Question de Mme GONTHIER-MAURIN Brigitte (Hauts-de-Seine - CRC) publiée le 17/01/2013
Mme Brigitte Gonthier-Maurin demande à Mme la ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative de lui indiquer la position du Gouvernement français et les démarches qu'il compte engager face aux décisions de certaines instances internationales du sport qui ont autorisé le port par des sportives d'un « foulard », voire d'un « hijab », en contradiction flagrante avec le principe de neutralité du sport inscrit dans la charte olympique et dans le règlement des grandes fédérations internationales et qui s'oppose au port d'insignes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse.
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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 20/02/2013
Réponse apportée en séance publique le 19/02/2013
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le ministre, je partage les inquiétudes que M. Mézard vient d'exprimer.
Mme Nathalie Goulet. Pas moi !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je souhaitais également vous faire part, en ma qualité de présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, de la très vive préoccupation que m'inspirent les décisions prises par certaines instances internationales du sport pour autoriser le port par des sportives d'un foulard, voire d'un hijab.
Je pense d'abord à la décision de la Fédération internationale de football, qui a adopté le 26 octobre 2012 un certain nombre d'amendements aux Lois du jeu pour préciser le « design », la « couleur » et le « matériau » du foulard qui sera autorisé, tout en précisant que ce foulard ne peut être porté que par des femmes.
Mais ce cas n'est malheureusement pas isolé : la Fédération de karaté a également décidé d'autoriser des athlètes féminines musulmanes à porter un hijab - c'est le terme utilisé dans la décision du comité exécutif - à compter du 1er janvier 2013.
Ces décisions choquantes sont de surcroît en contradiction manifeste avec les deux grands principes fondamentaux du sport garantis par la Charte olympique et les règlements des grandes fédérations internationales. Elles violent le principe de neutralité du sport consacré dans la règle 50, alinéa 3, de la Charte olympique, qui proscrit toute sorte de « démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale » dans les manifestations olympiques et sportives. Or je ne pense pas que l'on puisse se méprendre sans mauvaise foi sur la signification religieuse du port du hijab ou de l'un de ses succédanés.
En outre, dans la mesure où le port du voile est exclusivement réservé aux femmes, ces décisions me paraissent contraires au refus par la Charte olympique de toute discrimination fondée sur des considérations de race, de religion, de politique ou de sexe.
Dans le rapport qu'elle avait consacré au mois de juin 2011 à l'égalité des femmes et des hommes dans le sport, notre délégation avait adopté à l'unanimité une recommandation pour rappeler son attachement au strict respect de ces principes et élever une mise en garde contre ces dérives absolument inacceptables.
Mme Nathalie Goulet. Comme ça, ces femmes ne joueront plus du tout !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous avions invité les autorités françaises chargées du sport à relayer cette préoccupation auprès des instances internationales du sport.
Monsieur le ministre, le Gouvernement auquel vous appartenez a fait de la défense de l'égalité entre les femmes et les hommes un des axes forts de sa politique. Je souhaiterais que vous nous précisiez sa position à l'égard de ce type de dérives, ainsi que les démarches que vous comptez entreprendre ou que vous avez déjà entreprises pour y remédier, même si vous m'avez déjà renseignée pour partie en répondant à M. Mézard.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Madame Gonthier-Maurin, je ne m'en réjouis pas moins de répondre à votre question sur ce problème que vous connaissez bien et dont il est souhaitable que l'on se préoccupe sur l'ensemble des travées de la Haute Assemblée.
Les instances internationales du sport ont une approche de la notion de neutralité qui n'est pas celle de la République française, en raison d'ailleurs d'une série d'influences qui nous semblent préoccupantes.
Ainsi, le Comité international olympique, majoritairement composé d'hommes et peut-être sensible au poids de certains pays, estime le port du foulard islamique compatible avec la compétition sportive, comme l'ont encore démontré récemment les jeux Olympiques de Londres.
La décision prise par la FIFA le 5 juillet 2012 va dans le même sens. Son objectif initial est de permettre aux joueuses voilées de participer à des compétitions internationales, ce qui était exclu, je l'ai rappelé, auparavant.
La position du Gouvernement est claire : on ne met pas de voile pour faire du sport. Un terrain de football, un stade, un gymnase, un dojo ne sont pas des lieux d'expression politique ou religieuse. Ce sont des lieux de neutralité où doivent primer les valeurs du sport : l'égalité, la fraternité, l'impartialité, l'apprentissage du respect de soi-même et de celui d'autrui.
Il appartient donc aux fédérations de faire en sorte que leur règlement respecte ces valeurs, tout en garantissant l'absence de discrimination et une stricte égalité hommes-femmes. En effet, nul ne doit être écarté de la pratique sportive en raison de ses opinions religieuses et politiques.
Or la décision de la FIFA, en mettant en cause la stricte égalité entre les hommes et les femmes, crée une discrimination supplémentaire : couvrir les femmes d'un voile, c'est encore une fois chercher à les soustraire au regard de tous les autres.
Le sport est un formidable levier d'intégration, de lutte contre l'échec scolaire, d'émancipation et de réduction des inégalités sociales et culturelles. Le Gouvernement et l'ensemble des acteurs du monde sportif restent vigilants, mobilisés et déterminés à empêcher que le sport ne devienne un lieu de tensions, de sexisme ou d'exclusion.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je vous remercie de la fermeté de votre réponse, monsieur le ministre.
Vous avez à juste titre évoqué la composition des instances internationales du sport. Je crois que nous devrions effectivement nous y intéresser. Favoriser la promotion des femmes au sein de ces organismes permettrait sans doute de faire avancer les choses.
Comme vous l'avez rappelé, le sport est un formidable espace de solidarité, de fraternité et d'humanité. Il serait tout de même paradoxal, à l'heure où un gouvernement applique la parité et où un ministère est dédié spécifiquement aux droits des femmes, d'enregistrer de tels reculs sur notre territoire national. Mobilisons-nous pour faire respecter les principes de la Charte olympique !
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