Question de M. DUPONT Jean-Léonce (Calvados - UCR) publiée le 02/08/2012

M. Jean-Léonce Dupont attire l'attention de Mme la ministre du commerce extérieur sur les difficultés des professionnels des calvados, pommeau, cidre et poiré face au développement de la contrefaçon de leurs produits.
En 2010, le montant en valeur des saisies de contrefaçon effectuées par la douane s'élève à 421 millions d'euros; ce chiffre marque une progression de 55 % par rapport à 2009. Sur les tendances, on peut noter que deux types de marchandises ont connu une forte progression : la téléphonie mobile (475 000 articles saisis) et les produits alimentaires (576 000).
Les vins et spiritueux normands n'échappent pas à ce phénomène. Ainsi, l'Interprofession des appellations cidricoles (IDAC) tire la sonnette d'alarme et dénonce une contrefaçon constatée principalement dans les pays scandinaves et baltes, membres de l'Union européenne.
La lutte contre la contrefaçon représente un coût considérable pour les entreprises victimes et les démarches pour demander la saisie des marchandises contrefaites sont particulièrement lourdes, notamment quand la contrefaçon est produite dans un pays et consommée dans ce même pays.
C'est pourquoi, il lui demande de bien vouloir lui préciser comment le Gouvernement entend aider les entreprises françaises à lutter contre la contrefaçon et encore améliorer la protection de la propriété intellectuelle en France.

