Question de Mme KAMMERMANN Christiane (Français établis hors de France - UMP) publiée le 21/12/2012
Question posée en séance publique le 20/12/2012
Mme Christiane Kammermann. Ma question s'adresse à M. le ministre chargé des affaires européennes.
La crise syrienne est dans son vingt et unième mois. Le pays est complètement dévasté par la répression sanglante contre les insurgés, qui a fait plus de 40 000 morts et un nombre incalculable de blessés, disparus, prisonniers, essentiellement civils.
La brutalité de la répression du régime syrien a nourri le radicalisme religieux des insurgés.
Or la Syrie est la clef de voûte du Moyen-Orient. Si elle se désagrège, la remise en question de ses frontières pourrait déstabiliser toute la zone.
Près de 400 000 syriens sont réfugiés, dont plus de 100 000 au Liban. Il s'agit d'une charge de plus en plus lourde pour les pays d'accueil.
Des efforts diplomatiques sont déployés pour venir en aide aux populations syriennes. Toutefois, le Conseil de sécurité des Nations unies n'a pas pris de résolution en raison du veto de la Chine et de la Russie.
L'action de M. Lakhdar Brahimi, le médiateur international de l'ONU et de la Ligue arabe, n'a pas donné le résultat escompté. La seule note d'espoir est venue de la conférence de Doha, laquelle s'est tenue il y a un mois au Qatar et rassemblait plus de cent pays et organisations, où a été formée la « coalition nationale syrienne », dont l'intitulé témoigne de la responsabilité démocratique du peuple syrien.
La réunion de Marrakech du 12 décembre dernier se situe dans le prolongement de l'engagement de la communauté internationale en faveur de cette coalition.
Dans ce contexte de crise internationale aiguë, monsieur le ministre, je souhaite vous faire part de mes interrogations.
Comment la France envisage-t-elle la transition politique, le départ de Bachar El Assad et la mise en place d'un nouveau régime politique en Syrie ? Selon vous, une transition négociée est-elle envisageable ?
Quel effort de soutien aux populations civiles dans les zones libérées la France a-t-elle engagé ?
Le 11 novembre dernier, la conférence de Doha a permis la création d'une coalition de l'opposition syrienne, considérée comme seul représentant légitime du peuple syrien. Comment la France peut-elle aider cette coalition à se structurer ? Pourra-t-elle la reconnaître comme le seul représentant du peuple syrien, comme le gouvernement légitime de la Syrie ?
Comment voyez-vous, dans les semaines à venir, les répercussions des troubles sur la situation au Liban ? La sécurité de ce pays n'est-elle pas de plus en plus menacée ? Le Hezbollah ne risque-t-il pas de jouer la déstabilisation du Liban ?
Pouvez-vous nous dire ce que la France est prête à faire, notamment dans les pays voisins, si la situation continue à se dégrader afin de protéger ou d'évacuer nos compatriotes ?
S'agissant de l'embargo sur les armes, la France maintient-elle sa position ? Je vous remercie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. Mme Chantal Jouanno et M. Jean Arthuis applaudissent également.)
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Réponse du Ministère chargé des affaires européennes publiée le 21/12/2012
Réponse apportée en séance publique le 20/12/2012
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Merci beaucoup, madame la sénatrice, pour votre question qui montre l'ensemble des défis auxquels la communauté internationale se trouve confrontée en Syrie, pays où, vous l'avez rappelé, se joue un drame d'abord humanitaire.
Près de 40 000 Syriens sont morts dans des conditions parfois d'une extrême atrocité, parce qu'un régime a décidé de martyriser son peuple pour se maintenir au pouvoir ; 500 000 syriens ont été déplacés et se retrouvent dans un état de très grande précarité ; au moment où nous parlons, ce sont entre 2 millions et 4 millions de Syriens qui risquent d'être exposés à un drame humanitaire. C'est dire l'ampleur de la difficulté humanitaire à laquelle on se trouve confronté dans ce pays et cette région.
Malgré cela, il y a aujourd'hui des raisons d'espérer - d'espérer avec prudence, mais d'espérer.
D'abord, la situation militaire s'est considérablement modifiée. La coalition nationale syrienne s'est dotée de moyens militaires désormais coordonnés par un chef d'état-major qui mène les opérations avec une efficacité qui a conduit les troupes de la coalition nationale syrienne jusqu'aux portes de Damas. La très forte pression exercée militairement par ces troupes sur le gouvernement de Bachar El Assad est telle qu'un certain nombre de pays qui soutenaient le régime - je pense notamment à la Russie - commencent à considérer que le départ de Bachar El Assad, en raison de la pression militaire et diplomatique qui s'exerce sur lui, pourrait devenir demain inéluctable.
Cette situation militaire est de nature à permettre un approfondissement des discussions et des échanges diplomatiques, une augmentation des pressions qui s'exercent sur le régime, de manière à pouvoir faire en sorte que, comme nous le souhaitons depuis longtemps, il quitte le pouvoir.
Bien entendu, cela ne pourra se faire, et vous avez raison de le dire en ces termes, si nous ne multiplions pas les initiatives pour rendre cette pression insupportable, pour qu'elle oblige l'actuel pouvoir à partir. C'est ce que nous faisons.
Nous l'avons fait en étant les premiers à décider de la mise en place d'une aide humanitaire pour les conseils civils révolutionnaires.
Nous le faisons en ayant été les premiers à avoir reconnu la coalition nationale syrienne. Vous vous interrogiez sur le fait de savoir si nous allions la reconnaître comme un gouvernement alternatif légitime. C'est déjà fait !
Nous avons voulu entraîner dans notre sillage les pays de l'Union européenne, et nous avons commencé à le faire avec succès. La conférence des amis du peuple syrien, à laquelle vous faisiez référence tout à l'heure, a permis à un très grand nombre de pays, dont les États-Unis à quelques heures de l'ouverture de cette réunion, de reconnaître à leur tour la coalition nationale syrienne. Dès lors que cette coalition s'est rassemblée, qu'elle s'est dotée d'un leadership fort, nous sommes sur le bon chemin.
Il faut donc maintenir cette pression, continuer à aider sur le plan humanitaire, multiplier les initiatives politiques pour que les pays qui hésitent encore à nous rejoindre au sein du Conseil de sécurité le fassent, et veiller à ce que tout cela soit fait en étroite liaison avec les pays de la région, afin d'éviter la déstabilisation que vous avez pointée dans votre question comme un risque réel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur quelques travées du groupe écologiste. - MM. Stéphane Mazars et Jean Boyer applaudissent également.)
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