Question de Mme BEAUFILS Marie-France (Indre-et-Loire - CRC) publiée le 26/07/2012
Mme Marie-France Beaufils attire l'attention de M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche, sur la situation du fret SNCF en dégradation constante depuis ces dernières années tant économiquement que financièrement.
Elle constate que la part du ferroviaire dans le transport de marchandises en France est passée de 30 % en 1984 à 16,6 % en 2000 jusqu'à tomber à 8,8 % en 2010, alors que le Grenelle de l'environnement avait fixé l'objectif de porter la part modale du non-routier et du non aérien à 25 % pour 2022. Elle a vérifié qu'en 2000 Fret SNCF transportait 55 milliards de tonnes kilomètres, avec un déficit de 50 millions d'euros pour ne plus transporter que 15 milliards de tonnes kilomètres en 2011 pour un déficit proche de 450 millions d'euros.
Elle rappelle que la fermeture de 262 gares de triages, la suppression du wagon isolé, l'augmentation brutale des tarifs et la libéralisation à outrance du transport ont conduit des chargeurs à faire le choix de la route au détriment du transport par rail. Elle a vérifié cette situation sur le site de Saint-Pierre-des-Corps et ses conséquences. Elle estime inacceptable l'engorgement des réseaux autoroutiers, avec des taux de pollution à la hausse aux répercussions importantes sur la santé publique et le climat.
Elle estime que les enjeux environnementaux, sociaux et économiques exigent une autre politique du transport ferroviaire de marchandises. Elle lui demande quelle nouvelle orientation donnera le Gouvernement à la SNCF pour que le redressement du fret ferroviaire se produise enfin et quelles mesures immédiates et urgentes sont à l'ordre du jour pour inverser la tendance.
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Réponse du Ministère chargé des transports, de la mer et de la pêche publiée le 03/10/2012
Réponse apportée en séance publique le 02/10/2012
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le ministre, le fret ferroviaire SNCF est en chute constante. J'ai interpellé, ici même à de nombreuses reprises, les différents ministres des gouvernements successifs. Malgré les discours, malgré les bonnes intentions du Grenelle de l'environnement, la situation ne fait qu'empirer chaque année un peu plus.
La part du ferroviaire dans le transport de marchandises en France est passée de 30 % en 1984 à 9,5 % en 2011, avec un nouveau recul en 2012, alors que le Grenelle de l'environnement avait fixé l'objectif de porter la part modale du non-routier et du non-aérien à 25 % pour 2022.
Cela est d'autant plus incompréhensible et absurde économiquement que ce recul se produit dans une période d'augmentation des prix du pétrole, qui ont été multipliés par trois depuis 2000 et qui risquent de doubler à l'horizon 2025.
Le transport routier de marchandises continue, lui, d'augmenter : il représente 88,3% de la part du marché et porte la responsabilité de 93,7% des émissions de gaz à effet de serre du secteur du transport, sans compter les autres polluants ayant des conséquences sur la santé et les milieux naturels.
Les chargeurs sont bien souvent contraints de faire ce choix du transport routier par manque de proposition viable par voie ferrée. Nous savons que des clients n'obtiennent pas toujours les réponses à leurs demandes. Je peux vous dire, monsieur le ministre, qu'ils seraient plus nombreux à faire le choix du transport par voie ferrée s'ils se sentaient plus écoutés.
Ne faudrait-il pas décentraliser les services commerciaux en région afin d'apporter une réponse adaptée et pertinente aux chargeurs ?
La création des autoroutes ferroviaires, que l'on nous donne toujours comme perspective - c'est en tout cas la réponse que l'on m'a systématiquement faite - ne permettra pas, à elle seule, de redresser la situation. On sait que ce système ne peut, au plus, transporter que 0,5 % à 1 % des marchandises.
C'est une réponse économique, sociale et financière globale qui doit être élaborée pour répondre aux besoins de ce secteur. Mais cela ne pourra se faire sans un engagement politique.
