Question de M. LARCHER Serge (Martinique - SOC-A) publiée le 07/03/2013
M. Serge Larcher attire l'attention de Mme la ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme sur la situation du registre du commerce et des sociétés outre-mer et sur les graves dysfonctionnements qui en découlent et qui pèsent sur les dirigeants de très petites entreprises comme des petites et moyennes entreprises de nos départements.
Les créateurs de très petites entreprises et de petites et moyennes entreprises mettent jusqu'à 6 ou 9 mois pour obtenir l'immatriculation de leur entreprise. Quant aux entreprises existantes, elles se voient délivrer des extraits de K bis qui ne sont, souvent, plus mis à jour depuis des années, ce qui les pénalise gravement pour répondre aux appels d'offres ou obtenir des crédits bancaires.
C'est la raison pour laquelle, à l'initiative du Sénat, la récente loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer prévoit la possibilité, pour les chambres de commerce outre-mer, de tenir le registre du commerce et des sociétés, dès lors que le fonctionnement normal de celui-ci serait compromis, ce que nul ne peut sérieusement contester concernant nos départements.
Toutefois, la loi n° 2012-1270 n'abroge pas formellement la privatisation des greffes, qui avait été décidée par le précédent Gouvernement, et dont le processus est en cours à la Chancellerie. Nous en connaissons les risques, sur de petits territoires comme les nôtres où la concentration d'informations très sensibles entre les mains d'un greffier unique risquerait de conduire à des situations que personne ne souhaite.
À cet égard, la position exprimée par le Gouvernement dans l'exposé des motifs de son amendement CE90 (AN) au projet de loi sur la régulation économique outre-mer est rassurante et doit être soutenue. Pour rappel, cette position indique que : « le Gouvernement (
) ne pense pas que la privatisation des greffes des tribunaux judiciaires outre-mer soit une bonne chose ».
Il souhaite donc savoir si elle peut lui confirmer cette position du Gouvernement et dans quelle mesure il est envisagé de mettre fin, de manière plus formelle, dans un projet de loi à venir, à la privatisation des greffes outre-mer décidée par l'ancienne majorité.
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Transmise au Ministère de la justice
Réponse du Ministère de la justice publiée le 24/04/2013
Réponse apportée en séance publique le 23/04/2013
M. Serge Larcher. Madame le garde des sceaux, la question de la tenue des registres du commerce et des sociétés est un enjeu important dans nos outre-mer. De graves dysfonctionnements pèsent actuellement sur l'activité des TPE et des PME ultramarines.
Les créateurs de très petites entreprises et de petites et moyennes entreprises mettent ainsi parfois six mois, voire neuf mois pour obtenir l'immatriculation de leur entreprise. Quant aux entreprises existantes, elles se voient délivrer des extraits de K-bis qui ne sont souvent plus mis à jour depuis des années. Cela les pénalise gravement pour répondre aux appels d'offres ou pour obtenir des crédits bancaires.
Dans ce contexte, la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur au Sénat, comporte une disposition importante : son article 31 permet, en effet, au ministre de la justice de déléguer, dans les départements d'outre-mer, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, la gestion matérielle du RCS à la chambre de commerce et d'industrie, lorsque le fonctionnement normal est compromis.
Pour autant, cette loi n'a pas abrogé la privatisation des greffes, qui avait été décidée par le gouvernement précédent. Nous connaissons les risques de cette privatisation sur des petits territoires comme les nôtres où la concentration d'informations sensibles entre les mains d'un greffier unique risquerait de conduire à des situations que personne ne souhaite.
À cet égard, nous avons été rassurés par la position exprimée dans l'exposé des motifs d'un amendement du Gouvernement déposé à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale. Il était en effet indiqué que le Gouvernement ne pensait pas « que la privatisation des greffes des tribunaux judiciaires [outre-mer] soit une bonne chose ».
Madame le garde des sceaux, pouvez-vous nous confirmer cette position du Gouvernement ? Est-il envisagé de mettre fin de façon formelle, dans un projet de loi à venir, à la privatisation des greffes d'outre-mer ?
