Question de Mme BLONDIN Maryvonne (Finistère - SOC) publiée le 18/03/2010

Mme Maryvonne Blondin interroge Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur l'avenir de la justice commerciale de Quimper.

Le greffe du tribunal de commerce est logé à titre provisoire, depuis 1987, dans une « cave » insalubre aux locaux insuffisants et inadaptés. Or, il s'est vu récemment refuser une solution de relogement dans des locaux adaptés et aux conditions financières des plus intéressantes au motif que de futures mais aléatoires dispositions de regroupement seraient prochainement prises consécutivement à la reforme de la carte judiciaire.

Ces conditions d'exercice de la justice semblent évidemment invraisemblables dans un pays tel que la France. Voila plus de vingt-trois ans que cette situation perdure dans le plus grand mépris des personnels de ce greffe qui s'impliquent néanmoins dans le maintien d'une justice commerciale de qualité. Ce récent refus de relogement suscite des interrogations sur l'avenir réservé à ce tribunal de Quimper.

A de multiples reprises, Mme la ministre a affirmé que toutes les dispositions immobilières consécutives à la réforme de la carte judiciaire étaient déjà opérationnelles et de nature à optimiser le fonctionnement de nos tribunaux. Cette situation semble attester du contraire.

Elle souhaiterait donc avoir des précisions sur les dispositions immobilières de regroupement envisagées par le ministère pour le tribunal de Quimper et connaître l'avenir réservé à l'exercice de la justice commerciale dans cette ville.

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Réponse du Secrétariat d'État à la justice publiée le 07/07/2010

Réponse apportée en séance publique le 06/07/2010

Mme Maryvonne Blondin. Ma question s'adressait à Mme la ministre d'État, garde des sceaux, que j'avais interpellée au mois de novembre 2009 sur la disparition du tribunal d'instance de Quimperlé et sur son regroupement programmé en janvier 2010 avec le tribunal de Quimper.

À l'époque, j'avais également souligné le coût de la réforme, qui était de 50 millions d'euros pour la seule région Bretagne, et ce contrairement aux annonces faites.

J'insistais aussi sur les difficultés de réorganisation du tribunal de Quimper, notamment du fait de l'impréparation des locaux. Il m'a été répondu le 7 janvier 2010 que « les dispositions immobilières mises en œuvre pour permettre ce regroupement » étaient « d'ores et déjà opérationnelles » et « de nature à optimiser le fonctionnement des tribunaux regroupés. » On aurait pu s'en féliciter.

Hélas ! les dispositions immobilières sont très loin d'être « opérationnelles » ! Notamment, le greffe du tribunal de commerce est toujours logé, à titre provisoire, dans une cave insalubre – je mesure mes mots ! –, et ce depuis 1987. Ces locaux, de taille nettement insuffisante, sont à l'évidence inadaptés.

Les conditions d'exercice de la justice sont évidemment invraisemblables, pour un pays comme la France. Les personnels, environ une dizaine d'agents, sont entassés dans des espaces réduits. On est bien loin de la norme définie en mètres carrés par bureau, même après sa révision à la baisse, dernièrement. Les personnes travaillent dans des couloirs éclairés toute la journée au néon. Les dossiers et photocopieuses sont préservés de la pluie par des bassines et des seaux. Les archives sont entreposées dans un grenier qu'il faut abriter des oiseaux et de leurs fientes…

Le plus inquiétant est que plusieurs études très coûteuses de relogement ont déjà été menées avec le ministère de la justice sans qu'aucune d'elles n'aboutisse.

Nous en sommes aujourd'hui au troisième projet. Le principe d'un regroupement des tribunaux d'instance, de grande instance et de commerce semble avoir été acté.

Les modalités et, surtout, la question des moyens demeurent des inconnues. Or – on le sait très bien – tant les contraintes écologiques que les normes imposées par la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, majorent notablement ces coûts. On a évoqué 5 millions d'euros, alors qu'il faudrait trois fois plus !

De plus, comme vous le savez, les tribunaux de commerce ont un statut hybride, puisque leurs activités comportent une partie judiciaire et une autre non judiciaire. Actuellement, le loyer des locaux est encore acquitté par le ministère de la justice, mais celui-ci n'envisage-t-il pas de saisir cette occasion pour se décharger de ce poids financier, non négligeable ? Ou bien, pire encore, faut-il craindre la suppression prochaine du tribunal de commerce, comme ce fut le cas à Morlaix ?

Récemment encore, le greffe s'est vu refuser une énième solution de relogement dans des locaux adaptés et aux mêmes conditions financières, au motif que les dispositions de regroupement – elles sont toujours aléatoires – seraient prochainement prises…

Voila plus de vingt-trois ans que cette situation provisoire perdure, dans le plus grand mépris des personnels de ce greffe, qui s'impliquent pour le maintien d'une justice commerciale de qualité. N'est-il pas temps de saluer par des engagements précis cet investissement et ce dévouement ?

