Question de Mme SITTLER Esther (Bas-Rhin - UMP) publiée le 12/07/2012
Mme Esther Sittler attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les lacunes de l'article 226-1 du code pénal.
En effet, cet article ne prévoit de sanctions lors de l'atteinte à l'intimité de la vie d'autrui que lorsque l'image de la personne a été enregistrée à son insu et contre son gré dans un lieu privé et non dans un lieu public.
Or, ces derniers temps, de nombreux cas d'atteinte de ce type, plus précisément des cas de voyeurisme, ont été constatés dans des lieux publics, tels des supermarchés.
Du fait de ce vide juridique, les victimes n'ont pu avoir réparation.
Elle lui demande par conséquent s'il ne conviendrait pas de modifier le code pénal afin de combler ce vide juridique et punir ainsi de tels actes extrêmement traumatisants pour les femmes qui en sont victimes.
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 27/12/2012
L'article 226-1 du code pénal punit d'un an d'emprisonnement et de 45 000 d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, de porter volontairement atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui, soit en captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ; soit en fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé. Constituent traditionnellement des lieux ouverts au public les lieux dont l'accès est libre (plages, jardins, promenades publiques...) ainsi que les lieux dont l'accès est possible, même sous condition, dans la mesure où toute personne qui le souhaite peut remplir cette condition (paiement d'une place de cinéma ou de théâtre par exemple). Les commerces (cafés, restaurants, magasins), les établissements bancaires, les gares, les aéroports et les différents modes de transport en commun sont ainsi des espaces publics. La jurisprudence judiciaire considère que le lieu privé doit être conçu comme un endroit qui n'est ouvert à personne sauf autorisation de celui qui l'occupe d'une manière permanente ou temporaire (CA Besançon, 5 janvier 1978). Cependant, s'agissant de la captation d'image, et dans un souci de protection de l'intimité de la vie privée, les juridictions judiciaires sont parfois amenées à élargir la notion de lieu privé en considérant qu'un supermarché, par exemple, est un lieu privé (Cass. crim. , 14 mars 1984). En l'état de cette interprétation du 2° de l'article 226-1 du code pénal, les atteintes dénoncées par l'honorable parlementaire tombent sous le coup de la loi pénale. Ces faits sont néanmoins appréciés in concreto par les juridictions dans la mesure où des systèmes de vidéosurveillance peuvent être mis en place, sous certaines conditions, par les personnes privées propriétaires de l'établissement, sans qu'elles puissent être condamnées de ce chef. Il est également possible, parfois, de différencier, au sein d'un lieu public, un lieu particulier (toilettes, cabines d'essayage) devenant un lieu privé (CA Besançon, 5 janvier 1978). Toutefois, la jurisprudence refuse de faire dépendre le caractère public ou privé d'un lieu, de la nature de la scène qui s'y déroule, alors que ce lieu est public par sa destination même, ce qui conduirait à insérer dans le texte légal une modalité qui n'y figure pas et à donner de la loi une interprétation extensive (t. corr. Aix-en-Provence 16 octobre 1973). Ainsi, dans les cas où les juridictions considèrent que les atteintes évoquées sont commises dans un lieu devant être considéré comme public, leur répression sur le fondement de l'article 226-1 2° du code pénal n'est en effet pas possible. Toutefois, les faits qualifiés en l'espèce de « voyeurisme », qui consistent à placer des capteurs d'images portant atteinte à l'intimité des femmes, à leur insu, dans des lieux publics, peuvent également être poursuivis par les juridictions sur la base d'autres fondements légaux, et notamment celui des violences volontaires. En effet, il est de jurisprudence constante qu'en visant les violences volontaires, le législateur a entendu réprimer tout comportement de nature à causer une atteinte à l'intégrité physique ou psychique de la personne, notamment celui qui, sans l'atteindre matériellement, est cependant de nature à provoquer un choc émotif ou une perturbation psychologique (Cass. 19 février 1992, Cass. crim. , 2 septembre 2005). Récemment, le législateur a instauré un article 222-14-3 au code pénal, disposant que les violences de nature criminelle et délictuelle prévues par le code pénal sont réprimées quelle que soit leur nature, y compris s'il s'agit de violences psychologiques. Les faits dénoncés par le parlementaire étant des violences psychologiques systématiquement commises avec la circonstance aggravante de préméditation revêtent la qualification délictuelle et sont punis de trois ans d'emprisonnement et 45 000 d'amende dès lors qu'ils se traduisent par une incapacité temporaire de travail inférieure ou égale à huit jours. Il n'y a donc pas de vide juridique s'agissant de ces infractions, qui sont réprimées pénalement en l'état du droit. Par ailleurs, le droit à l'image protégé par l'article 9 du code civil est très protecteur puisqu'il permet d'interdire la fixation de l'image d'une personne physique sans son consentement, même dans un lieu public, et une action en responsabilité civile peut être engagée sur ce fondement dès lors qu'un préjudice a été causé.
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