Question de Mme LE TEXIER Raymonde (Val-d'Oise - SOC) publiée le 07/05/2010

Question posée en séance publique le 06/05/2010

Mme Raymonde Le Texier. Ma question s'adressait à M. le Premier ministre. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)

Environ 7 % des élèves sont concernés par l'absentéisme scolaire, ce qui justifie grandement que l'on s'intéresse au problème. Pour autant, la suppression du versement des allocations familiales aux familles concernées que demande le Président de la République et que propose, par le biais d'une proposition de loi, un membre de votre majorité est une mauvaise réponse à un vrai problème.

Une telle focalisation est d'autant plus surprenante que cette possibilité existe déjà. La mesure n'est tout simplement pas appliquée, car l'ensemble des professionnels concernés s'accordent à dire qu'elle est contre-productive. D'ailleurs, les pays qui l'ont expérimentée, comme la Grande-Bretagne, font le même constat.

Un élève en décrochage scolaire est un enfant qui ne trouve pas sa place à l'école. Il n'est pas rare qu'il n'ait pas non plus la place qu'il devrait avoir au sein de sa famille. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)

L'absentéisme scolaire est l'aboutissement de ces symptômes.

En répondant par la suppression des allocations familiales à ceux qui relèvent de situations sociales complexes, on rend l'enfant responsable des difficultés financières de sa famille. Au pire, une telle mesure peut engendrer violences et ruptures familiales ; au mieux, l'enfant reviendra à l'école, mais avec une image de lui encore plus dégradée et un sentiment d'échec renforcé. (Mme Jacqueline Panis proteste.)

En revanche, en permettant aux élèves de réussir quelque chose, en mettant en valeur leur savoir, leur savoir-être, leur savoir-faire, on peut modifier durablement les trajectoires d'un certain nombre d'entre eux et retisser véritablement le lien avec l'école.

M. Jacques Mahéas. Très bien !

Mme Raymonde Le Texier. Missionner des professionnels, tant au sein de l'école qu'auprès des familles, pour permettre à l'élève de retrouver l'estime de lui-même aurait une autre portée qu'une sanction financière.

Or, aujourd'hui, les élèves en situation de décrochage scolaire restent le plus souvent livrés à eux-mêmes, faute de prise en charge adaptée. Les causes de l'absentéisme sont donc rarement traitées.

Pourtant, l'enjeu en vaut la peine. L'école a pour mission d'empêcher que les inégalités de naissance ne se cristallisent en inégalités de destin. Le fait que les jeunes les plus concernés s'en détournent interpelle notre République.

Mesdames, messieurs les ministres, madame la secrétaire d'État, plutôt que de soutenir une proposition de loi qui ajoute l'exclusion à l'exclusion, allez-vous donner à l'accompagnement social comme à la réussite scolaire, à la réussite éducative, les moyens matériels et humains permettant de répondre aux enjeux de notre société ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la politique de la ville publiée le 07/05/2010

Réponse apportée en séance publique le 06/05/2010

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie, tout d'abord, de bien vouloir excuser l'absence de M. Éric Woerth, qui m'a chargée, madame Le Texier, de vous apporter la réponse suivante.

M. René-Pierre Signé. Vous êtes missionnaire !

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. Vous ne pouvez pas nier une réalité : l'absentéisme scolaire est extrêmement problématique et laisse des enfants en marge de la société. Il peut être source de délinquance et d'incivilités.

Pour l'année scolaire 2007-2008, le taux d'absentéisme a atteint 7 % en moyenne, comme vous l'avez rappelé, madame Le Texier.

Il est en progression et le Gouvernement ne peut rester sans rien faire.

M. Yannick Bodin. Et voilà !

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. M. le Président de la République s'est exprimé sur ce sujet hier devant les préfets, les recteurs, les inspecteurs d'académie, les procureurs. Avec plusieurs autres ministres concernés, j'étais présente. M. le Président de la République a bien expliqué que l'absentéisme scolaire avait de nombreuses causes et qu'il fallait pouvoir apporter à ce problème des réponses appropriées.

La responsabilisation des parents est l'un des moyens - pas le seul – pour lutter contre ce phénomène. La suspension des allocations familiales, et non la suppression, contrairement à ce que vous venez d'indiquer, madame Le Texier, constitue elle-même un moyen – ce n'est pas non plus le seul - de responsabiliser les parents.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Même Jean-Pierre Raffarin est contre !

