Question de Mme GARRIAUD-MAYLAM Joëlle (Français établis hors de France - UMP) publiée le 22/11/2012
Mme Joëlle Garriaud-Maylam interroge M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur l'état d'application par la France des règlements communautaires n° 883/2004 et 987/2009 relatifs à la coordination des systèmes d'assurance chômage.
Elle rappelle que la législation européenne dispose que les périodes d'activité accomplies dans un autre État de l'espace économique européen doivent être prises en compte par l'État de résidence pour le calcul des périodes d'emploi ouvrant droit à l'octroi de prestations.
Il semblerait pourtant qu'en pratique, un Français rentrant en France après avoir travaillé dans un autre État de l'espace économique européen ou en Suisse (et y ayant donc cotisé à l'assurance chômage) ne puisse prétendre à une allocation chômage qu'à condition de pouvoir justifier d'une période minimale d'activité salariée sur le sol français postérieure à l'activité exercée à l'étranger. Faute de remplir cette exigence, le demandeur d'emploi ne peut prétendre, sous conditions, qu'à une allocation forfaitaire : l'allocation temporaire d'attente. Seuls les travailleurs frontaliers bénéficient de dispositions particulières permettant de déroger à cette règle.
Elle souhaiterait savoir si cette exigence française de justification d'une durée minimale de travail en France postérieure à l'activité exercée à l'étranger est bien conforme au droit européen.
Elle note par ailleurs que le calcul du montant de l'allocation versée par Pôle emploi est établi sur la base des seules rémunérations perçues en France après le retour d'expatriation dans l'espace économique européen ou en Suisse. De ce fait, les rémunérations perçues au titre d'une activité exercée dans un autre État de l'espace économique européen ou en Suisse ne sont prises en compte que pour déterminer la durée des droits à l'allocation chômage et non pour le calcul de son montant, ce qui peut être fortement pénalisant pour les personnes de retour d'expatriation.
Elle souligne que l'évolution de ces rigidités semble indispensable dans la perspective d'une meilleure coordination des systèmes d'assurance chômage et d'une progressive harmonisation du marché du travail européen.
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Réponse du Ministère chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage publiée le 13/03/2013
Réponse apportée en séance publique le 12/03/2013
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur l'accès à l'assurance chômage pour les Français ayant travaillé dans un autre pays de l'Union européenne.
Selon les derniers chiffres de l'INSEE, publiés jeudi dernier, 10,2 % de la population active était au chômage en France métropolitaine au quatrième trimestre de 2012. Un tel niveau n'avait pas été atteint depuis le printemps 1999. Même durant la crise des années 2008 et 2009, le taux de chômage n'avait pas franchi ce seuil.
Les jeunes sont les plus touchés. Plus d'un quart d'entre eux sont aujourd'hui au chômage. D'après un sondage Deloitte-IFOP publié il y a deux semaines, 27 % des jeunes diplômés cherchant un travail pensent que leur avenir professionnel se situe à l'étranger plutôt qu'en France. Bien souvent, ceux qui partent bénéficient non pas de contrats mirifiques, mais plutôt de contrats de volontariat international en entreprise ou de contrats locaux.
Dans ce contexte, nous sommes confrontés à deux impératifs : d'une part, favoriser la mobilité professionnelle, en particulier celle des jeunes ; d'autre part, assurer un filet social minimal à ces professionnels s'ils reviennent en France après avoir perdu leur emploi à l'étranger. Ces deux objectifs sont bien évidemment liés, puisqu'il est plus facile de partir lorsque l'on sait qu'une sécurité minimale est assurée au retour.
Faciliter la mobilité professionnelle est l'un des objectifs de l'Union européenne. Le principe de la libre circulation des personnes et celui de la non-discrimination du fait de la nationalité autorisent un individu à conserver ses droits aux allocations de chômage acquis dans un pays de l'Espace économique européen et à les faire valoir dans un autre pays.
Les règlements communautaires nos 883/2004 et 987/2009 visent à concrétiser ces droits en améliorant la coordination des systèmes d'assurance chômage. La législation européenne dispose ainsi que les périodes d'activité accomplies dans un autre État de l'Espace économique européen doivent être prises en compte par l'État de résidence pour le calcul des périodes d'emploi ouvrant droit à l'octroi de prestations.
Pourtant, un Français rentrant en France après avoir travaillé dans un autre État de l'Espace économique européen ou en Suisse et y ayant donc cotisé à l'assurance chômage semble ne pouvoir prétendre à une allocation chômage qu'à condition de pouvoir justifier d'une période minimale d'activité salariée sur le sol français postérieure à l'activité exercée à l'étranger. S'il ne satisfait pas à cette exigence, le demandeur d'emploi ne peut bénéficier, sous conditions, que d'une allocation forfaitaire : l'allocation temporaire d'attente. Seuls les travailleurs frontaliers bénéficient de dispositions particulières permettant de déroger à cette règle.
Monsieur le ministre, cette exigence française de justification d'une durée minimale de travail en France postérieure à l'activité exercée à l'étranger est-elle bien conforme au droit européen ?
