Question de M. TRILLARD André (Loire-Atlantique - UMP) publiée le 11/10/2012
M. André Trillard appelle l'attention de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, sur la situation très difficile des parents d'enfants en situation de handicap qui, leur vie durant, prennent en charge leurs enfants en qualité d'aidant familial.
Si des progrès ont été accomplis au cours de ces dernières années pour prendre en compte leur situation particulière et, autant que possible, faciliter matériellement certains aspects de leur vie quotidienne, il reste que la vie affective, conjugale et professionnelle des intéressés le plus souvent des femmes - est très largement mise entre parenthèses, voire totalement sacrifiée au bien-être de leur enfant, de par l'abnégation et le dévouement dont ils font preuve. C'est la raison pour laquelle l'attribution d'une distinction, comparable à celle de la Médaille de la famille française qui récompense aujourd'hui les parents ayant élevé quatre enfants et plus, lui semble de nature à témoigner à ces parents la reconnaissance qu'ils méritent. Il lui demande quelle suite elle envisage de donner à cette proposition.
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Réponse du Ministère chargé des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion publiée le 06/02/2013
Réponse apportée en séance publique le 05/02/2013
M. André Trillard. Je souhaite évoquer ce matin la question des parents d'enfant en situation de handicap, parents qui, leur vie durant, vont prendre en charge leur enfant en qualité d'« aidant familial ».
Madame la ministre, vous le savez bien, la survenue du handicap chez un membre de la famille modifie les repères ainsi que tous les projets familiaux.
Au-delà du traumatisme, c'est souvent à un vrai bouleversement que donnent lieu, dans l'urgence, l'adaptation et le réaménagement familial, professionnel et relationnel, avec le risque de placer dans une situation de véritable isolement celui des parents auquel incombera le rôle d'aidant familial, le plus souvent la mère.
Sur le plan professionnel, la mère est fréquemment contrainte d'arrêter temporairement ou définitivement son activité. Il s'ensuit une perte de revenu pouvant conduire à la précarisation.
La vie conjugale du couple est souvent mise entre parenthèses. Chacun vivant l'épreuve de manière différente, des ménages éclatent. La relation avec les autres enfants est incontestablement transformée.
Très rapidement, la réalité fait apparaître une fatigue physique et morale, tant pour l'aidant que pour l'ensemble de la famille.
Si des progrès ont été accomplis au cours des dernières années pour prendre en compte cette situation très particulière et, autant que possible, faciliter matériellement certains aspects de la vie quotidienne des aidants familiaux, il reste que le dédommagement, inférieur à l'indemnité ou au salaire d'un professionnel, ne donne accès ni aux droits sociaux ni aux droits à la retraite. Et pourtant, cette « rétribution » est imposable !
Faut-il rappeler que la journée de travail de l'aidant familial fait vingt-quatre heures et qu'il n'a pas de vacances ?
Madame la ministre, j'ai deux questions à vous poser.
La première, qui est une question de fond, concerne les intentions concrètes du gouvernement auquel vous appartenez s'agissant de ce problème précis de la reconnaissance des droits pour les familles et les proches apportant une aide régulière à leur enfant ou à tout autre membre de la famille : je veux parler de l'amélioration du droit à compensation et des prestations familiales, mais aussi du droit au répit, au soutien personnalisé, à la formation, des mesures liées à la vie professionnelle, des aides au retour à l'emploi, de la mise en place d'équivalences professionnelles.
Ma seconde question est plutôt une suggestion qui consisterait à attribuer une distinction comparable à celle de la médaille de la famille, laquelle récompense aujourd'hui les parents ayant élevé quatre enfants et plus. L'idée serait de témoigner à ces parents, dont la vie a été mise entre parenthèses, la reconnaissance qu'ils méritent, et de saluer l'abnégation et le dévouement dont ils font preuve.
Reprenant récemment la genèse de cette médaille créée en 1920, j'ai pu constater que, contrairement à une idée répandue, elle n'avait pas de visée nataliste. L'objectif alors poursuivi était de récompenser des parents ayant élevé dignement leurs enfants. Ma proposition me semble s'inscrire parfaitement dans cette philosophie.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, les aidants familiaux jouent un rôle essentiel et de plus en plus reconnu. En France, ce sont huit millions de personnes qui s'occupent directement de leurs proches malades ou en perte d'autonomie, ou qui leur apportent un soutien moral ou financier.