- page 1748

Transmise au Ministère du commerce extérieur


Réponse du Ministère du commerce extérieur publiée le 22/11/2012

La contrefaçon est un phénomène persistant qui menace la sécurité et la santé des citoyens européens et porte préjudice à l'industrie européenne. La contrefaçon est tout d'abord dangereuse pour le consommateur. En 2011, sur les 8,9 millions d'articles de contrefaçons saisis par la douane, les produits alimentaires, produits du quotidien, représentaient 3,5 % des saisies. Ces résultats confirment les grandes évolutions relevées depuis quelques années : la contrefaçon est devenue une activité industrielle à part entière, qui relève d'organisations criminelles structurées. Elle touche désormais tous les produits de consommation courante et n'est plus réservée aux produits de luxe. Elle se trouve à portée de main du consommateur, notamment via Internet. En s'affranchissant ainsi du respect des obligations de sécurité élémentaires, auxquelles sont soumis les fabricants de produits authentiques, et en commercialisant des marchandises de mauvaise qualité, les contrefacteurs mettent sur le marché des articles pouvant présenter des risques directs pour la santé et la sécurité des consommateurs. Il apparaît qu'environ 14 % des contrefaçons saisies, hors cigarettes, par la douane en 2011, sont potentiellement dangereuses pour la santé et la sécurité des consommateurs. De plus, la contrefaçon porte un préjudice grave à l'industrie européenne. Le coût économique de la contrefaçon est très élevé et son impact est dévastateur dans le contexte économique actuel. Les petites et moyennes entreprises (PME) européennes, qui manquent souvent de ressources et de moyens pour poursuivre les contrevenants, sont particulièrement pénalisées par la contrefaçon. Enfin, au-delà des coûts directs, la contrefaçon décourage la création et l'innovation et menace à moyen terme la compétitivité des entreprises, l'investissement et l'emploi. La douane française est pleinement engagée dans la lutte contre la contrefaçon et dans la protection des droits de propriété intellectuelle (DPI). La valeur des contrefaçons saisies en France a presque quadruplé entre 2003 et 2010, passant de 116 millions à 421 millions d'euros : cela démontre l'ampleur qu'a pris le phénomène, mais également l'implication de la douane afin que ces marchandises soient retirées du circuit du commerce légitime. En ce qui concerne l'origine des marchandises contrefaisantes, il faut noter qu'elles proviennent, de manière marginale, de l'Union européenne (UE) (6 % du total des marchandises saisies) et principalement d'Asie. La douane française soutient les entreprises titulaires de droits de propriété intellectuelle dans la protection de leurs droits et dans la lutte contre les fraudes dont elles sont victimes au titre de la contrefaçon. Un des préalables de cette protection relève d'initiatives des professionnels eux-mêmes, comme l'enregistrement de leurs marques commerciales auprès d'un office de la propriété industrielle, comme l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) en France, et de leurs indications géographiques (ou appellations d'origine). En France, les appellations d'origine sont délivrées et contrôlées par l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO). Au niveau de l'UE, les demandes d'enregistrement des indications géographiques sont déposées auprès de l'État membre de la zone géographique concernée lorsque celle-ci se trouve dans l'UE. Si la zone géographique concernée se trouve dans un pays tiers, la demande peut être déposée dans tout État membre à condition d'apporter la preuve de la protection de cette indication géographique dans l'État concerné. Les demandes d'enregistrement sont ensuite transmises à la commission qui les valide. Pour les boissons spiritueuses, les indications géographiques protégées sont reprises en annexe III du règlement CE n° 110/2008. Ce préalable rempli, la douane a mis en œuvre un étroit partenariat avec les entreprises titulaires de droits de propriété intellectuelle qui repose notamment sur le dépôt de demandes d'intervention (DI) et sur la procédure de retenue, encadrés par la réglementation communautaire et la législation nationale. Ainsi, sur simple demande écrite du titulaire du droit de propriété intellectuelle, la douane est en mesure de retenir des marchandises soupçonnées de contrefaçon pendant une durée maximale de dix jours afin de permettre au titulaire du droit d'agir en justice pour faire reconnaître la réalité de l'atteinte portée à son droit. Cette démarche est entièrement gratuite pour l'entreprise. Par ailleurs, la douane dispose d'un pouvoir de saisie douanière sur les marchandises dont la contrefaçon est avérée. La forte augmentation du nombre de DI (1 450 en 2011) témoigne de l'efficacité de cette procédure. Elles concernent tous les droits de propriété intellectuelle, surtout les marques et les dessins et modèles, mais aussi des indications géographiques, ainsi que tous les secteurs économiques, le textile, les matériels informatiques, mais aussi les produits agro-alimentaires et les boissons. Aujourd'hui, la douane recense 55 DI pour des boissons. Par ailleurs, l'État français est très actif dans l'élaboration d'outils réglementaires et opérationnels qui permettent de renforcer la protection des DPI dans l'UE. Le développement de la coopération entre les douanes de l'UE est assuré par la mise en œuvre du plan d'action douanier UE contre la contrefaçon 2009-2012, renouvelé pour 2013-2016. Celui-ci a non seulement pour objet de renforcer la protection juridique des DPI, comme la révision actuelle du règlement CE n° 1383/2003 concernant l'intervention des autorités douanières à l'égard de marchandises soupçonnées de porter atteinte à certains DPI, mais également de développer toutes les formes de coopération entre administrations et avec les professionnels. En 2011, la première opération mondiale de lutte contre la fraude aux produits alimentaires a ainsi été organisée en coopération avec INTERPOL. Menée entre neuf membres de l'UE et avec l'aide de titulaires de droits, l'opération a permis d'intercepter plusieurs centaines de tonnes de produits alimentaires frauduleux ou contrefaisants, dont 37 % des boissons alcoolisées. Concernant les cas rapportés par l'interprofession des appellations cidricoles (IDAC), il convient de distinguer les contrefaçons de marques, qui touchent les marques commerciales, des usurpations d'indications géographiques (IG). Une ambiguïté existe entre les deux notions, dans la mesure où une indication géographique peut voir sa dénomination usurpée par une marque commerciale alors que des marques enregistrées peuvent elles aussi faire l'objet de contrefaçons (c'est par exemple le cas dans le secteur viticole pour les maisons de champagne et de cognac). De plus, les cas couramment cités se référent à des marchandises contrefaisantes qui seraient produites sur le territoire de l'UE. Or, la protection des DPI est conditionnée par le statut de la marchandise soupçonnée d'être contrefaisante et le type de droit auquel il est porté atteinte. Ainsi, les douanes peuvent retenir, partout en Europe, sur le fondement du règlement n° 1383, les marchandises tierces qui semblent contrefaire une marque ou une indication géographique. Le cas particulier d'IG usurpées ou de marques contrefaites par des marchandises produites dans l'UE, ou mises en libre pratique légalement dans l'UE, que l'on nomme « marchandises communautaires », relève des législations nationales. En France, il n'existe pas de base juridique pour retenir ou saisir les usurpations d'IG, alors que c'est le cas pour les contrefaçons de marque. La douane a d'ailleurs soutenu, dans une proposition de loi sur la contrefaçon déposée en mai 2011 par les sénateurs Laurent Béteille et Richard Yung, co-rapporteurs de la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon, une disposition permettant d'introduire, dans le code de la propriété intellectuelle, la possibilité pour les autorités douanières françaises de retenir des marchandises communautaires semblant usurper une IG. S'agissant de l'IG Calvados, celle-ci est protégée au titre de son inscription à l'annexe III du règlement CE n° 110/2008. Les actions en vue d'assurer la protection effective d'une IG reconnue par le droit communautaire peuvent également relever d'une partie ayant un intérêt à agir, en l'occurrence l'organisme de défense et de gestion (ODG) de l'IG Calvados ou de l'INAO, qui est chargé de la reconnaissance et de la protection des signes de l'origine et de la qualité (SIQO) français, parmi lesquels les IG spiritueuses. L'INAO a d'ailleurs engagé une action auprès de la Commission européenne afin que les États membres prennent les mesures correctives nécessaires sur leur territoire. À défaut, la commission peut envisager la mise en œuvre d'une procédure d'infraction à l'encontre des pays concernés.

- page 2667

Page mise à jour le