Question de M. DOMINATI Philippe (Paris - UMP) publiée le 02/08/2012
M. Philippe Dominati attire l'attention de M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche, sur le projet visant à réaménager les voies sur berges lancé en 2010 par le maire de Paris. Sur la rive droite, entre le pont Notre-Dame et le pont d'Austerlitz, le projet prévoit l'installation de feux ainsi que la suppression d'une voie de circulation afin d'aménager une promenade piétonne. En ce qui concerne la rive gauche, il est prévu entre le pont Royal et le pont de l'Alma, soit sur 2,3 km, la fermeture totale à la circulation des voies sur berges.
Suite à des études d'impact insuffisantes, le précédent gouvernement avait estimé préférable de mettre un terme au projet. En effet, aux heures de pointe, 4 000 véhicules empruntent les bords de Seine chaque heure. Or, aucune solution efficace de report de circulation n'est envisagée, et la fermeture de la voie rapide de la rive gauche provoquera des embouteillages sur les voies hautes des quais et les axes adjacents, ainsi qu'une augmentation notoire de la pollution. Par ailleurs, le montant total des travaux a été estimé à 35 millions d'euros, auquel s'ajouterait un coût de programmation et de maintenance de 5 millions annuels, supportés par les Parisiens qui se sont pourtant révélés- selon le rapport de l'enquête publique- contre ce projet à 78,2 %.
Il considère pour sa part qu'il est nécessaire de revoir l'infrastructure existante depuis plus de quarante ans. Le face à face entre les partisans du statut quo et les dogmatiques de la majorité municipale contre l'usage de l'automobile dans une capitale européenne, conduit le Gouvernement à une position partisane mais dénuée de responsabilité. Lorsqu'il constate que des centaines de millions de travaux sont engagés dans les infrastructures routières du périmètre de la région Ile-de-France, pourquoi l'État, la région et la ville de Paris proposent- ils aux Parisiens un projet au rabais ?
À quelques centaines de mètres du cœur historique de Paris, il est nécessaire de reprendre un projet structurant qui concilie une double vision répondant à la fois à l'aménagement nécessaire des voies sur berges et à la fluidité du trafic routier. Ce projet, c'est la mise en souterrain de la voie rapide ou sa couverture.
Il lui demande de procéder à la réouverture des études faites en ce sens il y a de nombreuses années et d'avoir une vision ambitieuse pour notre capitale.
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Réponse du Ministère chargé des transports, de la mer et de la pêche publiée le 10/04/2013
Réponse apportée en séance publique le 09/04/2013
M. Philippe Dominati. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite, par cette question, attirer à nouveau l'attention du Gouvernement sur l'aménagement ou le réaménagement des voies sur berges au cur de notre capitale.
Sur la rive droite, il s'agit de couper le flux de circulation ; sur la rive gauche, les voies sur berges ont été purement et simplement fermées. Or ces voies connaissaient un trafic automobile de l'ordre de 30 000 véhicules par jour, et jusqu'à 4 000 véhicules par heure. Tous les Parisiens, tous ceux qui sont concernés par l'activité économique de la capitale connaissent ces chiffres.
La première motivation de cet aménagement répond à des raisons de bien-être et d'écologie. Or, dans la pratique, nous enregistrons des pics de pollution depuis la mise en place du dispositif. D'ailleurs, les sondages montrent que 70 % à 80 % des Parisiens sont hostiles à cet aménagement.
Au-delà du souci écologique, il convient de se demander qui paie l'aménagement des voies sur berges ? Or le financement repose sur l'effort unique de la municipalité, alors que ces voies sont empruntées par de très nombreux citoyens franciliens. Leur aménagement devrait donc relever de la compétence de la région.
Je suis partisan d'un aménagement des voies sur berges et des abords du fleuve, comme cela s'est fait dans toutes les grandes capitales européennes ou dans toutes les villes françaises traversées par un fleuve. Il n'est évidemment pas envisageable de conserver l'infrastructure routière qui remonte à près d'un demi-siècle.
Pour autant, cet aménagement doit être conduit dans la concertation, en bonne intelligence. Or la concertation n'a pas eu lieu. Le maire de Paris avait exprimé sa volonté d'aménagement, mais compte tenu de l'insuffisance des études d'impact, le gouvernement Fillon avait purement annulé ce projet ou en avait au moins reporté la mise en uvre. C'est votre gouvernement qui a autorisé, ou sollicité, l'aménagement des voies sur berges.