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous aviez adressé votre question à Mme la ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme, Sylvia Pinel, et je crois que vous n'aviez pas tout à fait tort... Vous allez cependant être puni de l'infidélité que vous m'avez faite puisque c'est moi qui vais vous répondre, en vertu des responsabilités qui sont les miennes ! (M. Serge Larcher sourit.)
Sur la question précise de la privatisation, la position du Gouvernement est très claire. Nous avons la chance d'avoir des tribunaux mixtes de commerce dans les outre-mer.
Il m'arrive d'ailleurs fréquemment de rappeler que nous avons, sur le territoire hexagonal, des tribunaux de commerce et l'exception que constitue l'Alsace-Moselle, avec ses tribunaux de grande instance qui accueillent des chambres commerciales ; et, dans les outre-mer, les tribunaux mixtes de commerce.
Vous avez raison de rappeler qu'il s'agit de territoires exigus - certes pas tous, puisque la Guyane s'étend sur 91 000 kilomètres carrés - et, dans tous les cas, de petites sociétés dans lesquelles les gens se connaissent, et où se pose la question de la confidentialité des informations contenues dans les registres du commerce et des sociétés.
Je vous confirme donc la position du Gouvernement : il s'agit bien de celle que vous avez évoquée et qui figurait dans l'exposé des motifs de la loi que vous avez rapportée. Vous savez que ce sujet est porté principalement par le ministre des outre-mer, Victorin Lurel, ainsi que par ma collègue Sylvia Pinel ; pour ma part, je veille au bon fonctionnement de nos tribunaux.
Je me suis préoccupée de cette question dès ma prise de responsabilité et j'ai décidé de renforcer très rapidement les effectifs des greffes des tribunaux de commerce des outre-mer. J'ai ainsi procédé dès novembre dernier, sur la base d'une étude conduite par la Chancellerie, à une allocation d'effectifs qui a permis d'affecter huit vacataires dans ces tribunaux pour une durée de six mois. J'ai surtout décidé de pérenniser les effectifs. Ainsi, 14 emplois ont été créés dès cette année 2013. Vous le saviez d'ailleurs, monsieur le sénateur, puisque vous m'aviez fait part de votre préoccupation sur ce sujet. Je vous avais alors informé du fait que mon cabinet avait reçu à ma demande, le 29 mars, des parlementaires d'autres territoires également préoccupés par cette question. Nous avons décidé de faire un effort sur la formation des personnes appelées à prendre ces fonctions.
J'ai par ailleurs veillé à ce que les représentants des chambres de commerce et d'industrie locales soient reçus à la Chancellerie, ce qui fut fait le 12 avril.
Enfin, comme l'engagement en avait été pris devant les parlementaires le 29 mars, il a été entendu que nous travaillerions ensemble afin de mettre en place les éventuelles conventions qui seraient nécessaires.
Je veillerai scrupuleusement à ce que les parlementaires soient informés correctement et en temps réel de l'évolution de ce dossier.
Je souhaite donc vous rassurer, monsieur le sénateur, et vous inviter amicalement à exercer toutes les pressions nécessaires sur le ministre des outre-mer... (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher. C'est toujours un plaisir de vous entendre, madame la garde des sceaux !
Je suis bien entendu rassuré, car j'avais été informé des échanges auxquels avait donné lieu la réunion organisée au ministère le 29 mars dernier, à laquelle je n'avais, hélas, pas pu assister, car j'étais alors en Martinique.
Il s'agit, là encore, d'apporter concrètement des solutions spécifiques à des situations spécifiques. Les meilleures politiques consistent non pas à répondre de manière générale, mais à trouver la solution qui convienne. En l'occurrence, les outre-mer connaissant une situation particulière, il faut adopter une démarche adaptée.
Mais vous êtes bien placée, madame la garde des sceaux, pour comprendre ces préoccupations. Nous sommes donc très heureux que vous nous donniez satisfaction sur ce point. Je ne peux que vous apporter mon soutien et applaudir votre décision. Je viendrai d'ailleurs vous voir afin que nous en discutions plus longuement ! (Sourires.)
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