Question de Mme GARRIAUD-MAYLAM Joëlle (Français établis hors de France - UMP) publiée le 28/02/2013

Mme Joëlle Garriaud-Maylam interroge Mme la ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée de la francophonie, sur les exigences et actions de l'Etat français pour assurer la pérennité de l'usage du français en France et dans les organisations internationales.



La loi nº 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française est normalement destinée à protéger le patrimoine linguistique français. Il semble pourtant que, malgré ce cadre légal, la langue française subit, ces derniers temps, de nombreuses attaques visant à nous imposer subrepticement une langue unique (l'anglais) et ultérieurement un mode de vie puis une pensée unique fortement influencée par les valeurs anglo-saxonnes.

La marginalisation et l'éradication d'une langue sont toujours le préambule à la disparition d'une culture puis d'une identité.

L'État et le peuple français ont une grande responsabilité dans ce qui se passe actuellement. De son comportement dépendra la survie de notre langue française, aujourd'hui classée comme langue « menacée » par le linguiste Claude Hagège dans son Dictionnaire amoureux des langues.

A l'indifférence, voire l'encouragement, l'administration française doit substituer au plus vite le refus et l'exigence. Sans lancer de déclaration de guerre aux autres langues, nous devons être « des indignés linguistiques » pour reprendre l'expression d'Abdou Diouf, secrétaire général de l'Organisation internationale de la francophonie, à l'ouverture du premier forum mondial sur la langue française qui s'est réuni à Québec en juillet dernier.

Les exemples de la progression des anglicismes dans notre vie quotidienne sont nombreux et dépassent très largement les inquiétudes de ceux qui s'offusquaient il y a quelques années que l'on puisse partir en week-end, faire un peu de shopping ou stationner au parking. La pression de l'anglais est maintenant généralisée dans les médias, la presse magazine et même les slogans publicitaires de grandes marques (y compris françaises). Partant du principe qu'il est plus facile de ne pas respecter des règles lorsque ceux qui sont censés les faire appliquer ne s'en préoccupent plus vraiment, les défenseurs de la francophonie (et elle pense tout particulièrement aux africains francophones) en appellent au sursaut de la France et de son Gouvernement contre l'utilisation hégémonique d'une seule et unique langue, l'anglais.

Le recul est également manifeste dans des institutions internationales où le français est pourtant une langue officielle.

Comment, dans ce cas, peut-on accepter que l'Office statistique européen « Eurostat » ne publie plus qu'en anglais ?

Ne doit-on pas s'inquiéter que l'Office européen des brevets, par le biais du protocole de Londres, tende à imposer l'anglais comme langue scientifique et technique ?

Est-il normal que de nombreux documents envoyés par Bruxelles pour servir de base de travail aux services de l'État français, soient envoyés en anglais alors même que nous pourrions exiger la rédaction de ces textes en français ?

Enfin, n'y-a-t-il pas un risque majeur pour le maintien du français comme l'une des 5 langues de référence aux Nations Unies lorsque le recrutement du personnel exige la maitrise de l'anglais dans 87 % des recrutements et celle du français dans moins de 7 % des cas ?

En demeurant passifs, les responsables politiques des nations francophones se font complices.

Aussi, souhaiterait-elle qu'on lui indique les mesures que l'État français compte mettre en place pour assurer la pérennité de la pratique de notre langue maternelle.

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Réponse du Ministère chargé de la francophonie publiée le 21/03/2013

La France met en œuvre une politique active de promotion de la langue française dans le monde. Cette action est relayée par nos postes diplomatiques, les Alliances françaises, les établissements scolaires. Notre pays soutient également les différentes actions de l'Organisation internationale de la Francophonie et de ses opérateurs en faveur du français. L'OIF développe en particulier deux importants programmes de promotion de la langue française. Le premier s'adresse aux fonctionnaires et diplomates non francophones et concerne chaque année entre 8 000 et 11 000 participants, choisis en fonction de l'usage qu'ils seront amenés à faire de la langue française au cours de leur carrière. Le deuxième a pour objectif de promouvoir la langue française au sein des organisations internationales, notamment africaines (Union africaine, communauté des États d'Afrique de l'Ouest. . ). Des « plans capitales de l'UE », conjuguant stages d'immersion linguistique et cours sur place, s'adressant à des diplomates européens de haut rang, sont également mis en place. Ces plans comportent aussi un volet de renforcement des compétences des traducteurs et interprètes. La France n'hésite pas par ailleurs à rappeler aux États-membres de la Francophonie, en concertation avec l'OIF, qu'ils se sont engagés à défendre la langue française en adoptant en 2006, à Bucarest, un « vademecum relatif à l'usage de la langue française dans les organisations internationales ». Elle note avec satisfaction qu'au cours des dernières années, un plus grand nombre de délégations s'est exprimé en français dans le cadre du débat général à l'Assemblée générale des Nations unies. S'agissant des procédures de recrutement qui favorisent la maîtrise de la langue anglaise aux dépens des autres langues, il convient de souligner que cette dérive a été dénoncée dans un rapport établi par le Corps commun d'inspection de l'Organisation des Nations unies, fin 2011. Ce rapport recommande, entre autres mesures favorisant le multilinguisme, de veiller à un meilleur équilibre linguistique lors des recrutements. La France veille à ce que les recommandations de ce rapport soient maintenant mises en œuvre. C'est à travers une mobilisation permanente de l'ensemble de notre corps diplomatique, tant au sein des institutions européennes que dans les autres organisations internationales, que nous rappellerons que le multilinguisme est un gage d'efficacité du système multilatéral. Une feuille de route pour la promotion du multilinguisme dans les organisations internationales sera, à cet égard, prochainement adressée aux postes diplomatiques pour actualiser les instructions relatives aux actions à mettre en œuvre.

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