Question de Mme LIPIETZ Hélène (Seine-et-Marne - ECOLO) publiée le 16/11/2012
Question posée en séance publique le 15/11/2012
Mme Hélène Lipietz. Ma question s'adressait à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, quelques jours après la déclaration de M. le ministre de l'intérieur dans laquelle il assurait qu'il collaborerait avec l'Espagne en matière de lutte contre le terrorisme, Aurore Martin était arrêtée par hasard. Les écologistes prennent donc acte que Fortuna, déesse de la chance, est manifestement avec lui.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Notre-Dame-des-Landes, priez pour nous ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Lipietz. Au-delà du cas de cette militante du parti Batasuna, autorisé de ce côté-ci des Pyrénées mais interdit de l'autre, se pose la question de l'espace judiciaire européen et du mécanisme du mandat d'arrêt européen, intégré dans le droit français le 9 mars 2004.
Pour que le mandat d'arrêt européen soit valide, il faut que les faits reprochés dans l'État émetteur fassent encourir plus de trois ans d'emprisonnement, ce qui n'inclut aucune obligation de double incrimination, l'une dans le pays d'accueil et l'autre dans le pays émetteur. Or il n'existe pas de référentiel européen de l'échelle des peines ni de la qualification des délits et des crimes. À quand une réflexion sur ce sujet ? Les députés européens Verts/ALE ont, quant à eux, interpellé en urgence la Commission européenne à ce propos.
Dans le cas d'Aurore Martin, le dossier présenté par la justice espagnole a semblé solide tant à la cour d'appel de Pau qu'à la Cour de cassation et à la Cour européenne des droits de l'homme.
Par ailleurs, la dissolution de Batasuna espagnol a été validée par un juge reconnu pour son intégrité en matière de lutte contre les dictatures, le juge Garzon, et confirmée là encore par la Cour européenne des droits de l'homme.
La justice espagnole est donc saisie. Le temps de Franco étant révolu, nous pouvons espérer qu'elle sera sereine.
Cependant, le futur Président de la République déclarait au mois de juillet 2011, à l'occasion de la précédente arrestation d'Aurore Martin, qu'il convenait de respecter le principe de clémence. De plus, la résolution du conflit basque est en cours depuis la conférence de conciliation d'Aiete du 17 octobre 2011, et l'ETA a renoncé à la lutte armée.
Les Français sont donc en droit de s'interroger sur la rapidité d'exécution de cette remise d'une citoyenne française aux autorités d'un État tiers, décision particulièrement grave qui ne pouvait visiblement souffrir aucun retard.
Le mal est fait. Reste une question : comment la France entend-elle assurer la protection consulaire d'Aurore Martin, qui n'a toujours pas reçu la visite du consul de France ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. C'est incroyable !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Alors, monsieur le ministre délégué ?
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Réponse du Ministère chargé des relations avec le Parlement publiée le 16/11/2012
Réponse apportée en séance publique le 15/11/2012
M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Je vous prie de bien vouloir excuser, madame la sénatrice, l'absence de Mme le garde des sceaux, actuellement en déplacement.
La Française Aurore Martin, militante de Batasuna, a été arrêtée le 1er novembre 2012 dans les Pyrénées-Atlantiques, puis remise aux autorités espagnoles en application du mandat d'arrêt européen dont elle faisait l'objet depuis 2010.
Les autorités espagnoles lui reprochent d'avoir participé en Espagne à des réunions publiques comme membre de Batasuna, parti considéré comme le bras politique de l'organisation séparatiste basque ETA, interdit de l'autre côté des Pyrénées.
Aurore Martin a comparu le 2 novembre au matin devant un juge de l'Audience nationale de Madrid. Elle a été placée sous mandat de dépôt.
Le ministre de la justice a rappelé que la remise de Mme Martin à la justice espagnole s'est opérée dans le strict cadre du mandat d'arrêt européen, qui permet la remise de nationaux et s'opère de juge à juge, sans intervention des autorités gouvernementales. Ce mandat est ainsi une procédure uniquement conduite par les autorités judiciaires.
C'est l'autorité judiciaire, en l'espèce le juge d'instruction espagnol, qui émet le mandat, et c'est elle seule qui en contrôle la régularité, soit en l'espèce le parquet général et la chambre d'instruction de Pau, puis la Cour de cassation, puis la Cour européenne des droits de l'homme. Je précise que le parquet général de Pau était lié, pour l'exécution de ce mandat, par la décision définitive de la chambre de l'instruction.
En l'espèce, toutes les voies de recours d'Aurore Martin ont été rejetées. Par arrêt du 15 décembre 2010, la Cour de cassation a rejeté son pourvoi. La Cour européenne des droits de l'homme a aussi déclaré irrecevable une demande présentée par la jeune femme au mois de mai dernier.
Le mandat d'arrêt européen est enfin utilisé sans que soit imposée la condition de la double incrimination, pour une liste précise d'infractions graves punies d'au moins trois ans d'emprisonnement, parmi lesquelles figure le terrorisme. Cette caractéristique rend dès lors sans objet, pour ces infractions, une harmonisation des délits et des peines.
Le Gouvernement en particulier le garde des sceaux est bien entendu très attentif à la situation des ressortissants français. Aurore Martin bénéficie ainsi, de manière très concrète, de la protection consulaire accordée par la France à tous ses nationaux, particulièrement à ceux qui sont en détention.
La France est également très vigilante à la suite de la procédure, désormais conduite en Espagne par des autorités judiciaires dont elle respecte scrupuleusement l'indépendance, assurée dans le cadre démocratique espagnol. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
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