Aujourd'hui, je souhaiterais obtenir des garanties et des engagements de la part du Gouvernement. Des dispositions de regroupement, incluant le tribunal de commerce, sont-elles effectivement envisagées à Quimper ? Pouvez-vous nous en préciser les modalités et vous engager sur le montant des moyens qui seront alloués ? Surtout, pouvez-vous nous préciser le calendrier ? Quand les travaux vont-ils débuter ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. Madame Blondin, le greffe du tribunal de commerce de Quimper occupe actuellement deux niveaux dans des locaux pris à bail par l'État.

Le président de cette juridiction dispose d'un bureau dans des locaux mitoyens, où sont stockées les archives intermédiaires.

La juridiction dispose également, au sein du palais de justice de Quimper, d'une salle pour ses audiences publiques et d'une salle de délibérés, où se déroulent les audiences en chambre du conseil, notamment celles qui concernent les procédures collectives.

Sachez que la Chancellerie est bien consciente du manque de fonctionnalité des locaux actuels du tribunal, notamment de ceux du greffe, dont la partie située en rez-de-cour.

C'est la raison pour laquelle j'ai décidé, avec Mme la garde des sceaux, d'inclure cette juridiction dans le projet de restructuration et d'extension du palais de justice de Quimper, confié à l'Agence publique pour l'immobilier de la justice, l'APIJ, ce qui permettra à moyen terme – il y a encore un peu de travail - de regrouper sur le site l'ensemble des juridictions locales selon leurs besoins normatifs et fonctionnels.

Dans l'attente de l'aboutissement de ce projet immobilier, sur lequel nous aurons un calendrier précis dès que l'APIJ nous aura transmis les éléments d'information qui nous sont nécessaires – je puis vous garantir qu'elle y travaille sérieusement, avec le soutien de la direction des services judiciaires, et que nous ne la freinons pas –, des démarches ont été entreprises en vue d'assurer le relogement provisoire de la juridiction commerciale dans des locaux plus adaptés, mais, je le reconnais volontiers, sans succès jusqu'à présent, du fait d'une divergence d'appréciation entre la Chancellerie et le greffier de commerce sur la proportion du loyer et des charges qu'il serait susceptible d'assumer.

Une telle discussion est normale eu égard au mode de fonctionnement des greffes. Nous sommes également garants des deniers publics et nous faisons de gros efforts dans le cadre de la nouvelle carte judiciaire en termes d'investissement et de fonctionnement. Je vous rappelle que nous avons consenti 483 millions d'euros pour l'investissement sur cinq ans et que, pour le fonctionnement, il s'agit de plusieurs millions d'euros chaque année.

Pour autant, nous ne pouvons pas transiger avec des règles qui sont observées par l'ensemble des greffes. Cette participation aux loyers est donc aussi une question de principe.

Dans la mesure où le greffier de commerce serait disposé à revoir sa position, nous demanderons alors, avec Mme la garde des sceaux, aux chefs de la cour d'appel de Rennes de relancer une recherche de locaux plus adaptés susceptibles d'accueillir, jusqu'à la mise en service du palais de justice restructuré, ce qui prendra quelques années, vous avez raison de le souligner, madame la sénatrice, la juridiction commerciale de Quimper. De la sorte, il pourra être mis un terme aux conditions de travail actuelles dont vous vous êtes fait l'écho.

Tels sont les éléments de réponse les plus précis dont la Chancellerie dispose.

Madame la sénatrice, une de mes missions à la tête du secrétariat d'État à la justice est de sillonner chaque semaine les départements pour faire le point sur la mise en œuvre de la nouvelle carte judiciaire. Je pars d'ailleurs tout à l'heure en région toulousaine. Je constate ce qui va, mais je relève également les dysfonctionnements afin de pouvoir mettre, ici ou là, de l'huile dans les rouages et, lorsque c'est nécessaire, de corriger le tir.

Je porte une attention particulière à toutes ces questions et je suivrai de près la situation du tribunal de commerce de Quimper, qui n'est pas acceptable.

J'ai voulu vous apporter une réponse à la fois la plus précise possible et franche quant aux difficultés objectives auxquelles nous sommes aujourd'hui confrontés, notamment en ce qui concerne l'amélioration de l'installation provisoire, mais qui est amenée à durer un certain temps, de cette juridiction.

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. Je vous, remercie, monsieur le secrétaire d'État, de votre franchise. Des représentants du ministère sont déjà venus à plusieurs reprises sur le site de Quimper. Je vous invite à venir également visiter les archives du tribunal de commerce. Vous aurez le plaisir de découvrir que des pigeons y nichent, malgré les efforts réalisés pour mettre les documents à l'abri.

Vous pourrez également constater l'état des sous-sols. L'eau goutte sur les machines électriques et sur les archives. Nous vous attendons avec impatience, monsieur le secrétaire d'État ! (Sourires.)

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