Il faudrait amplifier le travail entrepris sur la qualité du réseau alors qu'une récente enquête de la Cour des comptes effectuée à la demande de la commission des finances fait état d'une grave incertitude sur le financement futur de l'effort de rénovation du réseau.
Il faut également rouvrir, de toute urgence, les gares de fret fermées par le précédent gouvernement, et les moderniser.
Il faut remettre sur les rails les wagons isolés qui ont fait leur preuve chez nous et qui continuent à se développer dans d'autres pays européens, comme en Allemagne, si souvent donnée en exemple, alors que la France est en forte régression.
Le Centre d'analyse stratégique a émis récemment des préconisations, dont certaines sont intéressantes. L'une d'elles en particulier vise à encourager le développement de plateformes multimodales.
Le 13 septembre 2007, j'interpellais ici même Dominique Bussereau, alors secrétaire d'État aux transports, en ces termes : « La gare de triage de Saint-Pierre-des-Corps pourrait devenir le grand hub manquant sur ce territoire, car c'est un point stratégique pour les grandes circulations nord-sud et ouest-est. »
Le 22 juillet 2010, il reconnaissait la pertinence de notre site et déclarait : « Saint-Pierre-des-Corps est une plaque tournante importante. » Mais depuis, aucune réponse concrète n'a été apportée.
La grande région Ouest est abandonnée en matière de transport ferroviaire ! C'est un sentiment largement partagé. Mettons-nous autour de la table, monsieur le ministre. Un groupe de travail pourrait se réunir, à votre initiative, sur Saint-Pierre-des-Corps et travailler à cette dynamisation avec les partenaires du fret SNCF. Le potentiel existe véritablement.
Cela va dans le sens de la décision de votre ministère de mettre en place une « commission des sages » afin d'évaluer les projets d'infrastructures de transports en vue d'un meilleur aménagement du territoire.
C'est par une politique volontariste orientée vers le développement du trafic et non par sa réduction que le fret SNCF pourra trouver un nouveau rebond.
Monsieur le ministre, je vous demande donc aujourd'hui quelle nouvelle orientation donnera le Gouvernement à la SNCF pour que le redressement du fret ferroviaire se produise enfin et quelles mesures immédiates et urgentes sont à l'ordre du jour pour inverser la tendance.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question, qui met en exergue tout l'intérêt que vous portez au ferroviaire, particulièrement au fret.
Vous l'avez justement signalé, les déclarations ont été nombreuses dans le cadre du Grenelle de l'environnement, qui avait vertueusement fixé l'objectif ambitieux de porter la part du transport alternatif à la route de 14 % à 25 % à l'horizon de 2022. Cela devait passer par la nécessaire reconquête de parts de marché du fret ferroviaire.
Les annonces du précédent gouvernement, comme vous l'avez vous-même souligné, étaient louables en la matière mais elles n'ont pas été suivies d'effet. Le Gouvernement actuel est déterminé à redonner sa juste place au fret ferroviaire, qui est un mode écologique et sûr dans le cadre d'une politique de report modal vers les transports les plus respectueux de l'environnement.
Il ne s'agit pas pour moi de faire de grandes annonces, nous n'en avons eu que trop d'exemples, mais bien de prendre en compte de façon pragmatique le dossier du fret ferroviaire, comme vous m'y invitez, afin de lever les blocages réels en mettant en place des mesures destinées à renforcer la pertinence et la performance des opérateurs.
Donc, il n'est pas question ici d'annoncer des mesures miracles mais bien d'afficher des objectifs qui soient à la fois réalistes et qui permettent d'affirmer la volonté et l'ambition du Gouvernement de répondre à cet enjeu.
Vous l'avez souligné, il faut que les freins, notamment la pertinence de la demande locale, puissent être pris en compte et que le développement du fret ferroviaire passe par des actions pratiques.
