Question de M. CHARON Pierre (Paris - UMP) publiée le 14/12/2012
Question posée en séance publique le 13/12/2012
Concerne le thème : L'hébergement d'urgence
M. Pierre Charon. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la chute des températures constatée ces derniers jours, et ce matin encore, pose le problème de l'hébergement d'urgence de la façon la plus impérieuse et la plus pressante qui soit.
Je voudrais, madame le ministre, que vous éclaircissiez deux interrogations qui me préoccupent en tant que sénateur de Paris et vice-président du conseil général, mais qui m'interpellent, comme vous le dites, en tant que citoyen, révolté par le sort de ceux qui affrontent quotidiennement le froid dans la rue ; chaque hiver, certains malheureux ne se relèvent pas.
Récemment, lorsque vous avez mentionné la possibilité de réquisitionner des locaux vacants et évoqué maladroitement l'Église , vous avez entretenu le doute sur la possibilité de le faire pour des logements privés.
Comment expliquer à nos compatriotes que le droit fondamental qu'est le droit de propriété risque d'être remis en cause par votre gouvernement, alors même que des organismes publics disposent de dizaines de milliers de mètres carrés vacants ? (Marques d'ironie sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
À titre d'exemple, je voudrais mentionner les 20 000 mètres carrés vacants, sur 40 000 mètres carrés au total, du bâtiment sis au 17, boulevard Morland et qui appartient à la Ville de Paris. Les exemples de ce type sont nombreux. Ce serait l'honneur de votre gouvernement et de la Ville de Paris de procéder à un inventaire précis, que, de notre côté, nous n'arrivons pas à obtenir, et de mettre à disposition ses propres locaux, avant de menacer les propriétaires privés qui ont investi dans un appartement.
Par ailleurs, comment expliquer à nos compatriotes les plus fragiles, vivant dans la précarité la plus totale, que leur demande reste sans réponse, quand, dans le même temps, l'État loge dans des hôtels où la nuitée coûte 150 euros des clandestins qui occupaient une cathédrale ? (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. On va vous donner d'autres exemples, et pour des sommes bien supérieures à 150 euros !
M. Pierre Charon. Je fais référence à l'occupation de la basilique de Saint-Denis, qui a eu lieu au mois d'août dernier.
Ce relogement est une forme de prime à la délinquance. En l'espèce, a d'ailleurs été commise une double transgression de la loi : séjour illégal sur notre territoire et occupation illégale d'un édifice religieux.
Face à cette double infraction, d'autres familles subissent, elles, une double peine : vie dans la rue et discrimination dans l'accès au logement d'urgence pour bonne conduite.
Ce constat est d'autant plus choquant que ces familles, qui attendent des solutions de relogement et qui vivent souvent dans la plus grande détresse, refusent justement de transgresser les lois de notre République pour garder une dignité, mise à mal par leurs conditions de survie. Cette situation est grave sur le plan moral.
Il ne s'agit pas, bien entendu, de hiérarchiser les souffrances. Mais, quelle que soit la détresse des populations qui se retrouvent sur notre territoire, l'accès à l'hébergement d'urgence ne peut être facilité par la transgression, souvent médiatique, de la loi, au détriment des plus faibles de nos concitoyens, qui meurent aujourd'hui dans la rue. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Éliane Assassi. C'est indécent !
Mme Corinne Bouchoux. Il faut oser !
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Réponse du Ministère de l'égalité des territoires et du logement publiée le 14/12/2012
Réponse apportée en séance publique le 13/12/2012
Mme Cécile Duflot, ministre. Monsieur le sénateur, je me contenterai de répondre aux éléments techniques de votre question, sans m'étendre sur ceux qui se veulent polémiques.
Je vous le dis, sur ce sujet, je n'ai entretenu aucune ambiguïté. Je ne retire d'ailleurs aucun de mes propos. En effet, la loi de 1998, si elle vise exclusivement les personnes morales, les englobe toutes, sans exception, pour la procédure de réquisition.