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. Le Président de la République a cité l'expérimentation menée dans l'académie de Créteil dénommée « la mallette des parents », qui vise à favoriser le dialogue entre l'école et les parents, notamment au moment de l'entrée en sixième. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. René-Pierre Signé. Vous êtes pour qui ?

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. Ce dispositif va être étendu, car il a montré son efficacité. On a pu relever moins d'absences et une meilleure réussite scolaire des enfants.

M. Didier Boulaud. Madame la secrétaire d'État, c'est l'avis du maire de Chantilly que vous donnez ! Créteil n'est pas Chantilly !

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. Mais la prévention peut ne pas être suffisante. Si nous voulons nous donner les moyens d'atteindre notre objectif politique, il faut pouvoir disposer d'outils de sanction qui donnent des résultats.

M. Jean-Pierre Sueur. Vous le pensez réellement ?

M. Jacques Mahéas. Cessez de supprimer des postes d'enseignant !

Mme Michelle Demessine. C'est vraiment scandaleux !

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. Quelle est la logique des allocations familiales ?

Mme Éliane Assassi. Les allocations familiales ne sont pas une récompense ! C'est un droit !

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. Ces allocations ont bien pour objet de permettre aux parents d'éduquer convenablement leurs enfants. La suspension de leur versement en cas de carence de l'autorité parentale n'est pas un dispositif nouveau.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous justifiez l'injustifiable !

M. Didier Boulaud. Donnez-nous votre avis !

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. Le Gouvernement a la volonté de faire en sorte que ce dispositif ne soit pas simplement un outil sur le papier, mais qu'il fonctionne. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Tel est d'ailleurs l'objet de la proposition de loi déposée par le député Éric Ciotti : en cas d'absentéisme avéré répété, l'inspecteur d'académie, après avoir épuisé les autres voies de dialogue, aura le pouvoir de demander directement au directeur de la caisse d'allocations familiales de suspendre le versement de ces allocations. Il s'agit bien d'une suspension. Dès que l'enfant retournera de façon régulière à l'école, les allocations, suspendues, seront reversées immédiatement à la famille. (Protestations indignées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. René-Pierre Signé. C'est bien le moins !

M. Didier Boulaud. Vous vous enferrez !

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. Il ne s'agit pas de suspendre l'intégralité des allocations familiales versées à une famille nombreuse pour sanctionner le comportement d'un seul des enfants.

M. Didier Boulaud. Donnez-nous votre avis !

M. Jean-Louis Carrère. Votre avis à vous !

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. C'est la part des allocations correspondant à l'enfant absentéiste qui sera suspendue. Il y aura bien proportionnalité de la sanction.

M. Didier Boulaud. Toutes les communes de France ne sont pas Chantilly !

M. le président. Laissez parler Mme la secrétaire d'État !

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. Contrairement à ce que vous affirmez, nos objectifs et les mesures permettant de les atteindre sont équilibrés.

M. Didier Boulaud. C'est dommage que M. Raffarin soit absent !

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. À chacun de jouer le jeu ! Aux élus aussi de prendre leurs responsabilités dans l'accompagnement lié à l'aide aux parents confrontés à des difficultés dans l'éducation de leurs enfants.

M. Jean-Louis Carrère. Et c'est à vous que l'on fait lire cette intervention !

M. Didier Boulaud. Mais il se passe quoi, dans les banlieues ?

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. Je vous le dis, il vaut mieux s'occuper de ces gamins, ne pas hésiter à appliquer la bonne méthode, celle du care, pour qu'ils s'en sortent, au lieu de ne rien faire et de voir des centaines d'enfants des classes populaires devenir des délinquants. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. - Protestations vives et prolongées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Didier Boulaud. Vous pouvez vous en occuper sans pénaliser les familles ! Ce n'est pas l'avis de la secrétaire d'État aux banlieues, c'est celui du maire de Chantilly que vous donnez !

Mme Éliane Assassi. Une honte !

M. Jean-Louis Carrère. C'est une honte !

M. le président. Mes chers collègues, sachons raison garder et faire preuve de respect les uns vis-à-vis des autres !

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