Question de M. FAUCONNIER Alain (Aveyron - SOC) publiée le 26/04/2013
Question posée en séance publique le 25/04/2013
M. Alain Fauconnier. Madame la présidente, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, il y a deux ans, sous le précédent gouvernement, la majorité de gauche du Sénat a adopté un amendement introduisant l'action de groupe dans le projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs. Cet amendement s'inspirait du rapport d'information des sénateurs Béteille et Yung, qui avait fait apparaître une grande lacune du droit français : l'absence de moyens de recours collectif à la disposition des consommateurs lésés.
Cette lacune autorise la persistance d'un déséquilibre entre le simple consommateur victime et l'entreprise coupable. Pourtant, dans divers pays, en Europe et ailleurs, les législateurs ont permis aux consommateurs victimes d'un même préjudice d'obtenir, par une mutualisation des moyens, un juste dédommagement. Bien sûr, lorsqu'il existe, un tel dispositif peut donner lieu à des dérives : c'est notamment le cas aux États-Unis, où l'application du principe du triple dédommagement entraîne parfois la faillite de l'entreprise responsable.
Quoi qu'il en soit, le précédent gouvernement s'est opposé avec la plus grande véhémence à cette disposition si nécessaire à la protection des consommateurs. De la sorte, il donnait satisfaction à ceux qui ont intérêt à ce que le consommateur reste sans défense face à des préjudices de plus en plus nombreux.
François Hollande, candidat à l'élection présidentielle,
M. Alain Gournac. Le sauveur !
M. Alain Fauconnier.
avait exprimé sa volonté de mettre la justice « au service du droit, de la République et des Français »
M. Alain Gournac. Une République exemplaire !
M. Alain Fauconnier.
par l'instauration d'une action de groupe telle que les citoyens victimes d'un même préjudice puissent obtenir réparation.
Le 14 novembre dernier, le Gouvernement a décidé en conseil des ministres la création d'une action de groupe à la française. Monsieur le ministre chargé de la consommation, je sais qu'après avoir saisi le Conseil national de la consommation, lancé une large consultation publique et étudié les nombreux rapports et avis publiés sur le sujet, vous vous apprêtez à présenter au Parlement un projet de loi introduisant l'action de groupe dans notre droit.
Mes deux questions portent sur la forme que vous entendez donner à cette action de groupe à la française.
Comment pensez-vous ouvrir la possibilité aux consommateurs ayant subi des dommages individuels de se coordonner pour obtenir une juste réparation ?
Comment, dans le contexte difficile que nous connaissons, répondre aux inquiétudes des entreprises à propos des excès des recours collectifs observés dans d'autres pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. Mme Annie David applaudit également.)
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Réponse du Ministère chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation publiée le 26/04/2013
Réponse apportée en séance publique le 25/04/2013
M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Fauconnier, permettez-moi de prendre deux exemples significatifs.
Le 19 septembre 2000, le Conseil de la concurrence, devenu aujourd'hui l'Autorité de la concurrence, a sanctionné plusieurs banques pour une entente anticoncurrentielle dans le secteur du crédit immobilier ; ces banques ont été condamnées à hauteur de 1 milliard de francs, soit 160 millions d'euros. Le 1er décembre 2005, le Conseil constitutionnel a sanctionné trois opérateurs de la téléphonie mobile, cette fois aussi pour une entente anticoncurrentielle ; ces entreprises ont dû acquitter 534 millions d'euros. Ces deux pénalités ayant été versées directement dans les caisses de l'État, les seuls qui n'ont jamais été indemnisés pour le préjudice qu'ils ont subi, ce sont les consommateurs !
C'est la raison pour laquelle, des années durant, de nombreux responsables politiques ont souhaité combler cette lacune du droit français en créant une action de groupe à la française. C'est d'abord Jacques Chirac, candidat à l'élection présidentielle, qui a promis de la mettre en uvre ; pour des raisons qu'il ne m'appartient pas de commenter, cela n'a pas été possible. C'est ensuite Nicolas Sarkozy qui a exprimé la même intention ; pour des raisons qu'il ne m'appartient pas de commenter, et qui étaient sans doute les mêmes que celles qui ont fait renoncer Jacques Chirac, il a choisi de ne pas agir...
Pour notre part, nous avons voulu inscrire la création des actions de groupe dans le projet de loi sur la consommation, qui sera présenté le 2 mai.
M. Jean-Pierre Sueur. Bravo !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. À quoi servira l'action de groupe ? Elle permettra aux consommateurs de demander réparation d'un préjudice subi dans le champ des contrats de consommation et des pratiques anticoncurrentielles. Concrètement, nous voulons que, demain, lorsqu'un certain nombre de grands groupes constituent des rentes économiques au détriment du consommateur, celui-ci puisse être indemnisé.
Aujourd'hui, c'est le pot de terre contre le pot de fer : il est extrêmement compliqué pour un consommateur d'obtenir réparation du préjudice qu'il a subi parce que, seul, il ne parvient pas à aller au bout de la procédure qu'il veut intenter. Avec les actions de groupe que nous allons créer, les consommateurs pourront, par l'intermédiaire d'associations agréées, mener à bien des procédures.
L'action de groupe sera une arme de dissuasion massive. Nous espérons que les procédures seront aussi peu nombreuses que possible parce que, de facto, les grands groupes changeront leurs politiques pour les éviter.
Nous voulons permettre aux consommateurs, par l'intermédiaire de leurs associations, d'obtenir réparation des préjudices subis devant des tribunaux d'instance spécialisés.
En clair, l'action de groupe à la française permettra que la rente économique amassée par un certain nombre de grands groupes, au lieu de servir à rémunérer des cabinets d'avocats, comme c'est le cas aux États-Unis, passe des entreprises vers les consommateurs sous forme de pouvoir d'achat.
Tel est, mesdames, messieurs les sénateurs, le sens de la mesure que le Gouvernement présentera dans le projet de loi sur la consommation. Puisque tous les Présidents de la République et presque tous les candidats à l'élection présidentielle au cours des vingt dernières années ont défendu cette mesure de protection des consommateurs, j'espère que les parlementaires de tous les bords la soutiendront ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. - Mmes Annie David et Françoise Laborde applaudissent également.)
M. François Rebsamen. Ils l'ont promis, vous le ferez !
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