Question de M. SUEUR Jean-Pierre (Loiret - SOC) publiée le 18/10/2012
M. Jean-Pierre Sueur appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les cas de discrimination au sein du droit de la nationalité française par filiation en raison de la distinction qui subsiste entre enfant légitime et enfant naturel. Cette distinction n'est plus reconnue par le droit de la famille français relatif à la filiation depuis la loi du 9 janvier 1973 qui a établi l'égalité entre enfants légitimes et enfants naturels (article 18 du code civil). L'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 , ratifiée par la loi n° 2009-61 du 16 janvier 2009, a également disposé que « la filiation est établie, à l'égard de la mère, par la désignation de celle-ci dans l'acte de naissance de l'enfant » (article 311-25 du code civil) sans qu'il soit fait mention de la différence entre les enfants légitimes et les enfants naturels. Cette différence persiste cependant au sein du droit de la nationalité française depuis l'ajout d'une exception dans l'article 91 de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 qui prive d'effet en matière de nationalité l'ordonnance de 2005 pour les personnes majeures à la date du 1er juillet 2006. Le juge constitutionnel français a validé cette différence de traitement eu égard à son « caractère résiduel » et à son « lien direct avec l'objectif d'intérêt général de stabilité des situations juridiques » (2011-186 QPC du 21 octobre 2011). En revanche, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé dans une décision du 11 octobre 2011 que le refus d'accorder la nationalité maltaise à un enfant résidant au Royaume-Uni au motif qu'il était issu de l'union hors mariage d'une ressortissante britannique et d'un ressortissant maltais constituait une discrimination au regard du droit au respect de sa vie privée. Il lui demande, en conséquence, quelles dispositions il compte prendre pour mettre fin à toute discrimination, fût-ce à titre « résiduel », entre enfant légitime et enfant naturel dans le droit de la nationalité française par filiation.
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Transmise au Ministère de la justice
Réponse du Ministère de la justice publiée le 05/09/2013
La disposition selon laquelle « la filiation est établie à l'égard de la mère, par la désignation de celle-ci dans l'acte de naissance de l'enfant », introduite par l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation est applicable, sans distinction, à l'ensemble des enfants nés, avant comme après le 1er juillet 2006, date de l'entrée en vigueur de cette ordonnance. Ainsi, toute personne, même majeure, peut se prévaloir de cette disposition pour établir un lien de filiation maternelle. En revanche, les effets en droit de la nationalité de cette disposition ont été cantonnés par l'article 91 de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 aux termes duquel les dispositions de l'ordonnance du 4 juillet 2005 n'ont pas d'effet sur la nationalité des personnes majeures à la date de son entrée en vigueur. Cet article est la reprise du principe énoncé à l'article 20-1 du code civil, commun aux enfants nés dans comme hors mariage, selon lequel « la filiation de l'enfant n'a d'effet sur la nationalité de celui-ci que si elle est établie durant sa minorité ». Dans le cadre de la question prioritaire de constitutionnalité dont il était saisi, et se fondant sur un principe de sécurité juridique, le Conseil constitutionnel a considéré que cette limitation n'était contraire ni au principe d'égalité devant la loi ni à aucun autre droit ou libertés constitutionnellement garantis, soulignant que la différence de traitement qui demeure entre les enfants nés hors mariage ou non, avant le 1er juillet 1988, ne porte pas sur le lien de filiation mais sur les effets de ce lien sur la nationalité. Aux termes de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, chaque État est libre de déterminer ses nationaux, la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne mentionnant pas, parmi les droits et libertés dont elle entend garantir la jouissance hors de toute discrimination, les droits relatifs à la nationalité. En pratique, la preuve de la filiation maternelle est admise dès lors qu'elle est rapportée selon les dispositions antérieurement en vigueur et notamment par la revendication de la possession d'état d'enfant à la condition que les éléments la caractérisant soient contemporains de la minorité de l'enfant concerné. Cette question mérite cependant d'être réexaminée à l'occasion soit d'un projet de loi relatif à la famille ou dans tout autre vecteur législatif qui serait adapté.
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