Les autoroutes ferroviaires, que vous avez évoquées, seront un axe de développement, mais je ne veux pas suivre l'exemple de mes prédécesseurs, qui, depuis 2007, dites-vous, vous renvoient dans leurs réponses à la seule perspective des autoroutes ferroviaires. Encore faut-il, pour qu'il y ait autoroutes ferroviaires, qu'il y ait pertinence des sillons, notamment que des corridors puissent être mis en place en fonction d'un plan d'aménagement du territoire.
Les services du ministère travaillent actuellement sur cette question afin de favoriser une connexion entre ces autoroutes ferroviaires et les ports français, notre façade portuaire pouvant constituer un élément fort de la compétitivité française. C'est en effet en irriguant par des infrastructures pertinentes l'hinterland que nous réussirons à désenclaver les ports français, et c'est en mettant en place des plateformes portuaires de transport combiné que nous favoriserons le développement de ce mode de transport.
Il y a quelques jours, la solution heureuse - en tout cas moins malheureuse que nous ne le redoutions - trouvée pour Novatrans a permis de sauver plusieurs centaines d'emplois. C'est à la fois une satisfaction mais aussi un motif de regret puisque cela signifie que l'opérateur ferroviaire historique se retire de ce transport combiné.
Il faut donc le réorienter, il faut porter une exigence, notamment vis-à-vis de Fret SNCF, de manière que, dans le cadre de rencontres régionales, les demandes, là où elles existent, puissent être analysées, et que l'opérateur de fret soit en mesure de fournir aux entreprises un service de qualité répondant à leurs besoins.
Les petites entreprises seront effectivement les donneurs d'ordre et un certain nombre d'opérateurs, aujourd'hui, apparaissent sur le marché.
Pour autant, tant que nous n'aurons pas réglé la question de l'écart de coût parfois extrêmement sensible entre la route et le rail, la compétitivité du ferroviaire restera insuffisante.
À cet égard, la mise en place de l'écotaxe poids lourds permettra, bien évidemment, de financer des projets d'aménagement. J'ai parlé des plateformes, du rehaussement du niveau de qualité du réseau ferroviaire qui est, comme vous l'avez signalé, extrêmement préoccupant.
Il s'agit non pas de jouer la route contre le fer ou le fer contre la route mais bien de développer une vision combinée de l'ensemble des modes de transports, notamment de marchandises, sachant que, derrière tout cela - c'est vrai à Saint-Pierre-des-Corps comme ailleurs -, c'est l'emploi, en particulier l'emploi ferroviaire, qui compte.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le ministre, j'ai bien entendu votre réponse. Je crois en effet - et c'est le sens de ma question - qu'il faut examiner comment, régionalement, un certain nombre de problèmes pourraient trouver une réponse.
Nous constatons qu'un certain nombre de trains qui, autrefois, prenaient du fret en passant par notre gare continuent de la traverser mais ne prennent plus de fret. Cela signifie qu'on a modifié la conception dans laquelle on travaillait mais que, parallèlement, on n'a pas apporté de réponse à ceux qui étaient utilisateurs du fret jusqu'à maintenant et que l'on renvoie vers la route un certain nombre d'opérateurs qui étaient pourtant très intéressés par la conservation de ce fret.
Par ailleurs, au motif de mieux équilibrer les comptes, on fait aux entreprises qui jusqu'à maintenant utilisaient le fret des propositions dans lesquelles les prix sont multipliés par deux ou par trois : il est évident que la route est alors choisie prioritairement.
J'espère donc que votre proposition d'accélérer la mise en uvre de la taxe poids lourds - qui, depuis le temps qu'il en est question, n'est pas sans rappeler l'Arlésienne ! - nous aidera à mieux faire prendre en compte la réalité du coût du transport routier. D'autres mesures en ce sens, que je n'évoquerai pas dans cette courte intervention, seront nécessaires.
Mon souci, c'est vraiment qu'on puisse trouver des solutions concrètes. Je serai donc amenée à prendre contact avec votre cabinet, monsieur le ministre, afin que puisse être mené un travail peut-être plus spécifique sur l'avenir régional du fret ferroviaire.
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