Question de Mme ARCHIMBAUD Aline (Seine-Saint-Denis - SOC-EELVr-R) publiée le 29/12/2011
Mme Aline Archimbaud demande à M. le Premier ministre de prendre en compte la situation intolérable des victimes de l'amiante.
A la suite d'un imbroglio juridique, la cour d'appel de Douai a condamné le 27 octobre 2011 des victimes de l'amiante à rembourser au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) une partie importante de leur indemnisation. Des sommes pouvant aller jusqu'à 28 000 euros leur sont ainsi réclamées à chacun, ce qui les plonge bien évidemment dans la détresse à la fois financière et psychologique. Comble de l'inhumanité, un huissier s'est même rendu au domicile d'un malade mort depuis un an pour saisir les meubles de sa veuve.
Le Président de la République avait fait campagne en 2007 sur la valeur travail. Or on ne peut pas demander aux travailleurs de s'engager davantage et les laisser tomber quand ils paient cet engagement de leur santé et de leur vie.
- Aussi, elle lui demande, compte tenu de la situation très douloureuse vécue par les victimes concernées par l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 27 octobre, et puisque plusieurs ministères et administrations centrales siègent au conseil d'administration du FIVA, ce qu'il attend pour faire preuve d'humanité et demander au CA de renoncer au remboursement de la part des indemnités perçues relevant de la remise en cause de la linéarité ? Le simple échelonnement du remboursement, accompagné d'un examen des dossiers au cas par cas, n'est en effet pas une solution acceptable.
- Pour éviter que des centaines de personnes ne soient victimes d'une telle jurisprudence, elle lui demande s'il peut également enjoindre le FIVA de cesser de remettre en cause la linéarité entre incapacité et compensation devant les cours d'appel ? Il n'y a de toute manière pas eu, à sa connaissance, de vote du CA du FIVA permettant à la direction d'engager la responsabilité du fonds dans cette stratégie judiciaire.
- Enfin, plus généralement, elle lui demande s'il pense engager la réforme de la loi de 1898 sur la réparation des accidents de travail et des maladies professionnelles, afin de régler la question de l'indemnisation intégrale des préjudices des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles.
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Réponse du Ministère chargé des collectivités territoriales publiée le 22/02/2012
Réponse apportée en séance publique le 21/02/2012
Mme Aline Archimbaud. À la suite d'un imbroglio juridique, la cour d'appel de Douai a condamné, le 27 octobre dernier, des victimes de l'amiante à rembourser au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, le FIVA, une partie importante de leur indemnisation. Des sommes pouvant atteindre 28 000 euros leur sont ainsi réclamées, ce qui les plonge dans une détresse à la fois financière et psychologique. Comble de l'inhumanité, un huissier s'est rendu au domicile d'un malade décédé depuis plus d'un an pour saisir les meubles de sa veuve.
Alors que l'amiante fait aujourd'hui dix morts par jour en France, de sorte que, selon les prévisions de l'Institut de veille sanitaire, elle aura malheureusement tué 100 000 personnes d'ici à 2025, ses victimes sommées de rembourser des sommes astronomiques subissent une triple peine.
Premièrement, alors qu'un rapport de l'inspecteur du travail Auribault avait évoqué, dès 1906, les poussières pernicieuses et mortelles de l'amiante dans une usine de Condé-sur-Noireau, et que les risques cancérigènes de ce minéral étaient connus depuis les années 1950-1960, il a fallu attendre 1997 pour que la France en interdise définitivement l'utilisation. La santé de millions de nos concitoyens a donc été sacrifiée aux intérêts de quelques multinationales françaises, du fait de l'immobilisme des industriels et de l'État, ce dernier ayant été la cible d'un lobbying intensif.
Deuxièmement, les victimes de l'amiante et leur famille ont dû, malgré leur affaiblissement physique, psychologique et financier, mener un combat long et douloureux contre le lobby industriel pour faire reconnaître leurs souffrances. Aujourd'hui, c'est un nouvel affront qui leur est fait avec cette demande de remboursement adressée, dans la froideur la plus totale, à dix-sept victimes, d'autant que cette demande pourrait, à terme, en concerner plusieurs centaines.
Troisièmement, alors que les malades et leurs proches s'épuisent à lutter contre les employeurs, la mise en examen des responsables français de cinq usines du groupe Eternit a été annulée le 16 décembre dernier.
En 2007, le Président de la République avait fait campagne sur la valeur travail. On ne peut pas demander aux travailleurs de s'engager davantage et les laisser tomber quand ils paient cet engagement de leur santé et de leur vie ! Je vous pose donc les questions suivantes, monsieur le ministre.
