Question de M. DOMINATI Philippe (Paris - UMP) publiée le 02/08/2012

M. Philippe Dominati attire l'attention de Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement sur l'avenir du Grand Paris.

Au cours des deux derniers siècles, la région capitale a connu quatre réformes majeures : la première sous Napoléon III avec Hausmann, la deuxième avec le général de Gaulle et la création des huit départements d'Ile-de-France, la troisième avec M. Valéry Giscard d'Estaing et la décision de création d'un maire à Paris. La quatrième a simplement été entamée par le Président Nicolas Sarkozy en impulsant le concept du Grand Paris.

Il appartient maintenant à son successeur d'amplifier cette réforme ou de l'enterrer. Cette responsabilité rentre dans l'histoire, d'autant qu'il considère que le concept défini par le président de la République a été dénaturé dans sa traduction législative et la dérive technocratique qui a suivi. La vision présidentielle du Grand Paris devait s'établir à partir de la définition d'un périmètre, d'une gouvernance et d'un budget autonome.

Dans la mesure où elle reprend ce projet, il lui demande de lui préciser quelles sont ses intentions quant au périmètre exact recouvert par le Grand Paris ?

Concernant la gouvernance, il observe, étant donnée la participation financière attendue des collectivités territoriales, que faire primer l'État au sein du système de gouvernance des établissements publics semble discutable. Elle propose une participation du STIF à la gouvernance assurée également par la SGP, sans envisager de dissoudre ni l'une ni l'autre de ces institutions. Cet éclatement de la gouvernance ne peut que paralyser l'avancement des travaux et leur financement, tout en diluant les responsabilités financières et politiques au détriment des futurs usagers. La gouvernance du projet ne devrait-elle pas revenir aux pouvoirs locaux plutôt qu'à l'État ?

Concernant le budget il constate que 32,4 milliards d'euros ont été alloués à la réalisation du Grand Paris, 11,9 milliards allant à la modernisation du réseau existant et 20,5 à la réalisation du métro automatique. En augmentant la part du budget destiné à l'amélioration du réseau existant, les fonds pour agrandir le nouveau réseau ne seront plus suffisants. Les précédents EOLE et METEOR dont les budgets ont explosé ne sont pas si lointains… Qui paiera ? Les franciliens vont-ils devoir supporter une hausse conséquente de la taxe spéciale d'équipement créée spécialement pour financer le Grand Paris ? Quel est le montant exact des dépenses engendrées à ce jour dans le cadre du Grand Paris ?

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Réponse du Ministère de l'égalité des territoires et du logement publiée le 03/10/2012

Réponse apportée en séance publique le 02/10/2012

M. Philippe Dominati. Madame la ministre, au cours des derniers siècles, Paris et la région capitale ont connu quatre révolutions majeures : Haussmann et sa transformation de Paris, Charles de Gaulle et la création de huit départements en 1965, Giscard d'Estaing et sa volonté de donner un maire à Paris et, d'une manière générale, de faire évoluer le pouvoir régional, enfin Nicolas Sarkozy et le projet de Grand Paris, auquel il a donné une impulsion nouvelle, contemporaine, correspondant à la région moteur de notre pays.

Cette impulsion devait normalement reposer sur trois principes : une gouvernance, un périmètre et un budget. Mais, au fur et à mesure, la concrétisation de l'intention présidentielle a été détournée par les ministres successifs. Je dirai que, pour l'instant, le Grand Paris est essentiellement un projet technique ou technocratique, avec une société d'État, un système de transport, des investissements disséminés dans la recherche, dans le développement économique ou éventuellement le logement, et qu'il manque de cohésion.

Il appartient au nouveau président de la République de poursuivre l'impulsion donnée par son prédécesseur, de s'attaquer au problème institutionnel, au problème financier et peut-être au problème technique, qui est le plus engagé, celui des transports.

Ma question, en ce début de mandature, est de savoir quelles sont les intentions du Gouvernement, car il y a urgence !

Il y a urgence sur le plan institutionnel, en raison de la remise en cause de la réforme des collectivités territoriales et de la nécessité d'une gouvernance ou d'une cohésion. Votre sensibilité politique ayant tous les pouvoirs - l'État, la région, la ville -, il est donc assez simple de définir éventuellement un projet de gouvernance !

Il y a également urgence sur le plan financier. En effet, pour l'instant, les Parisiens paient, et plus qu'ailleurs. Vous comme moi étions opposés à la taxe spéciale d'équipement au profit de l'établissement public Société du Grand Paris. Personnellement, je l'étais, car l'État veut toujours régenter la vie des Parisiens avec peu d'argent et décider à leur place. Allez-vous faire de même ? Sur le plan financier, je souhaite donc savoir ce que vous allez faire concernant l'évolution du réseau de transport.

Sur le plan technique des transports, j'ai dénoncé à plusieurs reprises le fait que, contrairement à toutes les autres régions d'Europe, l'État, en région d'Île-de-France, est tout le temps en retard, car il veut avoir la mainmise sur les transports collectifs.

À trois sociétés d'État, la SNCF, la RATP, RFF, on en a ajouté une quatrième : la Société du Grand Paris. Or il n'y a pas un sou !

Par conséquent, il convient de savoir ce qu'il en est, d'autant que, parallèlement, les pouvoirs du STIF ont été donnés à la région d'Île-de-France. Ma famille politique est à l'origine de cette réforme à laquelle nous avons participé.

