Question de M. ZOCCHETTO François (Mayenne - UC) publiée le 09/06/2010

Question posée en séance publique le 08/06/2010

Concerne le thème : La justice, le point sur les réformes

M. François Zocchetto. Madame le ministre d'État, dans le cadre du projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services, il est envisagé que la profession d'expert-comptable se dote d'un fonds de règlements pour recevoir des fonds et pour donner quittance pour le compte des clients.

Sur la forme, nous sommes quelque peu surpris que cette innovation majeure soit introduite par le biais d'un amendement subrepticement présenté en cours de débat à l'Assemblée nationale.

En outre, cette réforme intéresse en premier lieu les professionnels du droit. Or il ne semble pas que le ministère de la justice ait été associé à sa préparation. En tout cas, au sein du Parlement, les commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat n'en ont pas débattu.

Par ailleurs, cette innovation semble entériner un pseudo-accord intervenu entre quelques représentants de la profession d'avocat et certains membres de l'Ordre des experts-comptables.

Sur le principe, chacun conviendra que le maniement de fonds pour compte d'autrui doit être strictement encadré.

Actuellement, deux professions opèrent majoritairement pour le compte d'autrui, et ce depuis fort longtemps : les notaires, bien sûr, mais aussi les avocats, par le biais des caisses autonomes des règlements pécuniaires des avocats, les CARPA, qui ont fait l'objet d'un certain nombre de mesures d'encadrement ces derniers temps.

À mon sens, trois conditions au moins doivent être réunies pour que l'on puisse procéder à ce type d'opérations autrement que de façon hasardeuse.

La première est le respect d'une déontologie et d'une discipline strictes. À cet égard, je m'interroge sur la possibilité, pour les commissaires aux comptes, de manier des fonds pour compte d'autrui.

Deuxième condition, le maniement de fonds doit résulter de l'exercice de missions spécifiques, de la rédaction d'actes ou de la résolution de conflits, comme les pratiquent les notaires ou les avocats.

Enfin, troisième condition, il doit s'agir d'accomplir une mission de service public, et non de faire des affaires.

Madame le ministre d'État, je souhaiterais connaître votre opinion sur cette question.


Réponse du Ministère de la justice publiée le 09/06/2010

Réponse apportée en séance publique le 08/06/2010

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Monsieur Zocchetto, même si ce n'est pas le garde des sceaux qui a défendu le projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services, je sais que ce texte, que le Sénat examinera d'ailleurs demain et après-demain, comporte une disposition introduite à la suite de l'adoption d'un amendement visant à assouplir l'interdiction faite aux experts-comptables d'accepter un mandat pour recevoir, conserver ou délivrer des fonds ou valeurs.

Aux termes de cette disposition, les experts-comptables seront autorisés à manier des fonds pour autrui à la condition que l'opération s'effectue à titre accessoire et par le biais d'un fonds de règlements spécifique, créé à cet effet par le conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables.

Cette dérogation est donc très limitée. En outre, elle ne permettra pas que les sommes en jeu transitent par les comptes des professionnels. C'est là un point très important.

Comme vous l'avez dit, il convient que ce dispositif soit très encadré. Les modalités de fonctionnement du fonds de règlements seront fixées par un décret pris en Conseil d'État.

L'objectif de cette évolution est de placer les experts-comptables français dans la même situation que leurs homologues européens, notamment anglo-saxons, puisque l'interdiction de manier des fonds pour autrui n'existe pas chez la plupart de nos voisins. En effet, la concurrence est souvent extrêmement vive et dynamique à l'échelon européen.

Telle est l'idée qui fonde cette réforme sur laquelle le Sénat aura dès demain à se prononcer.

M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour la réplique.

M. François Zocchetto. La question est importante, non seulement pour les professionnels concernés, mais aussi pour tous les usagers du droit.

Nous sommes un certain nombre dans cet hémicycle à penser que les dispositions envisagées dans ce projet de loi ne donnent aucune garantie en termes de sécurité des opérations juridiques, tant pour les particuliers que pour les entreprises.

Personnellement, je souhaiterais que ces dispositions soient dans l'immédiat retirées du projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services, pour qu'elles puissent faire l'objet d'une concertation préalable et d'un examen approfondi et spécifique par les commissions compétentes du Parlement, notamment à la lumière des explications complémentaires que voudront bien nous donner les services de la chancellerie.

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