Tout d'abord, compte tenu de la situation très douloureuse vécue par les victimes concernées par l'arrêt de la cour d'appel de Douai et dans la mesure où plusieurs ministères et administrations centrales siègent au conseil d'administration du FIVA, qu'attendez-vous pour faire preuve d'humanité en demandant à ce conseil d'administration de renoncer à réclamer aux victimes le remboursement, du fait de la remise en cause de la linéarité, d'une partie des indemnités qu'elles ont perçues ? En effet, le simple échelonnement du remboursement accompagné d'un examen des dossiers au cas par cas ne constitue pas une solution acceptable.
Ensuite, pour éviter que des centaines de personnes soient victimes d'une telle jurisprudence, pouvez-vous également enjoindre le FIVA à cesser de remettre en cause la linéarité devant les cours d'appel ? De toute manière, à notre connaissance, aucun vote du conseil d'administration du FIVA n'a autorisé la direction à engager la responsabilité du fonds dans cette stratégie judiciaire.
Enfin, plus généralement, avez-vous l'intention d'accomplir enfin la réforme de la loi de 1898 sur la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, afin de régler la question de l'indemnisation intégrale des préjudices des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles ? (Mme Corinne Bouchoux applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Madame Archimbaud, vous avez participé, le 14 février dernier, à une séance de questions cribles thématiques posées à Xavier Bertrand, au cours de laquelle la situation des personnes concernées par les arrêts de la cour d'appel de Douai a été largement abordée. Je me limiterai donc à rappeler ce qu'il vous a déjà clairement exposé.
Premièrement, à ce jour, aucun commandement de payer n'a été adressé aux personnes concernées par ces arrêts. Ce qui leur a été signifié par huissier, c'est la décision de la Cour de cassation sur la base de laquelle la cour d'appel s'est prononcée. Il me paraît normal que, lorsque la plus haute juridiction de notre pays se prononce sur un dossier, les personnes concernées en soient informées.
Deuxièmement, il a été demandé au FIVA de traiter ces situations au cas par cas avec le maximum d'humanité et, pour ce faire, de recevoir les avocats de ces personnes afin d'examiner les solutions les plus adaptées à leur situation.
Troisièmement, ces solutions consisteront soit dans l'octroi de larges délais de paiement, soit, pour les cas les plus difficiles, dans la remise totale ou partielle de la dette. Cependant, je le répète, chaque dossier sera réglé au cas par cas, parce que c'est ainsi que nous pourrons assurer une véritable équité dans le règlement des difficultés de ces personnes.
Je souhaite également rappeler que les arrêts de la cour d'appel de Douai font suite au choix de ces personnes, ou plus exactement de leurs avocats, de contester l'offre que leur avait faite le FIVA. Or cette offre était conforme à la doctrine arrêtée par le conseil d'administration du FIVA, qui a décidé que la réparation serait d'autant plus importante que le préjudice est grave.
S'agissant plus généralement de la réparation des accidents du travail et maladies professionnelles, une réforme interviendra dans le cadre du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, sur la base des conclusions du groupe de travail présidé par Mme Ruellan, ancienne présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, qui a été désignée le 6 juin dernier pour diriger un groupe de travail chargé de formuler des propositions de modification.
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, que j'ai écoutée attentivement.
Je tiens à souligner que, à ce jour, aucune victime condamnée à des remboursements n'a bénéficié ne serait-ce que d'un rééchelonnement. Pour l'instant, les victimes n'ont reçu aucune réponse, aucun signal. Cela devient difficile à vivre pour elles.
Je rappelle que les victimes ont bien indiqué qu'elles étaient prêtes à rembourser les sommes correspondant à la déduction de la rente. C'est la partie relative à la linéarité qui pose problème. Je n'ai pas le temps de développer ce point, mais les conséquences financières sont extrêmement graves pour les victimes. D'après les informations que nous avons, au sein du conseil d'administration du FIVA, les représentants de l'autorité de tutelle, c'est-à-dire du ministère, n'ont pas clairement renoncé à la stratégie judiciaire en cours, qui, je le répète, pourrait concerner plusieurs centaines de personnes.
Enfin, s'agissant du groupe de travail conduisant une réflexion sur la réparation des accidents du travail et maladies professionnelles afin de mettre un terme aux injustices existantes, notre système traitant de manière inégale les différentes victimes, à ma connaissance, les principales associations partenaires ne sont pas informées. Nous nous étonnons donc de la lenteur avec laquelle ce groupe de travail est mis en route.
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