Question de M. WATRIN Dominique (Pas-de-Calais - CRC) publiée le 15/12/2011
M. Dominique Watrin attire l'attention de M. le ministre de la ville sur l'avenir des programmes de réussite éducative.
Il lui rappelle que bien que l'éducation soit une prérogative régalienne, on observe une délégation croissante de cette compétence au niveau local. A la rentrée 2011, le département du Pas-de-Calais a subi la fermeture de 145 classes (soit 865 suppressions de postes) et 37 postes de RASED ont simultanément été supprimés. L'arrêt progressif des financements des programmes de réussite éducative amplifie encore ses inquiétudes.
En effet, la convention entre l'État et les services déconcentrés arrive bientôt à son terme. Les collectivités, qui reprennent déjà à leur compte nombre de projets devront encore financer partiellement puis totalement les recrutements à durée indéterminée des postes de coordinateurs PRE. Or, au regard de la situation problématique des finances publiques locales aujourd'hui, il n'est pas envisageable que nos municipalités puissent supporter seules le coût de la pérennisation de ce dispositif qui a pourtant fait preuve de son efficacité.
Aussi, il lui demande quelles mesures il envisage de prendre pour dépasser cette situation de blocage sans pénaliser notre territoire.
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Réponse du Ministère de la ville publiée le 25/01/2012
Réponse apportée en séance publique le 24/01/2012
M. Dominique Watrin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'éducation est un investissement dans le devenir de nos sociétés.
Néanmoins, bien que ce soit une prérogative régalienne, à force de déléguer au niveau local tout en donnant toujours plus d'autonomie aux établissements à moyens constants, l'éducation nationale a progressivement abandonné l'ambition de réussite pour tous.
À la rentrée de 2011, mon département, le Pas-de-Calais, a subi la fermeture de 145 classes, et 37 postes de RASED, ou réseaux d'aide spécialisée aux élèves en difficulté, ont simultanément été supprimés. Pour 2012, on annonce la suppression de 1 020 postes supplémentaires dans le Nord - Pas-de-Calais.
L'arrêt progressif des financements des programmes de réussite éducative, les PRE, cur de mon interpellation, couronne cette démarche.
Lorsque les programmes de réussite éducative ont été mis en place, ils visaient à « rendre effective l'égalité des chances pour les enfants et les adolescents des quartiers défavorisés ». Le sort que vous leur réservez semble condamner cet objectif.
En effet, la convention entre l'État et les services déconcentrés arrive bientôt à son terme. Les collectivités, qui reprennent déjà à leur compte nombre de projets, devront encore financer partiellement, puis totalement, les recrutements à durée indéterminée des postes de coordinateurs des PRE.
L'organisation de la précarité des contrats par l'État via le financement de contrats à durée déterminée fait porter aux collectivités locales le poids financier de leur qualification en contrats à durée indéterminée.
Cette situation est d'autant plus absurde qu'une commune peut ensuite être alertée par les services préfectoraux sur le risque de dépassement du ratio entre masse salariale et budget communal, et ce alors même qu'on lui impose de nouvelles charges salariales.
Ce désengagement de l'État à l'égard des projets menés dans un but de cohésion sociale est inacceptable, d'autant plus lorsqu'il vise des territoires - c'est le cas de celui que je représente - où seule une politique volontariste peut contribuer à une réduction des inégalités dans les domaines de la santé, de l'éducation, de la réussite scolaire et sociale.
Le travail mené par les équipes en charge des PRE a montré qu'il était possible de développer des coopérations efficaces pour la mise en uvre d'actions personnalisées auprès des familles. Les personnels des services sociaux locaux collaborent au quotidien et étroitement avec les agents des programmes de réussite éducative dans l'intérêt des familles. Et cela marche ! J'en veux pour preuve le fait que certains PRE sont même cités comme modèle par les services préfectoraux. La réussite scolaire ne se divise pas ; elle nécessite un accompagnement global.
