Question de M. CHEVÈNEMENT Jean-Pierre (Territoire de Belfort - RDSE) publiée le 18/02/2011
Question posée en séance publique le 17/02/2011
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement. (M. Yvon Collin et Mme Bariza Khiari applaudissent.)
M. Jean-Pierre Chevènement. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports.
Le 3 décembre 2010, Eurostar a commandé à Siemens dix rames ICE de quatre cents mètres à motorisation répartie. Ce contrat contrevient aux règles de sécurité qui prévalent dans le tunnel sous la Manche et qui imposent des motrices à chaque extrémité des trains pour permettre, en cas d'incendie de transformateurs, l'évacuation certaine des passagers par des portes ménagées à cet effet à l'intérieur du tunnel tous les quatre cents mètres.
Le choix d'Eurostar est d'autant plus étonnant que cette entreprise est à 55 % une filiale de la SNCF.
M. Guy Fischer. Scandaleux !
M. Jean-Pierre Chevènement. Alstom a déposé un recours devant la Commission intergouvernementale franco-britannique et devant la Commission européenne.
Monsieur le secrétaire d'État, mes questions sont les suivantes :
Premièrement, pourquoi a-t-on laissé Eurostar commander un train non autorisé par la réglementation en vigueur ? Pouvez-vous confirmer que les règles de sécurité ne seront pas modifiées sans que des études préalables aient attesté que les trains dont les moteurs sont placés sous les voitures passagers, que l'on appelle trains à motorisation répartie, n'entraînent aucune dégradation des conditions de sécurité dans le tunnel ?
Deuxièmement, avons-nous mesuré les conséquences industrielles pour Alstom et ses sous-traitants du contrat confié à Siemens, dans des conditions qui font d'ailleurs l'objet de recours devant la Commission européenne et la justice britannique ?
Selon mes informations, la commande d'Eurostar représenterait pour Alstom Transport une perte d'un an et demi de production, soit 1 300 emplois sur un total de 8 800 en France, sans compter les 4 200 entreprises françaises sous-traitantes qui emploient 27 000 personnes dans cette filière. L'ouverture du marché français à la concurrence s'est traduite par une baisse significative de la production réalisée en France, de 79 % voilà dix ans à 62 % aujourd'hui. La concurrence implique le respect de certaines règles, en particulier dans le domaine de la sécurité.
Troisièmement, quelles sont les chances de voir le marché allemand de la très grande vitesse s'ouvrir à la filière ferroviaire française ?
Enfin, quatrièmement, quel signe fort du point de vue de la politique industrielle le gouvernement français entend-il donner pour assurer au secteur ferroviaire français, l'une des rares industries à dégager encore un solde commercial excédentaire, des conditions de concurrence normales et équitables ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Robert Hue. Très bien !
Réponse du Secrétariat d'État chargé des transports publiée le 18/02/2011
Réponse apportée en séance publique le 17/02/2011
M. Thierry Mariani, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Monsieur le sénateur, j'avoue que la situation est un peu paradoxale. Vous êtes tous des élus. Que se passerait-il si, après avoir lancé un appel d'offres et sélectionné une entreprise, une commune décidait de vérifier après-coup si les règles avaient été respectées ? C'est un peu ce que vous décrivez dans l'affaire que vous dénoncez.
La société Eurostar a fait part de son intention de signer un contrat avec Siemens pour l'achat de rames à grande vitesse afin de renouveler une partie des trains empruntant le tunnel sous la Manche. Comme vous l'indiquez, les rames commandées, dotées d'une technologie à motorisation répartie, ne sont actuellement pas autorisées à emprunter le tunnel sous la Manche.
En effet, lors de la mise en service du tunnel sous la Manche, cette technologie n'a pas été prévue, en particulier au regard des risques d'incendie. Aujourd'hui, des interrogations demeurent. Le 11 septembre 2008, un incendie s'est déclaré dans le tunnel sous la Manche, dont chacun se rappelle les conséquences. Tirant les enseignements d'accidents parfois dramatiques, notamment celui-ci, le gouvernement français est particulièrement attentif et exigeant quant aux conditions de sécurité, afin que les transports ferroviaires restent, dans le tunnel sous la Manche comme ailleurs, particulièrement exemplaires.
C'est pourquoi la France a officiellement demandé que des études de sécurité portant notamment sur l'aptitude des trains à motorisation répartie à circuler dans le tunnel sous la Manche soient engagées préalablement à toute évolution des règles de sécurité. Ces études sont actuellement pilotées par la Commission intergouvernementale franco-britannique, autorité qui est responsable de la sécurité dans le tunnel sous la Manche. Un avis technique a été demandé aux experts pour savoir si les trains allemands qui ont été choisis répondaient aux normes de sécurité.
Ce n'est que lorsque nous recevrons les réponses, qui devraient nous parvenir dans le courant du mois de mars, que nous serons en mesure de statuer sur la possibilité d'autoriser ces nouveaux matériels.
Il ne faut pas s'interdire de faire évoluer les règles de sécurité en vigueur dans le tunnel sous la Manche, en particulier pour tenir compte des améliorations permises par les progrès techniques. Cependant, l'objectif de toute évolution des règles doit être de maintenir ou accroître le niveau de sécurité existant.
Nos amis allemands parlent de protectionnisme, mais il s'agit avant tout, comme je l'ai dit au ministre allemand, de faire en sorte que, dans le tunnel sous la Manche, les règles de sécurité que nous avions émises en commun soient respectées par l'ensemble des partenaires. Si le train Siemens les respecte, nous ne nous opposerons pas au marché. En revanche, si tel n'est pas le cas, je ne vois pas comment ce dernier pourrait être conclu. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
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