Je vous remercie de votre présence parmi nous aujourd'hui, monsieur le ministre. Je vous ai déjà interrogé à plusieurs reprises sur des affaires concernant le Grand Paris. Mais il est vrai que c'est un domaine où les décisions sont prises parfois par le Premier ministre, parfois par le ministre des finances, par exemple en ce qui concerne la taxe spéciale d'équipement.
À la vérité, aujourd'hui, je m'attendais à voir le ministre de l'intérieur me répondre, car Paris est une ville particulière, où les pouvoirs de police du maire - vous avez été maire, vous connaissez donc bien la nature du mandat municipal - sont détenus non pas par le maire de Paris, mais par le préfet de police, et que celui-ci dépend uniquement et strictement du ministre de l'intérieur. Or M. Valls s'est exprimé tout récemment, le 16 février, dans un quotidien parisien - c'est un peu notre quotidien régional à nous - en expliquant, à propos de cet aménagement, qu'il s'agissait d'une aberration !
Monsieur le ministre, qu'a fait le Gouvernement depuis le 16 février ? Que s'est-il passé depuis que le ministre de l'intérieur, patron direct du préfet de police, a déploré la perturbation quotidienne qui résulte pour la capitale de l'aménagement des voies sur berges ? Où en sommes-nous ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, je vous remercie d'avoir exprimé votre satisfaction de me voir ici présent et de pouvoir m'interpeller. Sachez que cette satisfaction est réciproque, votre question me donnant l'occasion de pouvoir m'exprimer sur le thème de la mobilité et sur l'ambition que nourrissent différentes villes, dont Paris, de reconquérir les berges du ou des fleuves qui les traversent.
Paris est une ville mondialement reconnue pour son patrimoine, son histoire, sa grandeur. Dès lors, il importe de pouvoir y concilier son image, les différents modes de transport et l'aménagement de l'environnement urbain. Cette finalité est souhaitée par les citoyens et recherchée par la puissance publique.
Comme vous le soulignez, la modernisation des infrastructures doit prendre en compte à la fois les différents usages - qui peuvent entrer en conflit - et la nécessité de faciliter l'accès à un certain nombre de quartiers, tandis qu'une réflexion doit être conduite sur les transports plus vertueux. À cet égard, le fluvial peut, lui aussi, être une source de développement.
Nous n'avons pas fini de réinventer l'usage de la ville et de repenser les modes de transport urbains. De ce point de vue, la capitale est un vrai laboratoire, et je tiens à saluer les initiatives qui sont prises par sa municipalité, par son maire, qui a une vraie vision, qui a l'ambition de redonner toute sa splendeur à cette ville qui est pour nous source de fierté.
Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur les aménagements en cours. Mon intention n'est pas de faire le point sur l'évolution de ce chantier, mais je vous rappelle que la fermeture des quais bas de la rive gauche date du 28 janvier dernier et qu'il est prévu de réaliser un certain nombre d'aménagements flottants. L'ouverture du site au public, à partir de juin 2013, est très attendue : elle donnera une perspective estivale agréable aux visiteurs, mais également aux habitants de Paris, qui pourront bénéficier d'une amélioration de la qualité de leur environnement.
Je tiens à vous signaler, puisque vous avez abordé la question des compétences, que tout ce qui concerne l'aménagement urbain et l'urbanisme relève bien entendu de la Ville de Paris. D'ailleurs, les bords de Seine appartiennent à son réseau. Sur ces sujets, ce n'est donc pas l'État que vous devez interpeller !
En revanche, l'État a la charge de la réglementation, notamment celle de la circulation routière. Dès lors, la préfecture de police est dans son rôle lorsqu'il s'agit de la réglementation.
Vous avez évoqué les conséquences de ces aménagements.
Un certain nombre d'études ont été réalisées. Des sondages et des comptages effectués en temps réel indiquent, par exemple, que la répercussion du réaménagement des berges de la Liane sur les temps de parcours est faible : entre une et trois minutes ; cela dépend évidemment des heures de circulation.
Sur la pollution atmosphérique, vous avez raison de souligner que nous avons beaucoup d'efforts à faire. D'ailleurs, je vous rappelle que la France risque d'être condamnée en manquement en raison de l'inaction de nos prédécesseurs. Pour que l'on ne nous accuse pas de ne pas répondre à nos engagements européens, avec l'ensemble des membres du Gouvernement, Delphine Batho et moi-même sommes en train de mettre en place un véritable dispositif pour l'amélioration de la qualité atmosphérique.