Il y a urgence, les mois passent, mais, pour l'instant, c'est le grand silence ! Moins de quatre mois après son élection, Nicolas Sarkozy avait pris une initiative. Je vous demande d'en prendre une à votre tour.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement. Monsieur le sénateur, votre question recouvre deux sujets : d'une part, la question de la gouvernance du Grand Paris, de l'articulation entre les différents niveaux de collectivités locales ; d'autre part, la question intéressante du rôle de l'État relativement au poids politique des différentes collectivités locales.

Je citerai un premier exemple de rupture avec les pratiques passées : le projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, adopté par le Sénat puis par l'Assemblée nationale voilà quelques jours, a redéfini le lien qui unit les contrats de développement territorial prévus par la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris et le schéma directeur régional de la région Île-de-France, voté par le conseil régional. L'objectif est de rendre compatibles ces deux documents de manière que l'État n'ait pas à se substituer aux collectivités locales sur les projets d'aménagement qui sont en lien avec les questions de transport.

Les CDT devront désormais être compatibles avec le SDRIF tel qu'il aura été adopté par la région, et cette dernière ainsi que les départements territorialement concernés pourront également, à leur demande, être signataires de ces contrats.

Le Gouvernement a donc la volonté d'associer l'ensemble des acteurs. Considérant que la région d'Île-de-France est aussi la région capitale de notre pays et que, pour cette raison, l'État ne peut s'en désengager, il estime qu'il est de sa responsabilité particulière de remédier autant que faire se peut aux dramatiques sous-investissements chroniques auxquels ont eu à faire face, pendant plusieurs dizaines d'années, les transports en commun.

S'agissant de la gouvernance, le travail mené par Marylise Lebranchu, qui porte non seulement sur la modernisation de l'action des administrations de l'État mais également sur la réforme des collectivités locales et la décentralisation, prendra en compte la situation particulière de l'Île-de-France en tant que région capitale.

Le second volet de votre question porte sur le réseau de transport Grand Paris Express. Ce réseau, comme vous avez eu raison de le souligner, n'est pas au cœur du projet du Grand Paris, projet qui sera porté par l'ensemble des collectivités et par l'État, mais il est un élément important notamment pour les liaisons de banlieue à banlieue. C'est pourquoi il fait actuellement l'objet d'une mission destinée à évaluer son séquençage et son financement. À cet égard, les premiers éléments portés à ma connaissance montrent que le financement prévu pour ce réseau de transport a été sous-évalué et qu'un certain nombre des investissements nécessaires à sa réalisation n'ont pas été pris en considération. En conséquence de quoi, ce projet sera mis en œuvre sur la base d'une évaluation financière très précise et d'un séquençage en fonction de deux objectifs : la desserte des zones d'Île-de-France pour lesquelles les besoins sont les plus criants et le désenclavement des zones d'Île-de-France encore enclavées.

Parce qu'il dépasse la simple question des transports, le financement de ce projet sera garanti par l'État et par l'ensemble des acteurs qui participeront à sa réalisation.

Aussi, monsieur le sénateur, j'espère que vous serez pleinement rassuré.

M. le président. Monsieur Dominati, êtes-vous rassuré ? (Sourires.)

M. Philippe Dominati. Malheureusement, madame la ministre, vos propos ne m'ont pas tout à fait rassuré. L'exercice est difficile pour vous qui consiste à coordonner l'action de l'État entre plusieurs ministères. En réalité, j'ai le sentiment que vous n'êtes pas en mesure d'apporter des réponses. À votre côté est assis M. le ministre délégué au budget ; il eût été sympathique de sa part de vous faire un clin d'œil pour vous signifier qu'il assurera effectivement le financement du projet dont vous rêvez et dont rêvent les Parisiens. (Sourires.)

Malheureusement, la Société du Grand Paris ne dispose à ce jour ni du capital ni des financements requis pour développer ce système de transport.

Sur le plan technique - je reviendrai sur les questions institutionnelles par la suite -, il serait bon que vous mettiez un peu d'ordre. Pourquoi faut-il quatre sociétés d'État pour mettre en œuvre un projet, à la différence de ce qui se passe dans d'autres régions tout aussi performantes dans le service aux usagers, aux habitants et à l'économie régionale ? Pourquoi donc ce millefeuille administratif ? Il faut viser la performance !

Nous avons connu à Paris les projets Éole et Meteor, c'est-à-dire la bagarre entre la SNCF et la RATP. Aucun de ces projets n'a été finalisé, sauf avec vingt ans de retard par tronçon. Allons-nous recommencer, faute de moyens, avec la Société du Grand Paris ?

En outre, à partir du moment où le syndicat des transports d'Île-de-France, le STIF, dispose de moyens et d'un pouvoir régional, pourquoi ne pas en profiter pour mettre à plat cette question des transports ?

Enfin, beaucoup de gens parlent de Paris. Ces enjeux intéressent tout le monde, mais on demande rarement leur avis aux Parisiens. On leur demande juste de payer un impôt nouveau. Je note que vous vous étiez opposée à la création de ce dernier. Aussi, j'espère bien que, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances, vous soutiendrez toute initiative visant à le réduire, d'autant que la Société du Grand Paris, pour l'instant, ne rencontre aucun problème de financement. Cela serait parfaitement justifié puisque nous n'avons aucune information sur le seul tronçon prévu pour Paris intra-muros. Nous avons besoin d'investissements. Dans le XIe arrondissement, on compte 400 habitants par hectare, ce qui n'est pas le cas d'autres zones concernées par le réseau de transport. Pour autant, l'État ne réalise plus aucun investissement dans Paris intra-muros.

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