Je constate que certains ont tenté de s'engouffrer dans la brèche pour entretenir la polémique. Je vois, d'ailleurs, que c'est sur ce plan que vous placez votre intervention, en prétendant que la réquisition risquerait de mettre en péril la situation de personnes quittant leur logement pour le week-end. Monsieur le sénateur, il est tout à fait indécent d'essayer de nourrir la polémique sur cette question ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Éliane Assassi. Exactement !
Mme Cécile Duflot, ministre. En outre, je tiens à répondre à vos allégations de manière très précise. Le prix moyen d'une chambre d'hôtel en Île-de-France est de 15 euros par personne et par nuit. Cela représente un budget de 5 000 euros par an et par personne.
M. Pierre Charon. Non ! Vous êtes élue de Paris, vous devriez le savoir !
Mme Cécile Duflot, ministre. Nous sommes loin de 150 euros par nuit !
M. Pierre Charon. Je l'ai vécu à Paris !
Mme Cécile Duflot, ministre. Je vous invite à contacter les nombreuses associations qui se feront un plaisir de vous faire visiter les hôtels dans lesquels ces personnes sont accueillies. Vous conviendrez, alors, que les conditions de décence ne sont pas toujours remplies. Néanmoins, je l'ai dit, nous n'avions pas, jusqu'à maintenant, les moyens de faire autrement.
Ce sujet relève de la dignité humaine.
Mme Annie David. Exactement !
Mme Cécile Duflot, ministre. La manière dont nous considérons des hommes, des femmes et des enfants qui sont nos égaux et qui vivent parfois dans la rue, dans des conditions absolument inacceptables, est une question essentielle pour un pays comme le nôtre, qui revendique les valeurs d'égalité, de fraternité, mais non pas de charité.
M. Yannick Vaugrenard. Exactement !
Mme Cécile Duflot, ministre. Je considère qu'il est du devoir de la République de loger de façon respectable l'ensemble de ses habitants.
C'est, en tout cas, ce à quoi s'emploie le Gouvernement, sans esprit de polémique, mais avec une détermination qui n'a d'égale que la force de ses valeurs. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Charon, pour la réplique.
M. Pierre Charon. Madame le ministre, ayant récemment été élue à Paris, vous aurez l'occasion de vérifier le prix des chambres d'hôtel. Les Français qui nous regardent actuellement à la télévision peuvent le faire aussi !
Mes collègues sont d'accord avec moi : le prix d'une chambre d'hôtel ne s'élève pas à 15 euros, loin de là ! Cela dit, je comprends votre gêne. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Éliane Assassi. Lamentable !
M. Pierre Charon. C'est moi qui ai la parole, vous ne pouvez pas intervenir ! (Oh là là ! sur les mêmes travées.) C'est tout l'intérêt des questions cribles ! La démocratie existe au Sénat !
Ma proposition est claire : avant de faire la leçon à tout le monde, il faut balayer devant sa porte. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Mme Annie David. Quelle honte !
M. Pierre Charon. La mairie de Paris a de nombreux bâtiments, qui pourraient permettre de loger les 14 000 personnes qui vivent dans la précarité sur son territoire.
Pour cela, ce serait la moindre des choses, il faudrait mener un travail de transparence. Madame le ministre, en tant que présidente du groupe Europe Écologie au conseil régional d'Île-de-France, vous avez voté, au mois de février dernier, l'achat d'un hôtel particulier du XVIIIe siècle, sis rue Barbet-de-Jouy, pour un montant de 19 millions d'euros, et qui est destiné au confort des vice-présidents de la région.
Mme Éliane Assassi. Quel est le rapport ?
M. Alain Bertrand. Cela n'a rien à voir !
M. Pierre Charon. On l'appelle avec malice le « château Huchon » ! Sa surface est de 1 800 mètres carrés. À l'heure actuelle, évidemment, il est vide ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Michel Vergoz. Hors sujet ! Zéro !
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