Question de Mme DIDIER Évelyne (Meurthe-et-Moselle - CRC-SPG) publiée le 01/07/2010
Mme Évelyne Didier attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur le projet de loi portant création d'un acte contresigné d'avocat. En effet, il soulève l'inquiétude des huissiers de justice qui s'interrogent sur l'intérêt et l'utilité que le justiciable pourrait retirer d'un tel acte, qui se placerait entre l'acte sous seing privé et l'acte authentique. Cette disposition pourrait introduire un facteur de déséquilibre flagrant au sein des professions juridiques et accorder un avantage concurrentiel aux avocats, au détriment d'autres professions. De plus, cet avantage paraît contraire aux finalités poursuivies par les travaux de la commission Darrois qui prônent le renforcement de l'interprofessionnalité, ainsi qu'aux grands principes du droit communautaire. Ce nouvel acte pourrait aussi banaliser la spécificité des actes authentiques que les huissiers de justice dressent quotidiennement en vertu de leur statut d'officiers publics et ministériels. C'est pourquoi elle lui demande de bien vouloir lui indiquer quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour répondre aux craintes des huissiers de justice devant l'introduction d'une disposition qui risque d'affaiblir la sécurité juridique apportée par des actes authentiques et rompre les équilibres entre les professions du droit.
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 16/09/2010
L'acte contresigné ne saurait être comparé à la spécificité et à la sécurité qu'apporte dans notre droit l'autorité de l'acte authentique. En particulier, la procédure de remise en cause par la voie de l'inscription de faux, réservée aux actes authentiques, demeure attachée à la qualité d'officier public. Les avocats n'ayant pas reçu délégation de puissance publique, l'acte contresigné ne saurait non plus avoir force exécutoire. Par ailleurs, en intégrant, par la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990, la profession de conseil juridique dans la profession d'avocat, le législateur a décidé de confier à cette profession, en sus de son activité contentieuse traditionnelle, l'activité de conseil juridique comprenant la consultation et la rédaction d'acte, mettant sur un même plan ces deux composantes essentielles de l'activité des avocats. Ainsi, si le législateur a estimé, qu'il convenait de réserver l'activité de conseil juridique exercée à titre principal, à tous les membres des professions judiciaires et juridiques, compte tenu des exigences de ces derniers tant en termes d'expérience et de déontologie que de responsabilité, les avocats sont bien parmi ces professionnels, les premiers rédacteurs d'actes sous seing privé, et sont les mieux placés, par la pratique de leur activité contentieuse, pour anticiper les difficultés d'application et d'exécution des actes, ce qui leur confère une expérience et une compétence particulières. En outre, les huissiers de justice sont des officiers publics et ministériels dont les attributions sont énumérées par la loi et qui disposent d'un monopole en matière de signification d'actes judiciaires ou extrajudiciaires ainsi que d'exécution des titres exécutoires. La parcelle de puissance publique qui leur est ainsi confiée justifie que certains des actes qu'ils dressent le soient en la forme authentique. Ainsi, si ces professionnels sont autorisés, en application de l'article 56 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et dans le cadre défini par leur statut, à rédiger des actes sous seing privé, cette activité n'a pas vocation à constituer leur coeur de métier. Au surplus, autoriser des officiers publics et ministériels à contresigner des actes sous seing privé dans un but autre que de leur conférer l'authenticité entraînerait un risque de confusion dans l'esprit du public préjudiciable en terme de lisibilité du droit pour les justiciables.
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