enjeu de l'identité et du lien social, qu'une loi permettrait de légitimer et de développer. En effet, la consolidation du vouloir-vivre ensemble résulte surtout du dialogue et c'est à travers une reconnaissance nationale des langues régionales et de la diversité culturelle que prospérera la compréhension mutuelle.
Aussi elle lui demande si le Gouvernement compte respecter son engagement en présentant très prochainement un projet de loi relatif aux langues régionales.
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Réponse du Secrétariat d'État chargé des sports publiée le 03/02/2010
Réponse apportée en séance publique le 02/02/2010
Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, à l'occasion de sa campagne présidentielle de 2007, le candidat Nicolas Sarkozy, déterminé à s'engager pour la préservation et la promotion de la diversité culturelle et linguistique de la France, avait fait la promesse d'élaborer un projet de loi relatif aux langues régionales.
Il précisait que, afin de sécuriser une fois pour toutes la situation des langues régionales, « l'idée d'un texte de loi posant leur reconnaissance juridique et retenant des propositions concrètes est la solution la plus efficace. » Il ajoutait que cette question touchait à la liberté au sein de notre République ainsi qu'à la richesse de notre héritage culturel et rappelait encore que, face à la disparition des dernières générations de locuteurs « naturels », l'enseignement était la voie privilégiée et déterminante de la sauvegarde de notre patrimoine linguistique.
Est-il nécessaire de rappeler, en outre, les avantages d'un apprentissage bilingue précoce, dont il est reconnu aujourd'hui qu'il stimule immanquablement l'éveil de nos enfants et développe certaines qualités latentes, notamment une capacité au multilinguisme ? À l'heure où il est reconnu que les Français éprouvent quelques difficultés à parler des langues étrangères, l'apprentissage de la langue bretonne, entre autres, loin de constituer la manifestation d'un repli identitaire ou communautaire, témoigne, tout au contraire, d'une capacité d'ouverture aux autres.
Madame la secrétaire d'État, l'engagement de campagne de Nicolas Sarkozy a été renouvelé le 7 mars 2008 par Mme Albanel, alors ministre de la culture. À ce jour, non seulement aucun projet de loi n'est parvenu aux parlementaires, mais, en outre, M. Besson aurait décidé, le 8 décembre 2009, d'enterrer ce projet en déclarant que « le Gouvernement s'interrogeait sur la pertinence d'une intervention législative », faisant valoir qu'un tel texte serait de nature à « se heurter aux principes constitutionnels d'indivisibililité de la République et d'égalité devant la loi ».
Comme vous l'imaginez, ces propos ont heurté les défenseurs des langues régionales et déçu les attentes de nombreuses familles qui, elles, ont bien compris l'intérêt du bilinguisme régional. Est-il nécessaire d'évoquer les missions énoncées par la charte européenne des langues régionales ? Vous le savez bien, chaque langue qui meurt emporte avec elle sa culture, ses traditions, et son patrimoine.
Les collectivités territoriales s'engagent avec beaucoup de détermination dans leur soutien à l'enseignement bilingue et remplissent déjà largement leur rôle. C'est désormais à l'État qu'il revient d'orchestrer, dans un cadre législatif, les déclinaisons concrètes que cette politique linguistique nécessite.
Le Gouvernement, ou plutôt le Président de la République, va-t-il tenir ses promesses de campagne ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports. Madame Blondin, vous connaissez le contexte qui a conduit Mme Albanel, prédécesseur de M. Frédéric Mitterrand dans les fonctions de ministre de la culture, à évoquer, voilà bientôt deux ans, la possibilité de déposer un texte de loi relatif aux langues historiquement parlées sur notre territoire. L'objectif était alors de « donner une forme institutionnelle au patrimoine linguistique » de la nation.
Depuis, la situation a changé : le Parlement réuni en Congrès a inséré dans la Constitution, au titre XII, un article 75-1 affirmant que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ». Ainsi, pour la première fois dans notre histoire, les langues régionales sont reconnues dans notre texte fondamental comme une partie essentielle de notre identité.
Le législateur a conféré aux collectivités territoriales, comme de juste, une responsabilité particulière pour la promotion de ces langues. Mais la Constitution affirme aussi la dimension nationale de ces langues qui font partie d'un patrimoine partagé par tous. C'est pourquoi leur usage et leur transmission relèvent également de l'État.
L'État consacre des moyens importants à l'enseignement des langues régionales, en termes tant de postes d'enseignants, de formation des maîtres, de dotations horaires, que de réalisation de supports pédagogiques et éditoriaux. Dans le domaine des médias, le Gouvernement s'attache à ce qu'aucune entrave réglementaire ne fasse obstacle à leur libre expression. Chaque jour, plusieurs centaines de programmes sont diffusés sur le territoire français dans une dizaine de langues régionales, notamment outre-mer. De nombreux efforts se font jour aussi dans le champ culturel.
Nous pouvons évidemment aller plus loin encore. Il est envisageable, par exemple, de systématiser la mise en place d'une signalisation urbaine et routière en langue régionale, à côté de sa formulation en français. Les actes officiels des collectivités locales, notamment les actes d'état civil, peuvent être publiés en langue régionale, du moment qu'ils le sont aussi dans la langue nationale. Ma conviction est, en tout cas, que le cadre législatif actuel laisse d'importantes marges de progrès.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement s'interroge sur la pertinence d'une intervention législative supplémentaire, tant que toutes les possibilités existantes n'auront pas été explorées ni appliquées. Nous réfléchissons en ce moment, dans un esprit de concertation interministérielle et en association avec les collectivités locales, les offices publics des langues régionales et les acteurs concernés, à la manière la plus adéquate de répondre à l'exigence de promotion de ce patrimoine irremplaçable.
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. Madame la secrétaire d'État, j'ai bien noté que le Gouvernement dispose d'une importante marge de progression dans ce domaine, alors qu'il a reconnu la pertinence de la préservation de cette richesse patrimoniale. Néanmoins, les collectivités locales s'engagent beaucoup : à l'heure où leurs compétences et surtout les moyens qui leur seront accordés sont remis en question, on peut craindre qu'elles ne rencontrent, à l'avenir, quelques difficultés à remplir leur rôle, en ce qui concerne tant l'enseignement bilingue que la signalétique, les relations avec les administrations ou la politique culturelle.
Je suis en possession du procès-verbal de la réunion du conseil académique des langues régionales de 2009 celle de 2010 s'est tenue la semaine dernière qui relève quelques difficultés rencontrées au niveau de l'enseignement public bilingue.
J'aimerais croire à la réflexion interministérielle que vous venez de nous annoncer et que le Gouvernement va lancer. J'aurais plus confiance, quant à moi, en la constitution d'un groupe de travail vraiment chargé de relancer la dynamique des langues régionales et de préparer enfin la voie à leur reconnaissance législative.
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