Par ailleurs, le calcul du montant de l'allocation versée par Pôle emploi est établi sur la base des seules rémunérations perçues en France après le retour d'expatriation dans un autre pays de l'Espace économique européen. De ce fait, les rémunérations perçues au titre d'une activité exercée dans un autre État de l'Espace économique européen ne sont prises en compte que pour déterminer la durée des droits à l'allocation chômage, et non pour le calcul du montant de celle-ci, ce qui peut être fortement pénalisant pour les personnes de retour d'expatriation. Ne serait-il pas envisageable de modifier cette disposition afin de favoriser la réinsertion en France des personnes ayant travaillé ailleurs en Europe et d'encourager ainsi nos chercheurs d'emploi à tenter leur chance dans d'autres pays de l'Union européenne, puisqu'ils sauront alors qu'ils bénéficieront d'un filet de sécurité à leur retour ?
Enfin, je voudrais attirer votre attention sur la nécessité d'une meilleure information des travailleurs quant aux conséquences d'une expatriation sur leurs droits en matière d'indemnisation du chômage. Un salarié ayant travaillé sous contrat local dans un autre pays européen ne pourra bénéficier d'une indemnité chômage en France que si la cessation de son contrat répond à certains critères, variables d'un pays à l'autre, et s'il respecte un certain nombre de procédures. Monsieur le ministre, le Gouvernement pourrait-il prendre des mesures pour améliorer l'information de ces salariés ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Madame la sénatrice, les règles communautaires de coordination de sécurité sociale permettent de garantir et de faciliter la libre circulation des travailleurs salariés, même si, nous en sommes tous conscients, il reste encore des améliorations à apporter.
Ainsi, l'article 51 du traité de Rome prévoit les mesures nécessaires pour faciliter la libre circulation des travailleurs, en instituant notamment, pour l'ouverture, le calcul et le maintien des droits aux prestations, un système de totalisation des périodes prises en considération par les différentes législations nationales.
La mise en uvre du principe de totalisation est alors subordonnée à la condition que l'intéressé ait accompli, en dernier lieu, soit des périodes d'assurance, soit des périodes d'emploi dans l'État où les prestations sont sollicitées. En conséquence, pour pouvoir prétendre aux allocations du régime d'assurance chômage français, l'intéressé doit, avant de s'inscrire comme demandeur d'emploi, avoir retravaillé en France.
Par ailleurs, le règlement européen n° 883-2004 modifié et son règlement d'application n° 987-2009 ont instauré, depuis le 1er mai 2010, de nouvelles règles relatives à la coordination des systèmes de sécurité sociale des États membres.
S'agissant plus particulièrement des règles relatives à l'assurance chômage, l'une des principales modifications apportées par ces nouveaux règlements concerne la suppression d'un salaire d'équivalence pour les personnes ayant travaillé moins de quatre semaines à leur retour en France. C'est sur la base de ce salaire, déterminé par la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, la DIRECCTE, en référence au salaire versé pour un emploi équivalent en France, que le montant de l'allocation chômage était auparavant calculé.
Depuis le 1er mai 2010, en application des dispositions de l'article 62 du règlement n° 883-2004, le calcul de l'allocation chômage est effectué directement par Pôle emploi, sur la base des seules rémunérations perçues par l'intéressé au titre de la dernière activité salariée qu'il a exercée sous la législation de l'État où les prestations sont sollicitées. Les rémunérations perçues au titre d'une activité exercée dans un autre État membre de l'Union européenne ne sont pas prises en compte dans ce calcul.
Par ailleurs, pour déterminer la durée d'indemnisation, Pôle emploi prend en compte la durée d'affiliation correspondant aux périodes de travail accomplies dans l'État membre de l'Union européenne via un formulaire communautaire. Ce document est délivré, sur demande, par l'institution compétente de l'État dans lequel les périodes de travail ont été accomplies.
Dès lors, madame la sénatrice, c'est bien la réglementation européenne qui fixe les principes de coordination des régimes d'assurance chômage permettant de prendre en compte les périodes d'activité accomplies dans un autre État membre.
Enfin, la nouvelle réglementation européenne, en supprimant l'obligation pour les DIRECCTE d'établir un salaire d'équivalence, a permis la simplification des procédures et, par voie de conséquence, la réduction des délais de traitement des dossiers.
En résumé, des progrès ont été accomplis, mais il reste encore du chemin à faire. Je sais que la sénatrice représentant les Français de l'étranger que vous êtes sera attentive à l'obtention des avancées que vous appelez légitimement de vos vux.
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces précisions.
Il reste effectivement beaucoup d'améliorations à apporter. C'est un sujet essentiel pour les Français de l'étranger, surtout en cette période de crise économique aiguë. Il est important d'assurer une meilleure information, car beaucoup de nos compatriotes partant travailler à l'étranger ignorent les règles que vous avez rappelées. Il serait bon que le Gouvernement prenne des mesures à cette fin, à l'heure où les jeunes Français sont de plus en plus nombreux à rechercher un premier emploi hors de nos frontières.
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