Question de Mme ALQUIER Jacqueline (Tarn - SOC) publiée le 02/06/2011

Mme Jacqueline Alquier attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la situation des établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM).

Au moment de l'ouverture annoncée de ces établissements en 2007, beaucoup de parlementaires socialistes exprimaient leurs doutes et leurs interrogations face à un projet qui apparaissait comme une volonté politique d'affichage affirmant le choix de la répression sur la prévention et prétendant régler le problème de la délinquance des mineurs.

Ils dénonçaient alors l'énorme disproportion des moyens destinés à ces établissements comparée à la pénurie croissante des budgets alloués à l'action éducative en milieu ouvert et aux foyers d'hébergement éducatifs, ainsi que le leurre d'un projet éducatif dans un contexte d'enfermement et pour des peines, heureusement, très courtes (de trois mois en moyenne et le plus souvent d'une quinzaine de jours).

Ils dénonçaient également la confusion des genres et le risque d'un paradoxe irréductible entre les « cultures » pénitentiaire et éducative. Aujourd'hui force est de constater que ces réserves étaient fondées et de prendre acte de l'échec des EPM.

Les incidents qui se multiplient depuis 2007, voire les drames, avec le suicide d'un jeune à Meyzieu le 4 février 2008, et de nombreuses tentatives ailleurs, témoignent de profonds dysfonctionnements avec parallèlement une banalisation de la violence et la volonté que rien ne transparaisse à l'extérieur.

Aujourd'hui à l'EPM de Lavaur particulièrement, mais aussi dans ceux de Meyzieu, de Marseille et dans d'autres établissements, des incidents graves amènent les professionnels à exercer leur droit de retrait et à alerter sur une absence de reconnaissance de la pénibilité de leurs fonctions et sur un manque de formation.

Elle lui demande donc l'établissement d'un bilan réaliste, transparent et sincère des EPM afin d'adapter des réponses aux besoins identifiés et particulièrement de revoir des orientations politiques faites au détriment de la prévention, alors que l'on sait qu'une mesure d'accompagnement éducatif en milieu ouvert permet de réduire à 20 % la récidive, alors qu'elle monte à 70 % après une incarcération.

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Réponse du Ministère de la justice et des libertés publiée le 01/09/2011