Les pouvoirs publics ont pleinement conscience du rôle essentiel joué par ces aidants familiaux dans le soutien à domicile de leurs proches en perte d'autonomie, handicapés ou malades. Pour ma part, je suis particulièrement attentive à la situation extrêmement difficile des parents d'enfants handicapés qui, tout au long de leur vie, prennent en charge leurs enfants.
Il existe déjà un ensemble de mesures visant à soutenir les aidants familiaux : tout d'abord, les congés familiaux sont là pour les aider à concilier leur vie professionnelle et leur rôle auprès de leur enfant ; ensuite, l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, ou AEEH, la prestation de compensation du handicap, ou PCH, et l'allocation personnalisée d'autonomie, ou APA, soutiennent financièrement l'aide qu'ils apportent à leur enfant ; enfin, le développement de la formation, de l'accompagnement et du répit permet de les aider à faire face et de regarder un peu plus sereinement, quand c'est possible, vers l'avenir.
D'année en année, on voit se multiplier les initiatives favorisant le soutien et le répit apportés aux aidants de la part de multiples acteurs : associations, collectivités territoriales, caisses de retraites de base et complémentaires, centres locaux d'information et de coordination, ou CLIC, consultations mémoire, fondations...
La caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, ou CNSA, ainsi que les agences régionales de santé, ou ARS, peuvent cofinancer des actions de formation et de soutien destinées à tous les aidants de personnes handicapées ou âgées qui en ont besoin.
Le Président de la République s'est engagé à développer « des actions de formation et des structures permettant aux aidants d'avoir des temps de répit », engagement qui sera travaillé dans le cadre du projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement de la population, que ma collègue Michèle Delaunay prépare activement. Je serai à ses côtés sur ce point.
Le Gouvernement a par ailleurs soumis aux partenaires sociaux la proposition d'assouplir le congé de soutien familial, afin qu'il soit plus facile d'y recourir.
L'attribution d'une distinction honorifique spécifique aux aidants familiaux serait-elle la forme adéquate de reconnaissance nationale de leur dévouement ?
Parmi les distinctions honorifiques, la médaille de la famille est décernée aux personnes qui élèvent ou qui ont élevé dignement, par leurs soins attentifs et leur dévouement, de nombreux enfants. Elle rend ainsi hommage aux mérites de ces personnes et témoigne de la reconnaissance de la nation. Les critères d'attribution de la médaille de la famille sont avant tout fondés sur le nombre d'enfants élevés et sur les efforts consentis pour les élever dans les meilleures conditions matérielles et morales.
Le dévouement et les soins apportés par les parents aidants familiaux à leur enfant en situation de handicap relèvent donc de cette logique, bien que le critère du nombre d'enfants élevés puisse limiter leur accès à cette distinction. Le Centre d'analyse stratégique, dans sa note d'analyse de septembre, a d'ailleurs relevé que la médaille de la famille reste dans notre pays l'apanage des pères et mères de familles nombreuses, alors que d'autres valeurs sont mises à l'honneur dans d'autres pays, comme la mise en uvre d'une véritable égalité parentale.
C'est pourquoi, monsieur le sénateur, je puis vous assurer que la question de la reconnaissance des mérites des familles ayant élevé un enfant handicapé aura toute sa place dans la réflexion globale que compte engager très prochainement la ministre déléguée à la famille sur les récompenses honorifiques pour les familles. Je soutiens donc votre suggestion.
M. le président. La parole est à M. André Trillard.
M. André Trillard. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.
Je vous rappelle que, interrogée en novembre dernier par l'Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis, ou UNAPEI, sur les priorités de la politique du handicap à mener pour l'année et les années à venir, vous avez répondu ceci : « Beaucoup de choses ont été faites sur le handicap » - vous avez d'ailleurs développé ce point tout à l'heure. « Je souhaite m'inscrire dans la continuité de cet engagement, principalement porté par les familles. » Nous sommes bien d'accord sur ce point, et je ne peux que vous féliciter de ce parti pris.
Vous venez de rappeler les projets du Gouvernement. Je reste quelque peu sur ma faim, mais nous verrons lors du prochain texte de loi !
Je vous remercie également pour l'accueil que vous avez réservé à ma proposition bien modeste d'accorder une distinction aux parents de personnes handicapées. Je pense qu'elle trouvera bien sa place dans le texte sur la famille annoncé par le Gouvernement pour le printemps prochain et qu'elle vaudra bien certaines dispositions qui n'ont rien à y faire !
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