Aussi, outre la destruction du fruit de plusieurs années de travail, l'arrêt du financement des programmes de réussite éducative aura des conséquences néfastes pour l'avenir des enfants, des adolescents et de leurs familles, mais aussi des coordinateurs en place.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous pour dépasser cette situation de blocage, sans pénaliser les territoires où les besoins sont les plus importants. ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Maurice Leroy, ministre de la ville. Monsieur le sénateur, vous appelez mon attention sur l'avenir des programmes de réussite éducative, que vous soutenez, et je m'en réjouis.
Le soutien à l'éducation est en effet la priorité de mon ministère. Il représente le premier poste de dépense du budget d'intervention de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, l'ACSÉ.
Concrètement, j'ai deux objectifs : d'abord, éveiller l'ambition des plus méritants et favoriser leurs parcours vers l'excellence, avec les cordées de la réussite et les internats d'excellence ; ensuite, accompagner les jeunes qui connaissent des difficultés sociales ou scolaires. Les programmes de réussite éducative participent à cet objectif.
Vous le savez, les équipes pluridisciplinaires de réussite éducative prennent en charge 135 000 enfants pour l'année scolaire 2011-2012.
Depuis sa création en 2005, par Jean-Louis Borloo, 365 140 enfants ont bénéficié du programme de réussite éducative. Au total, 532 programmes de réussite éducative sont déployés dans toute la France sur 718 communes.
Ce programme fonctionne, c'est un succès et, je le constate sur le terrain, ce dispositif est plébiscité par tous, comme l'illustre votre intervention. C'est pourquoi, sur ma proposition, le Gouvernement a souhaité le pérenniser lors du dernier comité interministériel des villes du 18 février 2011, présidé par le Premier ministre François Fillon.
Dans le projet de budget pour 2012 que j'ai présenté devant le Parlement et qui a été voté, 83 millions d'euros sont prévus pour ce programme.
Malgré un contexte de contrainte budgétaire, j'ai tenu à ce que ce programme soit préservé et même consolidé. Ainsi, au niveau local, les préfets et les recteurs d'académie ont reçu l'instruction de poursuivre leur collaboration avec les collectivités locales pour soutenir les programmes de réussite éducative.
Nous avons donc les moyens budgétaires d'agir. Si vous voulez demander qu'il n'y ait pas de désengagement de l'État au niveau des collectivités locales, encore faut-il voter le budget de l'État. Et là, je vous laisse, sans volonté polémique, à votre contradiction, puisque vous avez salué, à juste raison et je vous en remercie, le programme de réussite éducative.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Monsieur le ministre, je vous ai écouté attentivement et je ne manquerai pas de communiquer votre réponse aux acteurs des 27 programmes de réussite éducative qui sont en cours dans mon département, le Pas-de-Calais.
Vous soulignez une contradiction. Elle est chez vous. Vous dites que l'objectif est de « pérenniser » les programmes de réussite éducative.
M. Maurice Leroy, ministre. C'est le cas !
M. Dominique Watrin. Vous affirmez que le budget prévu est suffisant. C'est là un discours de ministre. Sur le plan départemental, les responsables des programmes de réussite éducative, les maires qui sont engagés dans ce dispositif reçoivent d'autres informations de la part des préfets. Ainsi, une commune qui souhaite renouveler un contrat de coordinateur de programme de réussite éducative se voit proposé un financement dégressif de l'État, par exemple 50 % en 2012, 25 % en 2013, puis plus rien à partir de 2014, si elle veut pérenniser le poste et le transformer en contrat à durée indéterminée. Il se peut aussi qu'on lui propose tout simplement de mettre fin au contrat. Telle est la réalité dans les départements !
Les problèmes que rencontrent les territoires résultent du cumul d'échecs scolaires, de difficultés sociales et de problèmes de santé. Les communes qui y sont confrontées sont aussi celles qui sont les plus pauvres.
La politique de la ville avait précisément pour objectif de corriger ces inégalités. Or, force est de le constater, le nouveau désengagement de l'État, et c'est pour cela que nous n'avons pas voté les budgets que vous avez évoqués, conduit à un arrêt progressif, voire définitif, de certains de ces programmes, et je le regrette.
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