Au 1er juin 2011, 805 mineurs étaient détenus en France. 556 l'étaient au sein des 49 quartiers mineurs (QM) et 249 au sein des 6 établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM), soit 30,9 %. Les détenus mineurs représentent entre 1,1 % à 1,3 % des détenus en France. Le taux d'occupation, en moyenne, des établissements habilités à accueillir des mineurs est d'environ 70 %. Les garçons représentent prés de 95 % de cet effectif. La très grande majorité (90 %) est âgée de 16 à 18 ans. Près de 90 % des mineurs écroués le sont en procédure correctionnelle (90 %), 60 % étant prévenus et 40 % condamnés. Pour les condamnés, la durée moyenne de condamnation est de 2,5 mois. Depuis la loi du 9 septembre 2002, d'importants moyens ont été mis en oeuvre pour améliorer la prise en charge des mineurs détenus : l'intervention continue des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse en QM est assurée et six EPM ont été mis en service. Le dispositif des EPM répond aux exigences posées par les normes internationales et européennes soit, pour les mineurs détenus, la séparation stricte des majeurs, l'encellulement individuel de nuit, l'accompagnement éducatif constant et l'accès à l'enseignement, à la santé, aux activités socio-éducatives, culturelles et sportives. Les EPM bénéficient d'une dotation en personnels particulièrement importante. En effet, pour chaque EPM, près de 150 personnels (43 personnels de la protection judiciaire de la jeunesse dont 36 éducateurs, 76 personnels pénitentiaires dont 70 personnels de surveillance, 9 enseignants encadrés par un directeur pédagogique et une équipe médicale à hauteur de 5 équivalents temps plein) assurent la continuité de la prise en charge de 60 mineurs (capacité théorique). À ce jour, 228 éducateurs sont affectés dans les EPM. L'objectif des EPM est d'éviter que la détention ne devienne un facteur de maintien voire d'aggravation de la délinquance en assurant une prise en charge éducative permettant notamment de mieux appréhender la situation du mineur et préparer sa sortie. Cette tâche est d'autant plus complexe que ces établissements assurent la prise en charge de mineurs particulièrement inscrits dans des conduites délinquantes répétées et présentant parfois des troubles du comportement importants. Le dispositif des EPM s'appuie sur l'articulation et l'engagement de quatre acteurs institutionnels, qui s'inscrivent au coeur de la prise en charge des mineurs incarcérés : la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), l'administration pénitentiaire (AP), l'éducation nationale (EN) et le ministère de la santé. Les personnels de ces administrations participent, chacun dans leur champ de compétences, à cette nécessaire pluridisciplinarité dont l'illustration la plus aboutie est le concept (lu binôme éducateur/surveillant. Le fonctionnement de ce binôme entraîne des ajustements et une appropriation de nouvelles pratiques professionnelles, liées entre autres à l'interdépendance des personnels dans ces nouveaux établissements. Depuis leur création, un suivi et des actions de bilan ont été menés par la direction de la protection judiciaire de la jeunesse et la direction de l'administration pénitentiaire : le rapport d'évaluation des EPM (octobre 2009) des inspections des services pénitentiaires et de la protection judiciaire de la jeunesse évalue les modalités de prise en charge des mineurs et formule des préconisations dans les domaines suivants : le parcours d'accueil et l'admission, l'unité « arrivant », l'organisation et le management, les équipements et la logistique, la communication, l'information, les relations externes et l'articulation des acteurs de la détention. Ces préconisations sont prises en compte dans le cadre de travaux menés par les deux directions, en vue notamment de l'actualisation de la circulaire relative au régime de détention des mineurs et du guide méthodologique des EPM (publications 2e semestre 2011) ; Le rapport d'inspection de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse sur les violences en EPM (novembre 2010) relève une usure professionnelle de certains agents liée à la pénibilité du travail auprès de mineurs détenus. Néanmoins ce rapport fait état d'une baisse globale des violences commises par des mineurs à l'encontre des personnels dans les EPM (- 13,9 % du nombre des violences sur les personnels entre 2009 et 2010), ce qui induit une meilleure capacité de prise en charge par les professionnels des EPM, de mineurs au parcours judiciaire souvent important. La direction de l'administration pénitentiaire et la direction protection judiciaire de la jeunesse, à la suite des récents incidents des mois de mars et avril 2011 dans des EPM, ont constitué très rapidement, le 24 mai 2011, un groupe de travail composé essentiellement de professionnels des quatre administrations en prise directe avec le fonctionnement de ces établissements. Ce groupe de travail avait pour mission de faire des propositions d'actualisation du guide méthodologique sur le fonctionnement des EPM, rédigé en février 2007. Un pré-rapport a été transmis aux directeurs de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse le 30 juin 2011. Ce document émet une quarantaine de propositions afin d'améliorer le fonctionnement du binôme éducateur-surveillant, la gestion de l'emploi du temps et la place de l'unité de vie, le traitement des incidents et de la procédure disciplinaire, la différenciation des régimes de détention, le projet de sortie et le développement des aménagements de peine et le pilotage des services. Elles rejoignent dans cette matière les propositions issues du rapport du 12 juillet 2011 de la mission sénatoriale relative à l'enfermement des mineurs. Des procédures spécifiques de recrutement, existant déjà pour l'ensemble des cadres intervenant en EPM, sont donc actuellement à l'étude au sein des deux directions. Elles visent à adapter davantage, dans le respect des règles de la fonction publique, le recrutement et la formation des agents à la spécificité du public accueilli et du lieu d'intervention. Ces préconisations, en cours d'analyse par différentes instances dont les organisations syndicales, ont vocation à être intégrées dans le guide méthodologique et à être reprises dans les projets d'établissement. Dès l'ouverture des premiers établissements en 2007 et jusqu'en 2009, l'École nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ) et l'École nationale d'administration pénitentiaire (ENAP) ont coorganisé des sessions de formation d'adaptation à l'emploi pour accompagner au mieux les professionnels de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse affectés en EPM. Ces sessions de formation, d'une durée moyenne de sept semaines, comportaient des objectifs communs aux deux administrations, en termes de cohésion des équipes et d'appréhension de l'évolution du droit pénitentiaire des mineurs. Les agents contractuels affectés dans ces établissements en 2008, ont bénéficié d'une formation d'adaptation de deux semaines dispensée par l'ENPJJ et l'ENAP. Le contenu de ces formations est actuellement revu pour améliorer leur efficacité au regard des évolutions et des besoins constatés. Ces formations doivent renforcer l'intégration et la cohésion des professionnels des deux administrations. Ces formations conjointes d'adaptation, indispensables, seront de nouveaux organisées dès septembre 2011. Les services territoriaux de milieu ouvert disposent, quand à eux, de moyens constants pour poursuivre leur fonctionnement soit un ratio de 1 éducateur pour 25 mineurs. La prise en charge des mineurs les plus en difficultés (dits « décrocheurs ») a été renforcée et s'opère sur la base d'un ratio d'un éducateur pour 18 mineurs dans le cadre de la mise en oeuvre du dispositif accueil accompagnement depuis 2009. Le dispositif de placement judiciaire de la protection judiciaire de la jeunesse a connu un renfort important de moyens notamment la création de 44 centres éducatifs fermés (488 places) depuis la loi de 2002. Dans l'exercice de sa mission d'aide à la décision des magistrats, la protection judiciaire de la jeunesse contribue fortement à l'amélioration de l'individualisation de la justice des mineurs et démontre l'efficience de son dispositif dans le cadre de la prise en charge éducative des mineurs détenus et des propositions alternatives à l'incarcération. C'est bien l'ensemble des modalités de prise en charge du mineurs sous main de justice qui doit être regardé pour évaluer la pertinence des dispositifs mis en oeuvre, du suivi par les services territoriaux de milieu ouvert jusqu'à celui exercé au sein des EPM, en passant par la prise en charge assurée au sein des différents établissements de placement : la prévention de la récidive ne saurait être observée que sous l'angle de la seule action d'éducation au sein d'un EPM puisqu'un mineur détenu bénéficie d'un double suivi éducatif (par le service éducatif en EPM et le service territorial éducatif de milieu ouvert).

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