Vous appelez de vos vux la mutualisation des espaces et des voiries. Dans toutes les agglomérations, les villes-centres sont toutes confrontées au problème d'une voirie qui leur appartient mais qui est empruntée par des usagers habitant hors de leur territoire. Il va de soi que Paris n'échappe pas à phénomène ; c'est même le contraire qui serait surprenant !
Vous dites qu'il s'agit d'un enjeu de voirie régionale. Mais la région n'a pas de compétence routière ni de domaine public routier ! À moins que vous n'amendiez en ce sens le texte sur la décentralisation qui sera bientôt soumis à votre examen... Du reste, vous êtes en deçà de la réalité puisque, à voir qui sont les usagers des voies sur berges, la responsabilité devrait être d'ordre national, voire international !
Les voies concernées relevant du domaine public communal, c'est à la collectivité qu'il appartient de mobiliser la population pour que l'ambition de redonner tout son faste à l'environnement urbain et d'améliorer la qualité du cadre de vie parisien devienne un objectif partagé.
Monsieur Dominati, je ne doute pas que, dans quelques semaines, vous assisterez à l'inauguration de ces aménagements et que vous applaudirez avec le public, qui sera enthousiasmé par cette transformation qui va dans le sens d'une reconquête de la ville. (M. André Gattolin applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Monsieur le ministre, je vous ai posé une question précise, à laquelle j'attendais une réponse précise. Au lieu de cela, vous me donnez l'impression de lire la plaquette de présentation du maire de Paris ! (Sourires.)
Vous me dites que ce dernier a une vision, qu'il a une ambition. Il a surtout l'ambition de partir à la retraite, lui qui est en poste depuis douze ans, puisque nous savons qu'il ne va pas se représenter.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Méfiez-vous ! Ne le poussez pas trop ! (Nouveaux sourires.)
M. Philippe Dominati. Je vous pose une question précise, et vous semblez presque me lire un programme électoral... Monsieur le ministre, étant tous deux engagés en politique, nous savons tous deux ce qu'il en est !
Vous ne l'ignorez pas, la région d'Île-de-France investit dans des infrastructures routières : on couvre le périphérique, on couvre des voies d'autoroute dans des départements limitrophes de Paris et, à cinquante mètres de Notre-Dame, on ne serait pas capable à la fois d'aménager le site et de préserver l'activité économique de la capitale en aménageant des voies rapides couvertes ? On fait un projet « à l'économie » ! Certes la somme en jeu n'est pas négligeable, mais elle n'est rien au regard des 2,5 kilomètres à aménager de part et d'autre du fleuve !
L'État devrait intervenir. Vous affirmez qu'il n'en a pas les pouvoirs. Pourtant, vous disposez bien du pouvoir de réglementation ! De surcroît, dans ses pouvoirs de police, le préfet relève bien du ministre de l'intérieur. Et celui-ci fait une grande déclaration dans un journal parisien pour critiquer cet aménagement. Depuis, qu'a fait le Gouvernement ? Rien !
Vous me parlez d'aménagements flottants, de remise en valeur de la Seine. Mais, à peine élu, il y a douze ans, le maire de Paris avait déjà dit qu'il s'attaquerait à l'axe de la Seine.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Oui !
M. Philippe Dominati. Et, il y a encore plus longtemps, quand M. Huchon est arrivé à la tête de la région, lui aussi a promis de s'occuper de la Seine. Une société mixte a même été créée à cette fin. Elle a fait faillite il y a un an et nous sommes aujourd'hui obligés de la renflouer !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Et le fret fluvial ?
M. Philippe Dominati. Voilà dix ans que le projet capote régulièrement...
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Non !
M. Philippe Dominati. ... et vous me parlez d'une ambition nouvelle !
Monsieur le ministre, il n'y a pas que les aménagements qui soient flottants : la position du Gouvernement sur le sujet l'est tout autant ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Il ne sert à rien que le ministre de l'intérieur fasse semblant de critiquer le projet dans la presse en disant que l'activité économique est en danger à Paris si un autre membre du Gouvernement nous invite à l'inauguration et nous promet que nous serons ravis ! Non, monsieur le ministre, je ne suis pas ravi, et les Parisiens ne le sont pas non plus !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. On verra !
M. Philippe Dominati. Prenez une position ferme et faites entendre votre voix sur les sujets parisiens, dont je sais qu'ils vous intéressent. Vous qui avez été élu local, ne laissez pas les choses se faire au petit bonheur la chance, à un an des élections, alors que la majorité municipale est en place depuis douze ans !
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