Question de M. BORDIER Pierre (Yonne - UMP) publiée le 01/11/2012

M. Pierre Bordier appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la question de la disparition planifiée de la multipropriété à la française. Les sociétés civiles (SC) propriétaires de résidences situées dans un très grand nombre de stations mer et montagne en France sont apparues dans les années 70-80 et ont démontré une certaine pérennité jusqu'à aujourd'hui. Rappelons que les multipropriétaires jouissent d'un droit à résider dans des appartements à des périodes données en fonction des parts qu'ils détiennent. Or ce système est mis à mal par l'attitude offensive que leur manifestent les groupes immobiliers qui se portent acquéreurs à bas prix des parts dont certains associés de la SC souhaitent se défaire. Dès qu'un groupe possède un nombre de parts égal aux deux tiers du total des parts, il fait convoquer une assemblée générale extaordinaire de la SC et demande sa dissolution, qu'il obtient. La dissolution n'étant pas causée par une faillite, il nomme un liquidateur judiciaire de son choix. Ce dernier met le bâtiment en vente à bas prix sans publicité excessive, le groupe l'achète, et, sans travaux coûteux, le met en vente à la découpe en pleine propriété, réalisant une plus-value substantielle. Ce procédé contestable lèse bien entendu les propriétaires qui ne désiraient pas vendre leur droit de jouissance et, de plus, la transformation en pleine propriété de la résidence change la nature des usagers, plus aisés, moins nombreux et plus rarement présents. Les conséquences se font directement sentir sur l'activité économique locale, notamment sur l'emploi.
Il semblerait opportun de réagir et de modifier les dispositions régissant la matière, telles qu'elles résultent de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009, en interdisant à un associé de posséder plus d'un certain pourcentage de parts, et de relever le pourcentage nécessaire pour voter la dissolution.
Il lui demande quelles mesures elle entend prendre dans ce sens.

- page 2451


Réponse du Ministère de la justice publiée le 07/11/2013

L'attribution par une société d'un immeuble à usage d'habitation en jouissance par périodes à ses associés s'exerce dans le cadre de la loi n° 86-18 du 6 janvier 1986 relative aux sociétés d'attribution d'immeubles en jouissance à temps partagé. La prise de contrôle d'une telle société au moyen du rachat des parts sociales ou actions des associés par un investisseur ne constitue pas, en soi, une opération illicite. Il est loisible à chaque associé de céder ses parts sociales ou actions ou de refuser de donner suite à une offre d'achat, notamment parce qu'il l'estimerait insuffisante. L'article 13 de la loi du 6 janvier 1986, tel que modifié par la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009, prévoit que tout associé peut demander à tout moment à la gérance de la société la communication de la liste des noms et adresses des autres associés ainsi que la répartition des parts sociales et des droits de jouissance qui y sont attachés. L'exercice de cette faculté doit permettre aux associés de se connaître, malgré leur nombre et leur éparpillement, et d'agir en commun pour la préservation de leurs intérêts, notamment à l'occasion de semblables opérations. La majorité des deux tiers des voix des associés requise par l'article 16 de la loi du 6 janvier 1986 pour voter la dissolution anticipée de la société constitue une majorité significative. Il n'est donc pas envisagé de la renforcer, ni de fixer un nombre maximum de périodes ou de parts pouvant être possédées par un même associé. Les associés minoritaires, s'ils estiment que la décision de dissolution anticipée est contraire à l'intérêt social et qu'elle n'a été prise que dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment des membres de la minorité, peuvent saisir les juridictions compétentes d'une demande d'annulation de la décision sur le fondement de l'abus de majorité. Par ailleurs, en cas de liquidation frauduleuse, la mise en cause de la responsabilité pénale et civile du liquidateur peut également être envisagée. Le droit actuel offre une protection aux associés de sociétés d'attribution d'immeubles en jouissance à temps partagé. Toutefois, compte tenu des doléances exprimées par certains associés, le Gouvernement a décidé de procéder à une évaluation des difficultés qui peuvent subsister à la suite de la modification législative précédemment évoquée et a engagé une concertation avec les parties prenantes afin d'envisager d'éventuelles améliorations du dispositif actuellement en vigueur.

- page 3243

Page mise à jour le