Question de M. MARINI Philippe (Oise - UMP) publiée le 12/04/2013

Question posée en séance publique le 11/04/2013

M. Philippe Marini. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. Pierre Moscovici. (La réserve ! La réserve ! La réserve !, scande-t-on sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Serait-il possible que vous me laissiez parler durant deux minutes trente, chers collègues ?

M. Alain Richard. Expliquez-vous sur la réserve !

M. le président. Veuillez poser tranquillement votre question, mon cher collègue.

M. Philippe Marini. Monsieur le ministre, beaucoup d'entre nous pensent que les annonces faites cette semaine ne constituent qu'une simple diversion dans le contexte d'une situation très grave, que le Gouvernement n'arrive pas à gérer.

En matière de lutte contre les excès des paradis fiscaux, ces annonces sont excellentes dans leur principe. Mais il faut aussi savoir utiliser les outils qui existent déjà.

M. David Assouline. La réserve !

M. Philippe Marini. Or, à la suite de la crise financière et des réunions du G20, le réseau de conventions internationales s'est perfectionné, avec notamment la signature d'un avenant à la convention qui nous lie à la Suisse, complété en février 2010 par un échange de lettres entre les directeurs des administrations fiscales suisse et française.

M. Alain Richard. On le sait déjà !

M. Jean-Marc Todeschini. Moralisez donc la réserve !

M. Philippe Marini. Cet échange de lettres vous aurait permis, monsieur le ministre, d'interroger beaucoup plus largement que vous ne l'avez fait l'administration fiscale suisse pour savoir si, oui ou non, un certain docteur Cahuzac détenait bien, directement ou indirectement, des comptes en Suisse.

Monsieur le ministre, pourquoi avez-vous limité votre question à la seule banque UBS ? (La réserve ! La réserve ! La réserve !, scande-t-on encore sur certaines travées du groupe socialiste.)

En second lieu, et alors qu'il était de notoriété publique, monsieur le ministre, que d'éventuels comptes en Suisse avaient pu être déplacés vers Singapour, pourquoi n'a-t-on pas utilisé la convention franco-singapourienne, qui date de la même époque et qui permettait de s'assurer de l'existence ou non d'un compte auprès de cet État ?

M. Jean-Louis Carrère. Quand on donne des leçons, il vaut mieux être irréprochable !

M. Philippe Marini. Monsieur le ministre, les réponses que vous avez bien voulu m'adresser par écrit ne me semblent pas de nature à épuiser le sujet, d'autant qu'elles sont aujourd'hui éclairées par de nouveaux bruits, de nouvelles rumeurs, de nouvelles indications parues dans la presse (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste, où l'on scande de nouveau : La réserve ! La réserve ! La réserve !) Ces nouveaux développements prouvent que cette affaire n'en est probablement qu'à ses débuts ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

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Réponse du Ministère de l'économie et des finances publiée le 12/04/2013

Réponse apportée en séance publique le 11/04/2013

M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances. Monsieur Marini, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai évidemment lu et entendu toutes les questions, tous les raccourcis, toutes les simplifications sur ce que l'on appelle « l'affaire Cahuzac ».

Je répète ici qu'il s'agit de la faute et du mensonge d'un homme, et non d'une responsabilité collective. Prenez garde de ne pas tomber dans ce type de dérives.

J'ai en effet constaté que de nouvelles allégations étaient publiées ce matin dans un hebdomadaire classé à droite, et même très à droite, Valeurs actuelles. Ce sont ces allégations qui vous conduiront, cet après-midi, monsieur le président de la commission des finances, à vous rendre au ministère des finances - vous y êtes évidemment le bienvenu -, pour vérifier de quoi il s'agit.

Mais je veux dire ici, avec la plus grande force et la plus grande fermeté, que ces allégations sont mensongères, et je les démens formellement. Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, je combattrai les mensonges, en me réservant la possibilité de leur donner des suites judiciaires.

Pour le reste, je veux m'en tenir aux faits. Vous êtes certes légitime à m'interroger en votre qualité de président de la commission des finances, monsieur Marini, mais il est facile de réécrire l'histoire a posteriori.

Il y avait bien, ici ou là, des analyses, mais une seule mise en cause existait, celle de Mediapart, qui affirmait que Jérôme Cahuzac aurait possédé, au début de 2010, un compte à la banque UBS, en Suisse, compte transféré par la suite à Singapour.

C'est cette information-là, et elle seule, que l'administration fiscale a cherché à vérifier, à travers une convention d'entraide avec la Suisse.

J'ai déjà répondu sur le champ de notre demande d'entraide.

Nous avons interrogé la Suisse sur l'hypothèse de la détention d'un compte à la banque UBS, car nous n'avions pas à cette date d'éléments nous permettant de viser d'autres établissements financiers.

Vous évoquez un avenant, monsieur Marini. Mais, contrairement à ce que vous affirmez, il est plus restrictif que la convention en la matière, et ne permettait pas d'évoquer des circonstances ou des conditions exceptionnelles.

Nous avons demandé aux autorités suisses de remonter loin dans le temps - aucun gouvernement ne l'avait fait avant nous -, jusqu'en 2006, date de la prescription fiscale.

M. Albéric de Montgolfier. Il n'y avait pas eu de Cahuzac avant !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous avions eu la bonne idée de ne pas le nommer ministre ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Pierre Moscovici, ministre. Nous avons interrogé les autorités suisses non seulement au sujet de M. Cahuzac, mais aussi au sujet d'éventuels ayants droit qui auraient pu servir d'intermédiaires ; nous avons demandé aussi s'il y avait eu des transferts.

Sur tous ces points, je dis bien sur tous ces points, mesdames, messieurs les sénateurs, la réponse des autorités suisses fut claire, nette et précise,... et négative !

Ensuite, tout a été transmis à qui de droit, d'abord à la police judiciaire, puisqu'il y avait une enquête en cours, ensuite, dès que vous l'avez demandé, à vous-même, monsieur Marini, en votre qualité de président de la commission des finances.

Pour terminer, permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de m'adresser à vous plus personnellement.

Dans cette affaire, l'administration fiscale a fait tout ce qu'elle devait faire, tout ce qu'elle pouvait faire, dans le respect du droit, et c'est fondamental.

M. François Rebsamen. C'est vrai !

M. Pierre Moscovici, ministre. Comme toujours, elle a été remarquable, honnête, vigoureuse, rigoureuse.

Prenons garde de ne pas transformer la faute d'un homme en attaque contre un gouvernement ou contre un ministre intègre. Prenons garde de ne pas salir cette administration qui est l'une des plus capables du monde, l'une des plus compétentes du monde, et que je suis fier aujourd'hui de diriger, avec Bernard Cazeneuve. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre. « Rien n'est blessant comme un reproche injuste », disait Sophocle. Mais, lorsque l'on n'a rien à se reprocher, on affronte les reproches avec fermeté. C'est précisément ce que je fais ! (De nombreux sénateurs sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées du RDSE se lèvent et applaudissent longuement.)

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